Vu la requête, enregistrée le 4 août 2003, présentée pour la société anonyme POLYCLINIQUE SAINT-CÔME, dont le siège est ..., par Me X..., avocat ; la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 01-3210 en date du 27 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur les suppléments pour chambres particulières pour les périodes du
1er janvier 1978 au 31 décembre 1992 et du 1er janvier 1993 au 30 novembre 1993 ;
2°) de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée, assortie des intérêts moratoires, payée sur les suppléments pour chambres particulières pour les périodes du
1er janvier1978 au 31 décembre 1992 et du 1er janvier 1993 au 30 novembre 1993 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 37 668,37 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Elle soutient que l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne peut lui être opposé dès lors que l'absence de transposition correcte de la directive rendait pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; que le délai applicable est en l'espèce la prescription trentenaire du code civil ; qu'en tout état de cause, le délai de réclamation de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales s'applique à compter de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; que cet évènement est constitué par l'avis du Conseil d'Etat du 31 mai 2000 ; que ce n'est qu'à compter de cet avis qu'a été créée la sécurité juridique nécessaire pour que les cliniques puissent faire valoir leurs droits ; le Tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de fait en considérant que la demande de restitution de 60 099 francs correspondant au taux de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % acquitté au titre de suppléments pour chambres individuelles était comprise dans la somme ayant fait l'objet d'un dégrèvement partiel le 15 mai 2001 ; qu'en décidant d'imposer des opérations qui auraient dues être exonérées, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'elle a subi un préjudice lié au manque de moyens dont elle a souffert qui ne lui a pas permis la réalisation de vingt-cinq nouveaux lits ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 février 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de contrôle fiscal Nord), qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la demande de la société concernant la période du 1er janvier au 30 novembre 1993 est sans objet dès lors que la société a bénéficié d'un dégrèvement de 60 099 francs correspondant à sa demande pour cette période ; qu'en outre le délai de réclamation était expiré au 29 décembre 2000, date de sa réclamation ; que l'article L. 190 alinéa 3 limite la portée de l'action en répétition de l'indu ; que les dispositions nationales concernant le délai de réclamation sont reconnues par la Cour de justice des Communautés européennes comme conformes au droit communautaire ; qu'un avis du Conseil d'Etat ne constitue pas un événement nouveau au sens de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales ; que la demande pour la période du 1er janvier 1978 au 31 décembre 1992 est irrecevable faute d'être chiffrée et que ce vice ne peut être couvert en appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 mars 2004, présenté pour la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME ; elle demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés ; elle ajoute que le chiffrage de sa demande peut être régularisé à tout moment dès lors que ce vice de forme n'a pas motivé le rejet de la réclamation ; que si l'avis du Conseil d'Etat n'est pas une décision de justice, l'effet rétroactif de la demande en restitution n'est plus limité à quatre ans mais la prescription trentenaire s'applique ; elle déclare renoncer à sa demande pour la période du 1er janvier 1993 au 30 novembre 1993 mais maintient sa demande d'intérêts moratoires concernant cette période ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de contrôle fiscal Nord) ; il informe la Cour que l'administration va procéder au versement des intérêts moratoires pour la période du 1er janvier 1993 au 30 novembre 1993 ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (bureau J1) ; il conclut au rejet de la requête en soutenant que l'action en dommages et intérêts est irrecevable ; qu'en effet la requérante n'apporte aucune précision permettant d'identifier un préjudice différent de celui qui résulte du seul paiement de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle conteste ; que, conformément à l'article R. 772-1 du code de justice administrative, les demandes en dommages et intérêts ne peuvent être jointes aux demandes en décharge ou réduction d'impôts ; que l'administration n'a commis aucune faute en ne remboursant pas des taxes prescrites ; que le tribunal administratif a d'ailleurs rejeté les demandes en décharge ; qu'aucun préjudice autre que la privation de la somme affectée au règlement de la taxe sur la valeur ajoutée n'est établi ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2004, présenté pour la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens que ceux de sa requête ; elle demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés ; elle demande le versement d'intérêts moratoires y compris sur la somme de 9 161,88 euros dont elle a obtenu la restitution ; elle ajoute que les conclusions en indemnités sont recevables car elles ont été présentées par un avocat tant en première instance qu'en appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (bureau J1) qui confirme ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2005 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et
M. de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. de Pontonx, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur le désistement :
Considérant que le désistement de la société anonyme POLYCLINIQUE SAINT-CÔME de ses conclusions tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 1993 à l'exception des intérêts moratoires y afférents, est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME a obtenu en cours d'instance le paiement des intérêts moratoires afférents à la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 1993 ; que les conclusions de la requête de la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la demande de restitution :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 36 de la loi du 29 décembre 1989 applicable aux réclamations présentées après le 1er janvier 1990 : « Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédent celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. » ; et qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : - ... b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; - c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation... » ;
Considérant que, par jugement du 27 mai 2003, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de la demande de la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME tendant à obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur les suppléments pour chambres individuelles au titre de la période de 1er janvier 1978 au 31 décembre 1992 ;
Considérant que de telles conclusions relèvent de la juridiction contentieuse prévue au premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et qu'en conséquence la société ne peut utilement soutenir que son action constituerait une demande en répétition de l'indu telle que prévue à l'article 1235 du code civil qui serait par suite soumise à la seule prescription trentenaire ;
Considérant que la société soutient que le délai de réclamation de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales s'applique à compter de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation, constitué en l'espèce par un avis du Conseil d'Etat du 31 mai 2000 ; que selon cet avis, les dispositions du 1° bis 4 de l'article 261 du code général des impôts couvrent les recettes perçues par les établissements de soins privés en contrepartie de la mise à disposition d'une chambre individuelle, cette exonération s'appliquant avant même que les termes dudit article n'aient été complétés par l'article 83 de la loi du 12 avril 1996 qui a ajouté aux mots « frais d'hospitalisation et de traitement » les mots « y compris les frais de mise à disposition d'une chambre individuelle » ; que cet avis s'est ainsi borné à donner de la loi fiscale française une interprétation conforme aux objectifs de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ; que dès lors il n'est pas susceptible de constituer un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la demande de restitution de la société présentée le 29 décembre 2000 étant tardive en application du b) du même article, les conclusions tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre de la période en litige ne sont pas recevables ;
Sur l'action en responsabilité de l'Etat :
Considérant que la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 37 668,37 euros en soutenant que l'Etat a commis une faute en imposant à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations qui auraient dû être exonérées ; que la société invoque le préjudice qu'elle aurait subi de ce fait en étant privée de la possibilité d'acquérir vingt-cinq nouveaux lits faute d'un financement suffisant ; que toutefois en se bornant à soutenir qu'elle aurait été privée de moyens financiers à hauteur de cet investissement, elle ne démontre pas, par la seule production d'un devis établi en 2001, qu'elle a été réellement privée de la possibilité d'effectuer cet investissement au cours des années en litige ; que le préjudice ainsi invoqué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 1993.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société POLYCLINIQUE SAINT-CÔME relatives aux intérêts moratoires afférents à la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 1993.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme POLYCLINIQUE SAINT-CÔME et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°03DA00873