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14/04/2004 | FRANCE | N°01DA00543

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3, 14 avril 2004, 01DA00543


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne, dont le siège est situé Espace Jean Bouin, B.P. 630, à Saint-Quentin (02100), représentée par son président en exercice, par Me Cossa, avocat au Conseil d'Etat ; la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-527 en date du 6 mars 2001 du tribunal administratif d'Amiens qui l'a condamnée à payer à M. Lucien Y la somme de

452 445,23 francs, majorée d

e l'intérêt au taux légal à compter du 22 avril 1996, capitalisé à compter d...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne, dont le siège est situé Espace Jean Bouin, B.P. 630, à Saint-Quentin (02100), représentée par son président en exercice, par Me Cossa, avocat au Conseil d'Etat ; la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-527 en date du 6 mars 2001 du tribunal administratif d'Amiens qui l'a condamnée à payer à M. Lucien Y la somme de

452 445,23 francs, majorée de l'intérêt au taux légal à compter du 22 avril 1996, capitalisé à compter du 22 janvier 1998 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y au tribunal administratif d'Amiens ;

3) de condamner M. Y à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Code C Classement CNIJ : 60-04-04-04-03

Elle soutient que M. Y, directeur de la chambre de commerce et d'industrie avait demandé à être licencié selon des modalités négociées ; qu'il a mis au point, le 23 janvier 1991, avec le président de la compagnie consulaire une convention mettant fin à ses fonctions le 31 janvier 1991 ; que ladite convention le dispensait de préavis et lui accordait une indemnité de licenciement de 388 758 francs, outre le salaire du mois de janvier, son préavis, son prorata de congés payés et de treizième mois ; qu'il a néanmoins demandé ultérieurement à la chambre de commerce et d'industrie de lui payer une indemnité supplémentaire de 622 012 francs ; que, saisi d'une demande de M. Y, le tribunal administratif par jugement en date du 11 janvier 1996, devenu définitif, a annulé la décision prononçant son licenciement et condamné la chambre de commerce et d'industrie à lui payer une somme de 50 000 francs en réparation du préjudice subi ; que ce jugement a été intégralement exécuté ; que M. Y, ayant demandé à faire valoir ses droits à retraite à compter du 1er décembre 1995 n'a pu faire l'objet d'une réintégration effective ; que saisi d'une nouvelle demande de M. Y, le tribunal administratif a condamné la chambre de commerce et d'industrie à lui payer une somme de 452 445,23 francs correspondant aux salaires dont il avait été illégalement privé pendant la période du 1er février 1991 au 1er décembre 1995 ; que ce jugement méconnaît l'autorité de la chose jugée par celui du 11 janvier 1996 qui avait déjà indemnisé M. Y de l'ensemble de ses préjudices ; que le jugement du tribunal a dénaturé les écritures de la chambre de commerce et d'industrie ; qu'aucune somme n'était due à M. Y, en l'absence de service fait ; qu'en se bornant à relever, sans autre explication la différence entre le montant des salaires perçus par M. Y et les revenus de toute nature perçus pendant cette période, le jugement du tribunal a méconnu les principes issus de la jurisprudence Deberles ; qu'en outre le tribunal a tenu compte des revenus bruts que M. Y aurait reçus déduction des revenus nets perçus, lui allouant ainsi une somme supérieure à celle dont il aurait effectivement disposée s'il n'avait pas été écarté du service ; que le préjudice de M. Y ne saurait excéder

160 540 francs, dont il conviendrait de déduire la somme de 50 000 francs accordée par le précédent jugement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2004, présenté pour M. Y, demeurant ..., par Me Sarbib, avocat, qui conclut au rejet de la requête ; il conclut en outre à ce que les intérêts échus soient capitalisés et à ce que la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne soit condamnée à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 11 janvier 1996 n'a pas autorité de chose jugée en l'absence d'identité d'objet ; que le calcul de l'indemnité qu'il a demandée est exact et tient compte d'une éviction ayant pris effet le 1er février 1991 ; que la chambre de commerce et d'industrie ne peut en déduire des charges sur les indemnités qu'elle lui a allouées, d'autant qu'elle n'a pas elle-même versé les allocations servies par la C.M.A.C. ;

Vu la lettre en date du 10 mars 2004 par laquelle le président de la formation de jugement a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu l'ordonnance en date du 5 février 2004 portant clôture de l'instruction au 8 mars 2004 ;

Vu l'ordonnance en date du 8 mars 2004 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2004 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller,

- les observations de M. Lucien Y, défendeur,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement (...) 7º Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; qu'aux termes de l'article R. 222-14 du même code, alors applicable : les dispositions du 7º de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 50 000 francs ;

Considérant que la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif tendait à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne à lui payer une somme de 452 445,23 francs en réparation des préjudices subis à la suite de son licenciement ; que le magistrat délégué par le président du tribunal en application des dispositions précitées des articles R. 222-13 et R. 222-14 du code de justice administrative n'avait pas compétence pour statuer sur l'action indemnitaire introduite par M. Y, eu égard à son montant ; qu'il suit de là que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif d'Amiens, ainsi que sur ses conclusions d'appel incident ;

