Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2003, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL, représenté par son directeur en exercice, par
Me Sagalovitsch, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement nos 01-0856, 02-3638 en date du 23 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé les décisions implicites de refus de son directeur nées du silence gardé sur les demandes de Mme X tendant au bénéfice d'un congé de maladie dû au service et d'une rente temporaire d'invalidité, la décision de son directeur en date du
12 août 2002 en tant qu'il refuse à Mme X le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, et l'a condamné à indemniser Mme X de ses pertes de traitement et à payer les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Lille ;
3°) de condamner Mme X à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le lien de causalité entre l'affection dont est atteinte Mme X et sa vaccination, dans le cadre de son travail, contre l'hépatite B n'est pas établi ; que le rapport de l'expert désigné par le tribunal avait mentionné la préexistence de l'affection de Mme X à sa vaccination ; que l'ensemble des études scientifiques ont infirmé le principe d'un lien de causalité entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B ; que l'avis de la commission de réforme avait d'ailleurs été défavorable, faute que l'affection soit inscrite sur un tableau de maladie professionnelle et en l'absence de preuve de l'imputabilité de la maladie à la vaccination ; que le tribunal a opéré une confusion entre le régime de l'article 41 de la loi du
9 janvier 1986 et celui de la responsabilité sans faute de l'Etat ; qu'il s'est borné en effet à retenir une présomption d'imputabilité ; que dans cette hypothèse, le tribunal aurait, en tout état de cause, dû mettre le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL hors de cause, dès lors que seul l'Etat doit répondre des conséquences des obligations vaccinales ; que la sclérose en plaques ne figure pas dans les tableaux prévus par l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; que l'administration du vaccin contre l'hépatite B ne peut être regardée comme s'inscrivant dans le cadre du travail habituel d'un agent hospitalier ; qu'en l'absence de causalité entre l'affection et la vaccination, les conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et de celles de l'article 31 du décret du 9 septembre 1965 n'étaient pas remplies ; que, subsidiairement le tribunal administratif aurait dû déduire du préjudice invoqué par Mme X les indemnités journalières qu'elle n'aura pas manqué de percevoir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 février 2005, présenté pour Mme Nicole X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Lefranc Bavencoffe Meillier, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du
CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que rien n'établit qu'elle avait antérieurement à sa vaccination contre l'hépatite B subi de poussées de sclérose en plaques ; que les conclusions de l'expert désigné par le tribunal sont claires et en faveur du lien de causalité entre la vaccination et son affection ; que le professeur Y, consulté dans le cadre d'une procédure relative à l'indemnisation des victimes d'accidents vaccinatoires a également conclut au lien de causalité entre la vaccination et son affection ; que le tribunal ne s'est pas mépris sur la faute du centre hospitalier et s'est prononcé dans le cadre de la législation sur les accidents de service et maladies professionnelles ; que les dispositions de l'article
L. 3111-9 du code de la santé publique étaient en l'espèce hors de cause ; que les sommes allouées par le tribunal correspondent strictement à ses pertes de salaires ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 juin 2005, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2005 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller ;
- les observations de Me Gabard, avocat, pour le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL et de Me Stichelbaut, avocat, pour Mme X ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X, lingère au CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL, sur prescription du médecin du travail et en application de l'article L. 10 du code de la santé publique qui impose la vaccination contre l'hépatite B à toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination, a reçu une première injection du vaccin GenHevac B Pasteur le 18 février 1991, puis une seconde du vaccin Engerix B le
17 février 1992 ; que des examens neurologiques réalisés quelques semaines plus tard, compte tenu de l'apparition, dans les jours suivant cette seconde injection de troubles neurologiques, ont révélé qu'elle était atteinte de sclérose en plaques ; que le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL relève appel du jugement en date du 23 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé les décisions de son directeur refusant de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents de service les arrêts de travail dont Mme X a bénéficié à raison de cette affection, de lui accorder le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité et l'a condamné à verser à Mme X des rappels de traitement ;
Sur l'imputabilité au service de l'affection dont est atteinte Mme X :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : « Le fonctionnaire en activité a droit … 2° A des congés de maladie … Toutefois, si la maladie provient … d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite » ; qu'aux termes de l'article 80 de la même loi : « Les établissements mentionnés à l'article 2 ci-dessus sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 pour 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'Etat. Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire » ; qu'aux termes de l'article R. 417-11 du code des communes : « La réalité des infirmités invoquées par l'agent, leur imputabilité au service, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission départementale de réforme prévue par le régime des retraites des agents des collectivités locales. Le pouvoir de décision appartient, sous réserve de l'avis conforme de la caisse des dépôts et consignations, à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination » ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 30 du décret n° 65-773 du
9 septembre 1965 : « L'agent qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées … en service … peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit
d'office … » ; que l'article 31 du même décret dispose : « I. Les agents qui ne sont pas rémunérés à l'heure ou à la journée et qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 30 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévue à l'article précédent … Le bénéfice de cette rente viagère d'invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service … » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que pour conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite, bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement et, lors de sa mise à la retraite pour invalidité, d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension, l'agent doit établir que les infirmités à raison desquelles il a été d'abord placé en congé de maladie, puis mis en retraite pour invalidité sont imputables au service ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, s'il est constant que la vaccination contre l'hépatite B subie par Mme X les 18 février 1991 et 17 février 1992 dans les locaux du CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL, qui avait été prescrite par le médecin du travail en raison de ses fonctions l'exposant au risque de contamination, avait un lien direct avec le service, il n'est pas établi que la poussée de sclérose en plaques et l'évolution de cette affection ayant entraîné la mise à la retraite de Mme X pour invalidité trouvent leur origine dans cette vaccination ; que notamment, la circonstance que Mme X, qui avait déjà été victime d'une poussée de sclérose en plaques en 1989, ait ressenti dans les jours suivant la seconde injection de vaccin une nouvelle poussée de sclérose en plaques ne saurait, compte tenu des données actuelles de la science, établir le lien de causalité entre la vaccination subie par Mme X et l'apparition ou l'aggravation de cette affection ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à Mme X des rappels de traitement pour la période où elle a bénéficié d'arrêts de maladie justifiés par cette affection, et a annulé les décisions par lesquelles il a refusé de lui attribuer une rente viagère d'invalidité et l'a placée en retraite pour invalidité sans mentionner que cette invalidité trouvait son origine dans un accident de service ;
Sur les frais de l'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de Mme X les frais de l'expertise taxés le 19 septembre 2000 par le président du Tribunal administratif de Lille à la somme de
9 350 francs (1 425,40 euros) ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du
CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 23 octobre 2003 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 3 : Les frais de l'expertise, d'un montant de 1 425,40 euros, sont mis à la charge de Mme X.
Article 4 : Les conclusions du CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DU PAYS DE MONTREUIL, à Mme Nicole X et au ministre de la santé et des solidarités.
Copie sera transmise à l'agence régionale de l'hospitalisation Nord/Pas-de-Calais et à la caisse des dépôts et consignations.
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N°03DA01306