Vu l'ordonnance en date du 17 octobre 2001 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Douai le jugement de la requête de la société Ambulances Y ;
Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2001 sous le n° 0103770 au greffe du tribunal administratif de Lille et enregistrée le 12 novembre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société Ambulances Y, sise ..., par Me Jean Y..., avocat ; la requérante demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0004182 du 21 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du
23 mars 2000 du préfet du Pas-de-Calais relative à la cession de six véhicules de transports sanitaires ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux née le
4 septembre 2001 ;
2°) d'annuler la décision en date le 23 mars 2000 ensemble l'arrêté confirmatif du 31 mars 2000 ;
Elle soutient qu'elle n'avait pas demandé en première instance l'annulation d'une lettre informative mais celle de la décision du préfet portant autorisation de cession des véhicules et des autorisations y afférentes ; que cette décision fait grief, en ce que la décision portait également transfert des autorisations ; qu'elle a été prise en fraude de ses propres droits ;
Code C Classement CNIJ : 61-01-02
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 27 février 2002, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en ce que la requérante demande l'annulation d'une lettre ne constituant pas une décision faisant grief ; à titre subsidiaire, que malgré l'excédent de véhicules sur le département, le préfet peut décider de la redistribution de véhicules vers des zones où les besoins ne sont pas satisfaits ; que la situation locale de la concurrence n'a pas été atteinte puisqu'aucune position dominante n'a été créée ; qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la requérante ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 avril 2002, présenté pour la société Ambulances Y qui persiste dans ses conclusions ; elle soutient que la décision implicite de rejet du préfet fait grief ;
Vu le mémoire enregistré le 21 mai 2002 présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité qui persiste dans ses conclusions et ses moyens ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 18 mai 2004 présenté pour Mme Chantal A... qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que son fonds de commerce n'a pas été fermé en vertu du non respect de la clause de non-concurrence ; qu'elle a vendu les véhicules sans les autorisations qui s'y rattachent ; que les véhicules n'ont pas été vendus sur le secteur d'Auxi-le-Château ;
Vu la lettre en date du 16 juin 2004 par laquelle la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré le 24 juin 2004, présenté pour Mme Chantal A... qui persiste dans ses conclusions ; elle soutient que le transfert d'une autorisation de cession de véhicules sanitaires entraîne le transfert de l'autorisation de mise en service ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 95-1093 du 5 octobre 1995 relatif à l'autorisation de mise en service de véhicules de transports sanitaires prévu par l'article L. 51-6 du code de la santé publique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2004 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :
- le rapport de M. Le Garzic, conseiller,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la lettre du 23 mars 2000 n'avait pas seulement pour objet d'informer la société Ambulances Y que le préfet du Pas-de-Calais avait l'intention de prendre la décision d'autoriser la cession de six véhicules de transports sanitaires de la société Auxy Ambulance mais devait être regardée comme constituant ladite décision ; que cette décision a d'ailleurs été confirmée par un arrêté préfectoral en date du 31 mars 2000 ; que par suite c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a considéré que l'acte attaqué ne constituait pas une décision faisant grief ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la société Ambulances Y devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Pas-de-Calais :
Considérant que le préfet soutient que la requérante n'étant pas cessionnaire des véhicules de la société Auxy Ambulances elle est dépourvue d'intérêt à agir ; que la société cédante affirme en outre que les véhicules n'ont pas été cédés dans le secteur où s'exerce l'activité de la société Ambulances Y ; que cependant il ressort des pièces du dossier que les véhicules de la société Auxy Ambulance, laquelle avait été condamnée pour détournement de clientèle à l'égard de la société Ambulances Y, ont été cédés à des sociétés situées dans département du Pas-de-Calais ; que le nombre de véhicules mis en service dans un département est limité par arrêté préfectoral ; que dès lors la société Ambulances Y se prévaut d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision du 23 mars 2000 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Pas-de-Calais doit être écartée ;
Sur la légalité de l'autorisation préfectorale :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 11 du décret du 5 octobre 1995 relatif à l'autorisation de mise en service de véhicules de transports sanitaires prévue par l'article L. 51-6 du code de la santé publique alors en vigueur : En cas de cession du véhicule autorisé, ou du droit d'usage de ce véhicule, le cessionnaire peut demander au préfet le transfert à son profit de l'autorisation initiale au titre du même département. Ce transfert ne peut être refusé que pour des motifs tirés de la satisfaction des besoins sanitaires de la population ou de la situation locale de la concurrence, appréciés à la date de la décision. ; qu'il résulte des dispositions précitées que les simples cessions de véhicules sanitaires ne sont soumises à aucune autorisation ; que seuls les transferts des autorisations relatives à ces véhicules doivent faire l'objet, à la demande du bénéficiaire de la cession, d'un accord préfectoral préalable ;
Considérant que tant la lettre du préfet du Pas-de-Calais en date du 23 mars 2000 que l'arrêté du préfet en date du 31 mars 2000 font référence à la décision d'autoriser une simple cession de six véhicules ; que cependant il appartient au juge de l'excès de pouvoir de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification ; qu'il ressort des pièces du dossier, que l'autorisation du préfet doit être regardée comme une autorisation de transfert des autorisations de mise en service des six véhicules ;
Considérant qu'il ressort des dispositions précitées que lorsqu'il est saisi par les cessionnaires d'un véhicule de transport sanitaire d'une demande du transfert à leur profit de l'autorisation initiale de mise en service de ce véhicule, il appartient au préfet de prendre sa décision en appréciant la situation locale au regard des besoins sanitaires de la population et en tenant compte du nombre théorique de véhicules de transport sanitaire autorisés dans le département ; que le préfet ne peut utilement se prévaloir de ce qu'une circulaire aurait exclu de refuser les transferts de mise en service au regard de la satisfaction des besoins sanitaires de la population ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossiers que les besoins sanitaires n'auraient pas été satisfaits au plan départemental ou au plan local ; qu'en outre, le nombre théorique de véhicules en service était dépassé dans le département du Pas-de-Calais ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante est fondée à demander l'annulation de la décision du 23 mars 2000 confirmée par arrêté le 31 mars 2000 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0004182 du tribunal administratif de Lille en date du
21 juin 2001 est annulé.
Article 1er : La décision du préfet du Pas-de-Calais en date du 23 mars 2000 ensemble l'arrêté confirmatif du préfet en date du 31 mars 2000 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Ambulances Y sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ambulances Y, à Mme Chantal A... et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 8 juillet 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 29 juillet 2004.
Le rapporteur
Signé : P. Le Garzic
Le président de chambre
Signé : G. X...
Le greffier
Signé : B. Z...
La République mande et ordonne au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Bénédicte Z...
N° 01DA01049 6