Vu, I°, sous le n° 03DA00243, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 6 mars 2003, présentée par télécopie et confirmée par courrier le 7 mars 2003 pour M. Philippe X, demeurant ..., par la SCP Dutat et Lefevre ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°01-129 en date du 19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997, dans les rôles de la commune de Comines, et des pénalités dont elles ont été assorties ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le service ne pouvait l'imposer dans la catégorie des revenus mobiliers sans recourir à la procédure prévue à l'article 117 code général des impôts ; que le service ne démontre pas que le véhicule de tourisme Mercedes Cabriolet 600 SL immatriculé 600 VL 59 lui était affecté, alors qu'il avait acquis en 1993 à titre personnel un autre cabriolet Mercedes ; que l'avantage réputé consenti ne pouvait être regardé comme une distribution occulte alors qu'il n'avait pas constitué une charge pour la SARL X suite au montant d'amortissement pratiqués ; qu'à titre surabondant, le bénéfice de cet avantage occulte au sens de l'article 111 c) du code général des impôts ne révèle pas par lui-même de mauvaise foi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 août 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il oppose une fin de recevoir tirée du caractère non motivé de celle-ci ; à titre subsidiaire, il fait valoir qu'il n'était pas tenu pour imposer le contribuable, de recourir à la procédure de l'article 117 du code précité qui ne concerne que les personnes morales distributrices ; qu'eu égard aux circonstances de l'affaire, il a démontré que le contribuable était le maître de fait de la SARL X et n'avait utilisé la Mercedes Cabriolet qu'à des fins personnelles ; qu'il n'établit pas avoir exercé de fonctions dans l'entreprise en 1996 et 1997 ; que la mauvaise foi découle du caractère des dépenses constitutives de l'infraction et de l'insuffisance déclarative de la société X au regard de l'état des voitures de tourisme prévu à l'article 54 bis du code général des impôts ;
Vu le mémoire en réplique, présenté pour la SARL X, enregistré dans les mêmes conditions le 10 mai 2005 ; la SARL X reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'il résulte de la lettre adressée par la société de courtage Pierre Y et compagnie que cette compagnie de courtage avait obtenu de la société Axa que les véhicules hauts de gamme utilisés par la direction de la compagnie soient déclarés à usage de déplacement privé afin de minorer sensiblement les primes afférentes ;
Vu, II°, sous le n° 03DA00465, le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 29 avril 2003, présenté par télécopie et confirmée par courrier le 2 mai 2003; le ministre demande à la cour :
1°) de réformer l'article 1 dudit jugement susmentionné ci-dessus en tant qu'il a déchargé
M. X des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ;
2°) de remettre intégralement les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu à la charge de M. X ;
Il soutient que la circonstance que la fraction excédentaire des amortissements ait constitué une charge non déduite de l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la SARL X est sans incidence sur son imposition entre les mains de M. Philippe X en application de l'article 111 C du code général des impôts ; que l'ensemble des dépenses effectuées par la SARL pour mettre à la disposition privative de ce dernier une voiture est constitutif d'un avantage occulte ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Soyez, premier conseiller ;
- les observations de Me Dutat, avocat, pour M. Philippe X ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de M. X et le recours de MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête de M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours » ; qu'en se bornant, ainsi que le fait valoir l'administration, à reproduire sa demande de première instance, sans présenter à la Cour de moyens d'appel, le requérant ne met pas celle-ci en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le Tribunal en écartant les moyens soulevés devant lui ; qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la requête de M. X ne peut qu'être rejetée comme irrecevable ;
Sur le recours incident du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :
Considérant qu'aux termes de l'article 39.4 du code général des impôts dans sa version applicable à l'espèce : « Qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, d'une part, les dépenses et charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse ainsi qu'à l'exercice non professionnel de la pêche et, d'autre part, les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ; les dépenses et charges ainsi définies comprennent notamment les amortissements. Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables :
a) A l'amortissement des véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières pour la fraction de leur prix d'acquisition qui dépasse 65 000 francs ;
b) En cas d'opérations de crédit bail ou de location, à l'exception des locations de courte durée n'excédant pas trois mois non renouvelables, portant sur des voitures particulières, à la part du loyer supportée par le locataire et correspondant à l'amortissement pratiqué par le bailleur pour la fraction du prix d'acquisition du véhicule excédant 65 000 francs (…) » ; et qu'aux termes de l'article 111 du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : c) Les rémunérations et avantages occultes » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL X a assis l'amortissement du véhicule de tourisme de marque Mercedes dont M. X disposait pour son usage personnel au cours des exercices litigieux, sur le prix d'acquisition de ce véhicule et non sur les redevances annuelles du crédit-bail correspondant ; que, dans un premier temps, elle a déduit de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés la totalité de l'amortissement ainsi calculé ; que, dans un second temps, tout en maintenant dans ses écritures cette charge d'amortissement, elle n'en a déduit de son bénéfice imposable que la valeur mentionnée à l'article précité du code général des impôts ; qu'estimant que l'exclusion de charges déductibles de la SARL X des dépenses afférentes au véhicule n'impliquait pas que soit taxée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de M. X la fraction des amortissements excédant ladite valeur, les premiers juges ont réduit en base le redressement litigieux, en ce qui concerne l'amortissement, à 65 000 francs ;
Considérant que, par un recours incident contre cette réduction, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que les premiers juges ont fait une inexacte application de l'article 111 c) du code général des impôts, en subordonnant à l'existence d'une charge déduite du bénéfice imposable de l'entreprise l'évaluation de l'avantage occulte consenti ; qu'il résulte toutefois de ce qui vient d'être dit que ce moyen tiré de l'indépendance des procédures de redressements suivies à l'encontre de celui qui consent l'avantage et de celui qui en bénéficie, manque en fait ;
Mais considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, à qui incombe la charge de la preuve, soutient sans être contredit que doivent être imposées dans la catégorie des avantages occultes mentionnée au même article 111 c) toutes les dépenses effectivement exposées et concourant au financement d'un avantage en nature qui n'a pas été inscrit sur la liste spécifique mentionnée à l'article 54 bis du même code, alors même que ces dépenses n'entreraient pas dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés de l'entreprise distributrice ; qu'à cet égard, il fait valoir que les charges effectivement exposées pour l'amortissement du véhicule litigieux, et que d'ailleurs le contribuable aurait dû normalement supporter, doivent être incluses dans l'évaluation de cet avantage ; que, dans ces conditions, il a pu retenir la totalité des amortissements opérés sur la base de la valeur d'acquisition de la voiture allouée à M.X pour son usage personnel ;
Considérant qu'il suit de là le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a réduit le complément d'impôt sur le revenu de M. X, et à demander que celui-ci soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : L'article 1 du jugement n° 01-129 du Tribunal administratif de Lille du 19 décembre 2002 est annulé.
Article 3 : M. X est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe X et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- M. Soyez, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mai 2005.
Le rapporteur,
Signé : J.E. SOYEZ
Le président de chambre,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
G. VANDENBERGHE
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Nos03DA00243, 03DA00465