Vu la requête, le mémoire ampliatif, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 16 juillet, 1er septembre et 1er octobre 2003 et le 25 mars 2004, présentés pour la COMMUNE DU VAL DE REUIL, représentée par son maire en exercice, par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat ; la COMMUNE DU VAL DE REUIL demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 97-2187 - 01-1637 en date du 30 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions de rejet nées du silence gardé par le directeur des services fiscaux de l'Eure sur ses réclamations tendant à l'assujettissement de l'Etat à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1997 et 2000, ainsi que des années non prescrites, à raison des installations immobilières du bassin d'essais des carènes ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au directeur des services fiscaux de l'Eure d'établir les rôles supplémentaires pour le recouvrement des taxes foncières au titre desdites années et de les mettre en recouvrement dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement n'est pas suffisamment motivé ; que c'est en méconnaissance des dispositions de l'article 1382 du code général des impôts que le tribunal a refusé d'assujettir l'Etat à la taxe foncière à raison de la totalité des installations immobilières du bassin des carènes et en méconnaissance de l'article 1498 du même code qu'il a jugé que l'administration fiscale n'avait pas sous-évalué les bases d'impositions retenues par le service ; que les activités du bassin d'essais des carènes ne sont pas exclusivement militaires ; que notamment le grand tunnel, le petit tunnel, la cuve hydrobalistique et la cuve à houle ont également un usage civil ; que pour estimer les bases d'imposition en application de l'article 1498-3° du code général des impôts et de la documentation administrative 6C-2333 du 15 décembre 1988 le service doit évaluer la valeur vénale des immeubles en utilisant les données figurant dans l'acte de propriété et procéder à leur actualisation au regard de la situation, de l'état d'entretien, de l'importance, de la structure et des aménagements des immeubles ; que le service n'a pas procédé à ces actualisations, alors que depuis 1994 les installations se sont développées et sont passées de 21 652 m² à 45 162 m² ; que c'est à tort que les bâtiments E et F n'ont pas été inclus dans la base d'imposition à la taxe foncière, alors que leur usage n'est pas exclusivement militaire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 20 février 2004 portant clôture de l'instruction au 19 avril 2004 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les impositions au titre des années 1996, 1997, 1999 et 2000, seules en litiges, ont été établies à partir des déclarations modèles U souscrites par l'Etat pour le bassin d'essais des carènes les 10 novembre 1988 et 20 août 1990 ; qu'une visite du site a eu lieu les 19 et 20 novembre 2002 pour procéder au recensement de la date, de la nature et du prix de revient des différentes constructions édifiées depuis l'ouverture du site et à leur répartition entre biens passibles d'une taxe foncière et bien affectés exclusivement à un usage militaire ; que le caractère imposable ou non imposable des installations a été déterminé à partir des indications communiquées par les dirigeants de l'établissement, selon qu'elles étaient ou non productives de revenus ; que les petit et grand tunnels, consacrés à la diminution des bruits hydrodynamiques, ont été regardés comme ayant une affectation exclusivement militaire ; que la commune n'apporte pas la preuve qu'ils auraient une autre affectation ; que le bassin B 600, alors même qu'il présente un caractère imposable, n'ayant été mis en service qu'au cours de l'année 2003, n'était pas passible de taxe foncière, conformément à l'article 1383 du code général des impôts ; que l'expérimentation de propulseurs, par études hydrodynamiques et hydroacoustiques, qui ne détermine aucune transformation matérielle, ne constitue pas une activité de production ; que la valeur comptable des bâtiments et installations du bassin d'essais des carènes, qui n'est pas une entreprise soumise aux obligations de l'article 53 A du code général des impôts, mais relève des dispositions de l'article 165 de l'annexe II audit code, devait être déterminée, non selon la méthode comptable, mais selon l'une des méthodes prévues par l'article 1498 du code général des impôts ; que la valeur locative doit être déterminée par appréciation directe, en l'absence d'établissement susceptible d'être reconnu comme terme de comparaison ; que les bases d'imposition sont supérieures à celles qu'il conviendrait de retenir selon la méthode d'appréciation directe prévue par l'article 1498-3° du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la base d'imposition n'a pas été réévaluée doit être écarté ; que seule la partie perdante peut être tenue au paiement des frais irrépétibles ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2004, présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les installations, qui ne sont pas situées à l'intérieur d'un arsenal, ne sont passibles de la taxe foncière que si elles sont productives de revenus au sens des dispositions de l'article 1382 du code général des impôts ; que la COMMUNE DU VAL DE REUIL n'apporte aucune preuve que tel serait le cas des installations en litige ; que, s'agissant du calcul des bases d'imposition, il s'en remet aux observations présentées devant les premiers juges et à celles du ministre chargé du budget ;
