Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Roger , demeurant ..., par Me Ego ; ils demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°98-4509 en date du 22 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté la contestation qu'a formé M. à la suite de l'avis à tiers détenteur décerné le 24 juin 1998 à son encontre par le receveur principal des impôts de Lille-Centre pour avoir paiement de la somme de 1 039 494,52 francs pour le recouvrement des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, ainsi que des pénalités et amendes y afférentes, mis la charge de la société à responsabilité limitée Distributeurs Associés au titre de la période de janvier 1978 à décembre 1981 ;
2°) de le décharger de l'obligation de payer ces droits ;
Ils soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge civil se soit prononcé sur la validité de l'engagement de caution souscrite le 9 mai 1983 au titre des dettes fiscales de la Sarl Distributeurs Associés, alors que le paiement auquel les avait condamnés le 3 juin 1998 la Cour d'appel de Douai pour fraude fiscale portait sur des sommes moindres ; que les premiers juges ont décliné à tort les pouvoirs qu'ils tenaient du contrôle de plein contentieux en déclarant irrecevable le moyen tiré de l'extinction de la dette à hauteur des pénalités ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il soutient que le juge de l'impôt n'est jamais tenu de surseoir à statuer ; que les conclusions en ce sens étaient inopérantes dès lors que la solidarité de M. résultait de plus fort de la condamnation pénale devenue définitive depuis le 3 juin 1998 ; qu'il n'est pas recevable à remettre en cause à l'occasion d'une contestation d'un acte de poursuite, le bien- fondé de l'imposition ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 mars 2005, présenté pour M. ; M. reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; à cette fin, il soutient en outre que la contestation qui porte sur l'étendue des effets de la solidarité soulève un litige touchant au recouvrement de l'impôt et non à un contentieux d'assiette ; qu'à cet égard, l'annulation des avis de mise en recouvrement à l'origine des actes de caution a eu pour effet d'éteindre son obligation de solidarité au paiement des sommes correspondantes ; que sa solidarité se limitait au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des opérations réalisées entre le 1er décembre 1980 et le 31 décembre 1981 auquel l'avait condamné le juge pénal ; il demande à titre subsidiaire qu'en application du principe constitutionnel d'application immédiate de la loi pénale la plus douce, une majoration de 80 % en cas de manoeuvre frauduleuse prévue l'article 1729-1 du code général des impôts soit substituée à l'amende de 300 % ;
Vu l'ordonnance en date du 6 mai 2005 du président de la 2ème chambre portant clôture de l'instruction au 1er juin 2005 au 16 heures 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Soyez, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 282-2 du livre des procédures fiscales : lorsqu'une tierce personne, mise en cause en vertu des dispositions autres que celles du code général des impôts, conteste son obligation d'acquitter la dette, le tribunal administratif, lorsqu'il est compétent, attend pour statuer que la juridiction civile ait tranché la question de l'obligation et qu'aux termes de l'article 1745 du code général des impôts : Tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. s'est, par un engagement signé le 9 mai 1983, porté caution des droits supplémentaires dus par la société à responsabilité limitée Distributeurs Associés, pour la période de janvier 1978 à décembre 1981, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, de la taxe d'apprentissage, de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, ainsi que des pénalités et amendes y afférentes ; que, par ailleurs, par un arrêt en date du 3 juin 1988 de la Cour d'appel de Douai statuant en matière correctionnelle, M. a été condamné pour fraude fiscale en application des articles 1741 et suivants du code général des impôts, au paiement solidaire, sur la base des dispositions de l'article 1745 précité du même code et de l'article L. 272 du livre des procédures fiscales, pour des impôts éludés et à celui des pénalités et amendes fiscales y afférentes ; qu'il a contesté devant le tribunal administratif de Lille l'avis à tiers détenteur sur salaires qu'après divers actes de poursuite infructueux, le receveur principal des impôts de Lille-Centre a notifié le 24 juin 1998 au nouvel employeur du redevable, la société Y ; qu'il a également saisi de la validité de l'acte de caution mentionné ci-dessus le Tribunal de grande instance de Lille ; que, par un jugement en date du 5 juin 2000, confirmé par une arrêt de la Cour d'appel de Douai le 20 janvier 2003, le juge civil a déclaré régulier ledit acte ; que les premiers juges ont rejeté la demande en se fondant notamment sur le jugement du 5 juin 2000, et sur la condamnation au paiement solidaire de la dette discale de la société à responsabilité limitée Distributeurs Associés ;
Considérant en premier lieu qu'en tout état de cause, par l'arrêt mentionné ci-dessus, la Cour d'appel de Douai a confirmé la régularité de l'acte de caution ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 282-2 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;
Considérant en deuxième lieu que le requérant soutient que les premiers juges ne pouvaient, pour statuer sur son obligation de payer, se fonder sur la condamnation au paiement solidaire de la dette fiscale dont il avait fait l'objet, au motif que l'administration aurait étendu la solidarité au-delà de celle prononcée par le juge pénal, en y incluant des sommes représentatives de pénalités et amendes ; qu'il se prévaut à cet effet des dispositions du troisième alinéa de l'article 1926 du code général des impôts, en vertu desquelles la dette fiscale de la société à responsabilité limitée Distributeurs Associés, serait éteinte à concurrence des pénalités par suite de sa mise en redressement judiciaire en 1984 ; que, toutefois, pareil litige qui, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, concerne le bien fondé des impositions, ne peut être soumis à la juridiction administrative que dans les conditions et selon la procédure prévues aux articles R. 281-1 du livre des procédures fiscales ; qu'il est donc sans incidence dans un litige relatif au recouvrement de l'impôt ;
Considérant, en troisième lieu, qu'un redevable n'est pas recevable, à l'appui de conclusions dirigées contre un acte de poursuite, à contester le bien-fondé des impositions ; que la circonstance que le juge de plein contentieux dispose de pouvoirs étendus, est sans incidence sur cette irrecevabilité ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la condamnation prononcée à l'encontre du redevable concerne les opérations réalisées entre 1e 1er décembre 1980 et le 31 décembre 1981 ; qu'ainsi, l'année 1980 était bien visée par le juge judiciaire ; que, d'autre part, le moyen tiré de la régularité en la forme de l'avis de mise en recouvrement se rattache au litige de l'assiette ; qu'il s'ensuit que le requérant ne saurait soutenir que l'avis de mise en recouvrement établi le 9 septembre 2003 ne fixait pas précisément l'étendue de ses obligations solidaires pour 1980 ;
Considérant, en cinquième lieu, que si M. entend contester les amendes qui lui ont été notifiées dans les avis de mise en recouvrement, il soulève un litige relatif à l'assiette ;
Considérant enfin que la substitution de la majoration introduite par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 à la pénalité de 300 % pour manoeuvre frauduleuse a trait à l'assiette de l'imposition et ne peut à ce titre être demandée dans un litige relatif au recouvrement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Roger et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°02DA00096