Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
8 novembre 2004, présentée pour M. Harald X, demeurant ..., par Me Poncet ; M. X demande à la cour :
11) d'annuler le jugement n° 0100194 du 17 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune des Barils en date du 28 novembre 2000, accordant à M. Y un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation ;
2°) d'annuler ledit permis de construire ;
3°) de lui allouer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la construction litigieuse a été autorisée en méconnaissance des orientations et objectifs fixés dans le rapport de présentation du plan d'occupation des sols de la commune ; qu'elle est située en zone NC du plan d'occupation des sols dans laquelle est interdite toute construction à usage d'habitation ; que si, dans cette zone, sont autorisées les constructions liées directement à l'économie agricole, les bâtiments destinés au logement des exploitants ruraux ne peuvent être considérés comme tels, faute de dispositions expresses en ce sens dans le plan d'occupation des sols de la commune des Barils ; que le terrain d'assiette de la construction est enclavé et n'est pas desservi par les réseaux d'eau et d'électricité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2005, présenté pour la commune des Barils, par Me Gillet ; la commune des Barils conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la construction autorisée, destinée à être l'habitation principale d'un exploitant agricole et qui fait ainsi partie intégrante de l'exploitation, est liée directement à l'économie agricole ; qu'elle respecte donc les principes d'orientation du plan d'occupation des sols de la commune et les dispositions de ce plan applicables à la zone NC ; que le requérant n'apporte pas la preuve de ses allégations concernant l'accès au terrain et la desserte par les réseaux ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2005, présenté pour M. Christophe Y et Mme Manuela Z épouse Y, par la SCP Hubert et Lemaître ; M. et Mme Y concluent au rejet de la requête et demandent en outre à la Cour de condamner M. X à leur verser une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que la construction d'une maison d'habitation au siège de leur exploitation est directement liée à l'agriculture et correspond donc aux objectifs énoncés dans le rapport de présentation du plan d'occupation des sols et aux caractéristiques de la zone NC ; qu'elle respecte de même les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols applicables à la zone NC, même si ces dispositions ne visent pas expressément les constructions destinées au logement des exploitants ruraux ; que la jurisprudence invoquée par M. X n'est pas transposable au cas d'espèce ; que le permis de construire qui lui a été délivré prévoit l'obligation de raccordement aux réseaux publics d'eau potable et d'électricité et l'installation d'un système d'assainissement conforme à l'étude de définition du plan de masse de l'assainissement autonome réalisée en février 2000 ; que le terrain d'assiette de la construction n'est pas enclavé du fait de la servitude de passage qui leur a été consentie sur le terrain voisin appartenant à M. A ; que l'action en justice de M. X, qui les empêche d'engager les travaux, leur cause un préjudice en les obligeant à vivre dans des conditions précaires et éloignés du siège de l'exploitation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 juillet 2005, présenté pour M. X qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la construction d'un simple pavillon d'habitation, sans bâtiment annexe de production agricole, n'est pas conforme aux objectifs, énoncés dans le rapport de présentation du plan d'occupation des sols, de pérennisation des sièges d'exploitation existants et de préservation du caractère rural et authentique des différents corps de ferme ; que les règles impératives applicables à la zone NC ne permettent pas d'édifier dans cette zone des constructions à destination unique d'habitation ; qu'elles permettent seulement les constructions liées directement à l'économie agricole et destinées au stockage, à la transformation ou à la commercialisation des produits et des matériaux ;
Vu la lettre du président de la 1ère chambre de la Cour, en date du 7 septembre 2005, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu le mémoire , enregistré le 19 septembre 2005, présenté pour M. X qui persiste dans ses précédentes conclusions et conclut, en outre, à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de
M. et Mme Y ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2005 à laquelle siégeaient Mme Tricot, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur ;
- les observations de Me Deboeuf, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité du permis de construire attaqué :
Considérant que, par un arrêté en date du 28 novembre 2000, le maire des Barils a délivré à M. Y, exploitant agricole, un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation sur un terrain lui appartenant, classé en zone NC au plan d'occupation des sols de la commune des Barils ;
Considérant que le rapport de présentation du plan d'occupation des sols de la commune des Barils définit la zone NC comme une zone naturelle de protection agricole regroupant les espaces naturels agricoles et les sièges d'exploitation, dans laquelle sont seules autorisées, à l'exception de la restauration des constructions existantes, les constructions et installations liées à l'agriculture ; que le rapport de présentation précise que le parti d'aménagement ainsi retenu est destiné à « préserver la vocation agricole de la zone en protégeant les sièges d'exploitation en tant que tels afin de garantir leur pérennité » ; et qu'aux termes de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols :
« Ne sont admises que … les constructions liées directement à l'économie agricole (stockage, transformation, commercialisation des produits et matériels)… » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les terres que M. Y exploite, d'une superficie totale de 114 hectares, sont réparties sur le territoire de cinq communes du département de l'Eure, dont celle des Barils où il met en valeur une superficie de 28 hectares, 39 ares, et que le siège de son exploitation est situé sur la commune de Saint-Christophe-sur-Avre ; que la maison d'habitation pour laquelle M. Y a sollicité la délivrance du permis litigieux, qui n'est ni implantée à proximité du siège de son exploitation ou des bâtiments d'exploitation, ni destinée, même partiellement, à permettre le stockage, la transformation ou la commercialisation de produits ou matériels, ne peut être regardée comme liée directement à l'économie agricole au sens des dispositions précitées du plan d'occupation des sols de la commune ; que, par suite, c'est en méconnaissance de ces dispositions que le maire des Barils a délivré à M. Y le permis de construire attaqué ;
Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen soulevé par le requérant n'est pas susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation prononcée par le présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré à M. Y ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que, si M. et Mme Y demandent la condamnation de M. X à leur verser une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, de telles conclusions, qui sont présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables ; qu'elles ne peuvent donc, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune des Barils et à M. et Mme Y les sommes que demandent ces derniers au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune des Barils à verser à M. X une somme de 1 000 euros et de condamner M. et Mme Y à lui verser une même somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0100194 du Tribunal administratif de Rouen en date du
17 septembre 2004 et le permis de construire délivré le 28 novembre 2000 à M. Y par le maire de la commune des Barils sont annulés.
Article 2 : La commune des Barils versera à M. X une somme de 1 000 euros et
M. et Mme Y lui verseront une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions à fin d'indemnités de M. et Mme Y ainsi que leurs conclusions et celles de la commune des Barils tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Harald X, à la commune des Barils,
à M. et Mme Y et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
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N°04DA00979