Vu l'ordonnance en date du 19 avril 2004 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les mémoires, enregistrés les 18 mai et 9 juin 2004, présentés pour la COMMUNE DU VAL DE REUIL qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle ajoute que les bâtiments E et F devaient entrer dans la base de calcul de la taxe foncière ainsi que le bâtiment destiné au stockage ; qu'il n'est pas établi que le bassin « B 600 » n'a été mis en service qu'au cours de l'année 2003 ; que la valeur locative d'établissement relevant de la méthode comptable doit être modifiée pour tenir compte des constructions nouvelles et changements de consistance des constructions ; que les modifications intervenues depuis 1994 n'ont pas été prises en compte ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 juillet 2004, présenté par le ministre de la défense qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il ajoute que l'instruction 6 C 1213 du 15 décembre 1988, dont il se prévaut en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, assimile à des propriétés improductives de revenus celles où s'exerce une activité susceptible d'être exonérée de taxe professionnelle en application de l'article 1449-1° du code général des impôts, c'est-à-dire revêtant un caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique ; qu'ayant appliqué les textes selon l'interprétation donnée par l'administration fiscale dans ses instructions et non rapportées à la date des faits, l'Etat ne peut être assujetti à la taxe foncière à raison des installations du bassin d'essais des carènes ;
Vu l'ordonnance, en date du 26 juillet 2004, portant clôture de l'instruction au 30 septembre 2004 ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 septembre 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; que s'il est exact que la méthode d'évaluation par le revenu cadastral mise en oeuvre n'a pas tenu compte des constructions les plus récentes, la méthode d'évaluation par appréciation directe, qui devait être appliquée, conduit à une base d'imposition inférieure à celle qui a été retenue ; que le ministre de la défense n'est pas fondé à invoquer la doctrine administrative 6 C 1213, dès lors que l'activité du bassin d'essais des carènes ne peut être assimilée aux activités prévues par cette instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2004, présenté pour la COMMUNE DU VAL DE REUIL qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle ajoute que la doctrine 6 C 1213 ne comportant aucune interprétation formelle d'un texte fiscal ne peut être utilement invoquée ;
Vu l'ordonnance, en date du 30 septembre 2004, portant report de la clôture d'instruction au 30 novembre 2004 ;
Vu le mémoire du ministre de la défense, enregistré le 29 juin 2005, après clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2005 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., avocat, pour la COMMUNE DU VAL DE REUIL ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DU VAL DE REUIL fait appel du jugement du 30 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, des décisions de rejet nées du silence gardé par le directeur des services fiscaux de l'Eure sur ses réclamations en date des 20 juin 1997 et 13 novembre 2000 tendant à ce que l'Etat soit assujetti à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1996, 1997, 1999 et 2000 à raison de l'intégralité des installations immobilières du bassin d'essais des carènes, exploité en régie par le ministère de la défense sur le territoire de cette commune ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si dans sa requête sommaire la COMMUNE DU VAL DE REUIL soutient que le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 30 avril 2003 ne serait pas suffisamment motivé, elle n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne les installations dont l'assujettissement à la taxe foncière a été refusé :
Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : « Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les immeubles nationaux... affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus notamment... les magasins, casernes et autres établissements militaires... » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le bâtiment F a été inclus dans les immeubles bâtis passibles de taxe foncière ; que, par suite, la COMMUNE DU VAL DE REUIL n'est pas fondée à soutenir que les décisions attaquées seraient illégales, en tant qu'elles auraient exclu ce bâtiment de la base d'imposition du bassin d'essais des carènes à la taxe foncière, au titre des années en litige ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 1383 du code général des impôts, les constructions nouvelles et additions de construction sont exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties durant les deux années qui suivent celle de leur achèvement ; qu'il est constant que le bassin B 600 a été achevé au cours de l'année 1999 ; que, par suite, il était exonéré de taxe foncière au titre des années 1999 et 2000 ;
