Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société GAN EUROCOURTAGE IARD venant aux droits de la société CGU Courtage, dont le siège est ..., par Me Y... ; la société GAN EUROCOURTAGE IARD demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 03-4730 du 26 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de
358 000 euros, avec intérêts à compter du 28 avril 2002, en réparation du préjudice subi du fait de l'abstention des autorités à exercer leurs pouvoirs de police pour prévenir les dégradations volontaires et les actes de vandalisme perpétrés contre un immeuble situé à Loos-en-Gohelle
(Pas-de-Calais), appartenant à la SCPI Immovilliers ;
2') de condamner l'Etat à lui verser ladite somme de 358 000 euros ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que son appel est recevable, dès lors que le litige soumis au juge, qui ne concerne pas la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat pour refus opposé à une demande de concours de la force publique, n'est pas au nombre de ceux pour lesquels le décret du 24 juin 2003 a supprimé la voie de l'appel ; qu'alors que les services de l'Etat étaient dûment informés des actes de destruction, de vandalisme et de vol commis par les gens du voyage installés illégalement sur le terrain de la SCPI Immovilliers, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait usage de ses pouvoirs en matière d'attroupements pour mettre un terme à ces actes ; que le maire n'ayant pas engagé de procédure d'expulsion à l'encontre des gens du voyage occupant illégalement le terrain de la SCPI Immovilliers, comme l'y autorise la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, il incombait à l'Etat de se substituer à l'autorité locale défaillante en engageant en ses lieu et place les procédures d'expulsion nécessaires et en faisant usage des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales pour faire cesser les atteintes continues et avérées à la sécurité et à la tranquillité publiques ; que cette carence de l'Etat présente le caractère d'une faute lourde de nature à engager sa responsabilité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2004, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que des mesures de sécurité, consistant en des patrouilles et contrôles de police réguliers, ont été prises à la suite de l'installation des gens du voyage et pendant toute la durée de leur séjour ; que seule une procédure d'expulsion aurait pu mettre un terme à l'occupation des lieux ; que la responsabilité de l'Etat n'aurait pu être engagée qu'en cas de refus d'octroi du concours de la force publique pour exécuter un jugement ordonnant l'expulsion ; que la société requérante ne démontre pas que la violation de la propriété de son assurée ait été constitutive d'une atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ; que la SCPI Immovilliers, en ne saisissant pas le juge judiciaire pour procéder à l'expulsion, a commis une grave négligence et a contribué à prolonger la présence des nomades sur les lieux ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 avril 2005, présenté pour la société GAN EUROCOURTAGE IARD qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2005 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, MM X... et B..., présidents-assesseurs :
- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur,
- les observations de Me Z... pour la société GAN EUROCOURTAGE IARD,
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société GAN EUROCOURTAGE IARD, subrogée dans les droits de son assurée la SCPI Immovilliers qu'elle a indemnisée, demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 358 000 euros en réparation des dommages causés à un immeuble à usage industriel dont la SCPI est propriétaire à Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais) ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant qu'à la suite de l'installation, au mois de juin 2001, de plusieurs caravanes de gens du voyage sur le terrain dont est propriétaire la SCPI Immovilliers, les services de police ont pris des mesures particulières de surveillance et organisé des patrouilles régulières pour tenter d'éviter la poursuite des actes de vols et de dégradations pour lesquels la SCPI Immovilliers avait déposé plainte les 25 juin et 3 juillet 2001 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'insuffisante efficacité de ces mesures, alors que la SCPI Immovilliers n'a procédé à la clôture de sa propriété qu'à la fin du mois de septembre 2001 et n'a saisi le juge judiciaire d'aucune demande d'expulsion des occupants, ait revêtu le caractère d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, codifié à l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens... ; que la société GAN EUROCOURTAGE IARD, qui n'apporte aucune précision sur les modalités d'occupation de la propriété de son assurée et l'origine des actes de vandalisme commis après le départ des caravanes des gens du voyage le
7 juillet 2001, n'établit pas que la SCPI aurait été victime de dommages causés par un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions précitées ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur la base de ces dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1º Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques ... ; et qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : ... II. - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, y compris sur le domaine public, le maire peut, par voie d'assignation délivrée aux occupants et, le cas échéant, au propriétaire du terrain ou au titulaire d'un droit réel d'usage, saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles./ Sauf dans le cas où le terrain appartient à la commune, le maire ne peut agir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il n'est pas établi que les actes de dégradations et de vandalisme commis sur le bien immobilier de la SCPI Immovilliers aient été constitutifs d'une atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques ; qu'en tout état de cause, le maire n'ayant pas saisi le président du tribunal de grande instance d'une demande d'évacuation des résidences mobiles stationnant irrégulièrement sur le terrain de la SCPI Immovilliers, il n'appartenait pas au préfet d'engager
aux lieu et place de l'autorité locale, en vertu du pouvoir de substitution conféré par l'article
L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, les procédures d'expulsion prévues par les dispositions précitées de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GAN EUROCOURTAGE IARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société GAN EUROCOURTAGE IARD la somme que demande cette société au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société GAN EUROCOURTAGE IARD est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société GAN EUROCOURTAGE IARD et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Copie sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- M.Stéphan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 mai 2005.
Le rapporteur,
Signé : A. DUPOUY
Le président de chambre,
Signé : G. MERLOZ
Le greffier,
Signé : B. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. A...
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