Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2003 et son rectificatif enregistré le 13 octobre 2003, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le PORT AUTONOME DU HAVRE, dont le siège social est à Terre Plein de la Barre au Havre (76000), représenté par son directeur en exercice, par Me X... ; le PORT AUTONOME DU HAVRE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1983 en date du 30 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a refusé de faire droit à sa demande tendant à ce que le Tribunal condamne la société A... France venant aux droits de la société Eco Arc en présence de la Compagnie des assurances générales de France Z... à lui payer la somme de 1 737 596,19 euros en réparation du préjudice non pris en charge par ses assureurs résultant de l'incendie des hangars 76, 77 et 78 ainsi que les intérêts de droit à compter du 8 août 2002 date de sa demande préalable et tout au moins à compter de la date d'enregistrement de sa requête ainsi que la capitalisation des intérêts et la somme de 100 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner la société A... France à lui payer une indemnité de 1 737 596,19 euros avec les intérêts de droit à compter du 8 août 2002 ou à compter du 21 octobre 2002 ou encore plus subsidiairement à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de prévoir la capitalisation des intérêts, d'une part, déjà échus à la date de la requête introductive et d'autre part, échus depuis la requête ou à échoir ultérieurement, chaque fois qu'ils ont été ou seront dus depuis une année ;
4°) de condamner la société A... France à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'incendie survenu dans les hangars mis à la disposition de la société A... France ne correspond pas à un cas de force majeure ; que la responsabilité de cette dernière doit être engagée ; que celle-ci doit indemniser entièrement l'établissement public ; que le régime de responsabilité invoquée est analogue à celui institué par les articles 1733 et suivants du code civil ; que malgré la pluralité des occupants, la présomption de responsabilité subsiste contre celui des locataires dans les locaux duquel l'incendie a pris naissance ; que d'après les conditions d'abonnement, la responsabilité contractuelle est à la charge de l'occupant pour les dégradations de toute nature et de toute origine ; que la renonciation de recours pour ses assureurs ne s'applique pas à son égard concernant la partie du préjudice non réparée par l'assurance ; que face à une insuffisance de garantie d'assurance, l'abonné doit indemniser automatiquement l'établissement public ; que la société A... France ne peut se prévaloir de la force majeure dans le cadre de cet incendie ; que les conditions d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité ne sont pas établies en l'espèce ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2004, présenté pour la Compagnie des assurances générales de France Z..., dont le siège social est ..., par
Me Y... ; elle conclut, à titre préliminaire à l'incompétence de la juridiction administrative et l'inopposabilité de l'arrêt à intervenir à son égard ; à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête ; à titre subsidiaire, au rejet de la requête comme non-fondée, et à la condamnation du Port autonome à lui verser une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la Compagnie des assurances générales de France Z... soutient que les Tribunaux de l'ordre administratif ne sont pas compétents pour connaître des litiges visant à la condamnation d'un assureur au paiement de sommes résultant d'un sinistre ; qu'en application de l'article 10 de la convention d'abonnement, le PORT AUTONOME DU HAVRE a renoncé à agir contre les abonnés ayant une activité exclusive de stockage ; que la convention d'affectation de hangars sous le régime d'abonnement est une convention du domaine public régie par le droit public ; que l'incendie survenu constitue un cas de force majeure, reconnu par différents arrêts de l'ordre judiciaire ; que la police d'assurance souscrite par la société A... auprès de la Compagnie des assurances générales de France Z... met hors de son champ d'application les biens immobiliers assurés par leurs propriétaires ; que le PORT AUTONOME DU HAVRE ne peut revendiquer la qualité de bénéficiaire de cette police en tant que propriétaire des biens sinistrés ; que le port autonome n'a pas agi dans le délai de prescription prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances ; que l'évaluation des préjudices invoqués par le PORT AUTONOME DU HAVRE n'étant pas contradictoire, n'est pas opposable et devra faire l'objet de mesures d'expertises judiciaires ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2004, présenté pour la société anonyme A... France, dont le siège social est ..., par Me B... ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation du Port autonome à lui verser une somme de