Considérant, en troisième lieu, que le ministre de la défense ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer l'instruction 6 C 1213 du 15 décembre 1988 dans un litige d'excès de pouvoir ;
Considérant, en quatrième lieu, que les pièces du dossier ne permettent pas d'apprécier si les grand et petit tunnels, la cuve hydrobalistique, la cuve à houle, le bâtiment E et les bâtiments de stockage ont, au cours des quatre années en litige, été affectés, même de manière accessoire, à une activité civile productive de revenus ; qu'il y a lieu, avant dire droit sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation des décisions en tant qu'elles refusent d'assujettir à la taxe foncière lesdites installations, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins pour le ministre de la défense, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de produire les entiers dossiers correspondant aux commandes liées à des activités civiles ayant, au cours des années 1996, 1997, 1999 et 2000 donné lieu à facturation de prestations de services et comportant notamment la commande des donneurs d'ordres, le dossier d'expertise, le rapport transmis aux donneurs d'ordre ainsi que la facture des prestations de service ;
En ce qui concerne le calcul de la valeur locative des installations dont l'assujettissement à la taxe foncière a été admis :
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : « La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe » ; qu'aux termes de l'article 1499 du même code : « La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. Avant application éventuelle de ces coefficients, le prix de revient des sols et terrains est majoré de 3 % pour chaque année écoulée depuis l'entrée du bien dans le patrimoine du propriétaire. Un décret en Conseil d'Etat fixe les taux d'abattement applicables à la valeur locative des constructions et installations afin de tenir compte de la date de leur entrée dans l'actif de l'entreprise. Une déduction complémentaire est, en outre, accordée à certaines catégories d'établissements en raison de leur caractère exceptionnel, apprécié d'après la nature des opérations qui y sont faites ; ces catégories d'établissements sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat qui fixe également les limites et conditions d'application de la déduction » ;
Considérant que la valeur locative des installations du bassin d'essais des carènes, passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, ne devait pas être évaluée selon la méthode du prix de revient prévue par l'article 1499 précité du code général des impôts, mais, en l'absence de toute location et de tout terme de comparaison, selon la méthode de l'appréciation directe prévue par l'article 1498-3° du même code ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'absence de prise en compte de l'extension de certaines installations dans les bases retenues pour l'assujettissement à la taxe foncière reste sans incidence sur le montant de la taxe à laquelle l'Etat devait être assujetti, dès lors que les bases de sa taxation, calculées selon la méthode comptable, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 1498-3° du code général des impôts, ont été en tout état de cause très fortement surévaluées ; que, par suite, le moyen tiré de la sous-évaluation de la valeur locative des installations assujetties à la taxe foncière doit être écarté ; qu'il suit de là que la COMMUNE DU VAL DE REUIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes en tant qu'elles tendaient à l'annulation des décisions du directeur des services fiscaux en tant que celles-ci refusaient de majorer la valeur locative des installations dont l'assujettissement à la taxe foncière a été admis ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête de la COMMUNE DU VAL DE REUIL tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 30 avril 2003, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions de rejet nées du silence gardé par le directeur des services fiscaux de l'Eure sur ses réclamations tendant à l'assujettissement de l'Etat à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1997 et 2000, ainsi que des années non prescrites, à raison des installations immobilières du bassin d'essais des carènes sont rejetées, en tant que lesdites décisions concernent, d'une part, le bâtiment F et le bassin B 600 et, d'autre part, le calcul de la valeur locative des installations dont l'assujettissement à la taxe foncière a été admis.
Article 2 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DU VAL DE REUIL tendant à l'annulation des décisions du directeur des services fiscaux de l'Eure en tant qu'elles refusent d'assujettir à la taxe foncière, au titre des années 1996, 1997, 1999 et 2000, les grand et petit tunnels, la cuve hydrobalistique, la cuve à houle, le bâtiment E et les bâtiments de stockage du bassin d'essais des carènes, il sera procédé à la mesure d'instruction dont l'objet est défini dans les motifs du présent arrêt.
Article 3 : Il est accordé au ministre de la défense un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la Cour les éléments résultant de la mesure d'instruction demandée définis à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DU VAL DE REUIL, au ministre de la défense et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N°03DA00761