Sur les conclusions indemnitaires de M. Y :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y, directeur de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne a signé le 24 janvier 1991 avec le président de ladite chambre une convention selon laquelle il acceptait son licenciement prononcé par décision du 23 janvier 1991 à effet du 30 avril 1991, au terme d'un préavis de 3 mois qu'il était dispensé d'effectuer et moyennant le versement d'une indemnité de 388 758 francs, outre les prorata des congés payés et du 13ème mois ; que, par jugement en date du 11 janvier 1996, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens, sur demande de M. Y a annulé la décision prononçant son licenciement ainsi que la convention en date du 24 janvier 1991 ; que, saisi également des conclusions indemnitaires de M. Y, qui demandait la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie à lui verser les sommes de 622 012 francs à titre d'indemnité complémentaire de licenciement et de 50 000 francs en réparation de son préjudice moral, il a, d'une part, jugé que, si M. Y était fondé à demander sa réintégration dans son emploi, ou l'indemnisation des traitements perdus, il ne pouvait prétendre, comme il le demandait, au versement d'une indemnité de licenciement, celui-ci étant censé n'être jamais intervenu, et, d'autre part, estimé que, dans les circonstances de l'espèce, il serait fait une juste appréciation des préjudices subis par M. Y, à la suite de la décision irrégulière de l'organisme consulaire en condamnant ce dernier à verser à M. Y une somme de 50 000 francs en réparation de ses préjudices, tous intérêts compris au jour du jugement ;

Considérant, en premier lieu, que le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 11 janvier 1996 ne s'est prononcé que sur les demandes de M. Y tendant à ce que la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne soit condamnée à lui verser une indemnité complémentaire de licenciement et des dommages et intérêts à raison de son préjudice moral ; que, par suite, ladite chambre n'est pas fondée à soutenir que l'autorité relative de la chose jugée, qui s'attache au jugement du 11 janvier 1996, fait obstacle à ce que M. Y demande la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne à l'indemniser du préjudice matériel résultant de son licenciement, par la présente action, laquelle, nonobstant la référence à l'article L. 8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, doit être regardée comme tendant, non pas à obtenir l'exécution du jugement du 11 janvier 1996 mais à ce que l'établissement consulaire soit condamné à indemniser M. Y du préjudice qu'il subi à raison de la perte de ses traitements entre la date de son éviction et celle à laquelle il a fait valoir ses droits à retraite ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si en l'absence de service fait, M. Y ne peut prétendre au rappel de son traitement, il a droit à la réparation du préjudice subi par suite de son licenciement illégal ; qu'il convient pour fixer ladite indemnité de tenir compte, d'une part des fautes relevées à l'encontre de M. Y et, d'autre part, de la différence entre le traitement net qu'il aurait perçu s'il était demeuré en activité du 1er avril 1986 au 6 avril 1988 et les émoluments qui lui ont été versés au titre de la même période, en ce compris l'indemnité de 388 758 francs, prévue par la transaction du 24 janvier 1991, non restituée par M. Y ; qu'il résulte de l'instruction qu'en signant la convention selon laquelle il acceptait son licenciement au terme d'un préavis de 3 mois qu'il était dispensé d'effectuer et moyennant le versement d'une indemnité de 388 758 francs, outre les prorata des congés payés et du 13ème mois, M. Y, eu égard notamment aux fonctions qu'il exerçait, a commis une faute de nature à laisser à sa charge les deux tiers du préjudice matériel qu'il a subi, lequel se monte à 160 540 francs ; que, par suite, il y a lieu de condamner la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne à payer à M. Y une somme de 53 513 francs (8 158 euros) ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne a reçu le 23 avril 1996 la réclamation de M. Y ; que, par suite, ce dernier a droit aux intérêts de la somme de 8 158 euros à compter de cette date ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 12 janvier 1998 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; qu'à la date du 4 mars 2004 il n'était pas dû une année d'intérêts depuis le 12 janvier 2004, date de la précédente échéance annuelle ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la nouvelle demande de capitalisation présentée à cette date par M. Y ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Y à payer à la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne la somme qu'elle demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne à payer à M. Y la somme de 750 euros en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 6 mars 2001 est annulé.

Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne est condamnée à payer à M. Lucien Y la somme de 8 158 euros, laquelle somme portera intérêt au taux légal à compter du 23 avril 1996. Les intérêts échus à la date du 22 janvier 1998 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne versera à M. Lucien Y la somme de 750 euros en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus de la demande de M. Lucien Y devant le tribunal administratif d'Amiens et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne tendant à la condamnation de M. Lucien Y à lui payer une somme en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de l'Aisne, à M. Lucien Y et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 30 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 14 avril 2004.

Le rapporteur

Signé : A. Brenne

Le président de chambre

Signé : M. de Segonzac

Le greffier

Signé : P. Lequien

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Philippe Lequien

2

N°01DA00543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01DA00543
Date de la décision : 14/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme de Segonzac
Rapporteur ?: Mme Brenne
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : COSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-04-14;01da00543 ?
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