5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'en application des articles 10 et suivants de la convention, le PORT AUTONOME DU HAVRE a renoncé à agir contre les abonnés ayant une activité exclusive de stockage ; que les conditions de mise en oeuvre de renonciation à recours sont effectivement remplies ; que le port du Havre n'a pas respecté les délais de prescription impartis prévus à l'article L. 114-1 du code des assurances ; que la responsabilité de la société A... France ne saurait être retenue ; que le Tribunal a noté que l'exposante n'a pas commis de manquement à ses obligations de sécurité ; qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans son utilisation des hangars et dans le respect des obligations de sécurité à sa charge ; que les caractéristiques de la force majeure sont indiscutables ; que les postes de préjudice ne sont pas démontrés ou ne sont pas indemnisables ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 juillet 2004 par télécopie et le 19 juillet 2004 par son original, présenté pour le PORT AUTONOME DU HAVRE, par Me X..., concluant aux mêmes fins que dans sa requête, ainsi qu'au rejet de toutes les demandes, prétentions et conclusions contraires des autres parties ; en outre, il fait valoir que l'établissement public n'a jamais demandé à la juridiction administrative de se prononcer, directement ou indirectement, sur les obligations susceptibles d'incomber, à un titre ou à un autre, à la société Assurances Générales de France Z... ; que l'établissement public ne voit aucun inconvénient à la déclaration d'incompétence demandée par la société Assurances Générales de France Z... ; que la clause de l'article 10 de la convention du
22 mai 1995 n'a pas de portée générale qui lui est prêtée ; que les diverses conventions intervenues entre 1980 et 1997 interviennent en cumul concernant à chaque fois des hangars différents et/ou des surfaces complémentaires ; que la société A... et son assureur ne peuvent prétendre à une stipulation indifférenciée ; que la clause de renonciation à un recours ne concerne finalement pas les locaux dans lesquels le sinistre s'est déclaré ; que l'article 10 de la convention du 22 mai 1995 institue une simple faculté qui n'a pas été mise en oeuvre dans le cas de la société A... France ; que l'absence de renonciation de la société A... France au profit du PORT AUTONOME DU HAVRE exclut par principe toute renonciation inverse et symétrique de celui-ci ; que le régime de responsabilité du code civil précédemment évoqué, n'est pas directement et évidemment transposable à l'incendie survenu dans un local dépendant du domaine public de l'Etat, il peut simplement servir d'élément de réflexion ; que le PORT AUTONOME DU HAVRE est autant recevable que bien fondé à incorporer dans le calcul de son préjudice résiduel les frais correspondants ; que les réserves et critiques formulées par la société A... France et son assureur sont totalement injustifiées ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 mars 2005, présenté pour l'établissement public PORT AUTONOME DU HAVRE, concluant aux mêmes fins que dans sa requête, ainsi qu'au rejet de toutes les demandes, prétentions et conclusions contraires des autres parties ; en outre, il fait valoir que le régime juridique de chaque location est déterminé par la convention qui la régit ; qu'il n'y a d'ailleurs pas facturation globale des diverses redevances à la charge de la société A... France ; que pour une telle location, il n'existe ni contrat type ni réglementation spécifique ; que le principe d'égalité impose malgré tout un régime analogue de responsabilité ; que l'article 7 de la convention du 12 mars 1980, repris à l'article 9 dans les conventions plus récentes, précise bien qu'il s'agit d'une responsabilité de plein droit et que la seule constatation des dommages suffit à la déclencher ; que si l'incendie a été allumé par un membre du personnel de la société A... France, ou par toute autre personne introduite dans les lieux par celle-ci, la condition d'extériorité de la force majeure n'est certainement pas satisfaite ; que l'incendie même criminel ne constitue jamais un événement imprévisible puisque, selon le comportement du bon père de famille, sa victime éventuelle s'en protège par la souscription d'une police d'assurance ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 mai 2005 à la Cour administrative d'appel de Douai, présenté pour la société A... France, par Me B... ; elle reprend les conclusions de son précédent mémoire pour les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, reçu par télécopie et enregistré le 15 juin 2005 et son original daté du 16 juin 2005, présenté pour la Compagnie des assurances générales de France Z... ; elle reprend les conclusions de son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret du 17 juin 1938 étendant la compétence des conseils de préfecture ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2005 à laquelle siégeaient
M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Stéphan, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., pour LE PORT AUTONOME DU HAVRE, de Me B..., pour la société A... France et de Me Y..., pour la Compagnie des assurances générales de France Z... :
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que dans le cadre de différentes conventions et avenants conclus, entre 1980 et 1997, entre le PORT AUTONOME DU HAVRE et la société ECO ARC, aux droits de laquelle vient la société A... France, cet établissement public a autorisé ladite société à occuper les hangars
n° 76, 77 et 78, situés dans l'emprise du port du Havre et faisant partie du domaine public ; que du 19 au 29 août 1997, un incendie a ravagé l'ensemble de ces hangars endommageant sérieusement les bâtiments et leurs équipements ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que l'article 1er du décret du 17 juin 1938 attribue à la juridiction administrative la connaissance de tous les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination ; que la convention par laquelle un port autonome affecte un hangar à une compagnie maritime est un contrat comportant occupation du domaine public ; que par suite, les conclusions de la Compagnie des assurances générales de France Z... tendant à ce que la Cour déclare le juge administratif incompétent pour statuer sur le litige opposant le PORT AUTONOME DU HAVRE à la société A... France doivent être rejetées ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la juridiction judiciaire de connaître des actions tendant au paiement de sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable relève de la compétence du juge administratif ; qu'ainsi, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur les conclusions de la Compagnie des assurances générales de France Z... tendant d'une part, à ce que la Cour constate la prescription de l'action du PORT AUTONOME DU HAVRE au regard de l'article L. 114-1 du code des assurances et, d'autre part, que la Cour déclare que le présent arrêt ne lui sera pas opposable ;
Sur les conclusions du PORT AUTONOME DU HAVRE tendant à la condamnation de la société A... France :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société A... France :
Considérant que si l'article 1733 du code civil dispose que le preneur : répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve : / Que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure... , ces dispositions, qui ne sont pas applicables à une convention d'occupation du domaine public, ne saurait faire peser sur la société A... France aucune présomption de faute ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise judiciaire ordonnée par le juge pénal dans le cadre de l'enquête diligentée pour rechercher les causes du sinistre, de l'ordonnance de non-lieu prononcée le 25 février 2000 par le juge d'instruction du Tribunal de grande instance du Havre et de l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen du 18 mai 2000 que l'incendie ayant détruit, du 19 au 29 août 1997 les hangars 76, 77 et 78 du PORT AUTONOME DU HAVRE occupés principalement par la société A... France est d'origine criminelle et que son auteur n'a pas été identifié ; qu'ainsi, cet incendie a revêtu un caractère imprévisible et irrésistible ; que ces circonstances sont en outre extérieures à la société A... France, qui n'avait pas l'entière disposition des hangars, à laquelle aucun manquement à ses obligations de sécurité n'a pu être reproché, et dont il n'est pas établi qu'un des salariés serait à l'origine du sinistre ; qu'ainsi, cet incendie avait, dans ces circonstances, le caractère d'un cas de force majeure ; que, par suite, le PORT AUTONOME DU HAVRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de ladite société à lui réparer le préjudice non couvert par les assureurs résultant des conséquences de l'incendie du 19 août 1997 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société A... France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer au PORT AUTONOME DU HAVRE la somme de 15 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le PORT AUTONOME DU HAVRE, à verser à la société A... France et la Compagnie des assurances générales de France Z..., la somme de 1 500 euros à chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PORT AUTONOME DU HAVRE est rejetée.
Article 2 : Le PORT AUTONOME DU HAVRE versera à la société A... France et à la Compagnie des assurances générales de France Z... la somme de 1 500 euros à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PORT AUTONOME DU HAVRE, à la société A... France, à la Compagnie des assurances générales de France Z... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
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N°03DA01103