Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2003 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société Gestion Trois Hôtels, dont le siège social est situé ..., représentée par ses dirigeants en exercice, par Me Hervé Z..., avocat, membre de la société d'avocats P.D.G.B. ; la société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9904264-0102560-0102563 du 6 février 2003 du premier conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 à 2000 pour un local à usage d'hôtel restaurant, exploité sous l'enseigne Campanile , situé ..., ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser pour chacune de ses demandes une somme de 5 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
2°) de lui accorder la réduction desdites impositions litigieuses, à concurrence des sommes de 1 726 euros pour l'année 1997, 2 137 euros pour l'année 1998, 1 596 euros pour l'année 1999 et 1 215 euros pour l'année 2000 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 525 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 19-03-03-01
Elle soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, que la superficie pondérée retenue par l'administration et validée par le tribunal est excessive, dès lors que les coefficients appliqués excèdent ceux qui résulteraient de l'application de la propre doctrine de l'administration ; qu'en particulier, les coefficients de pondération retenus par l'administration ne sont pas de nature à refléter la valeur relative des parties secondaires ou accessoires des locaux litigieux par rapport à celles affectées à l'activité principale ; que les immeubles de référence choisis par l'administration ne sont pas pertinents au regard de leur superficie et de leur situation ; qu'à tout le moins, ces différences sont de nature à justifier un abattement de
25 % sur la valeur locative des locaux à évaluer ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2003, présenté par le directeur de contrôle fiscal Nord ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient, après avoir rappelé les faits, la procédure et la quotité du litige, que les parties salon et réception de l'hôtel, de même que les sanitaires, sont accessibles quotidiennement et utilisés de façon quasi-systématique par la clientèle, de sorte qu'ils doivent être considérés comme faisant partie intégrante de l'activité de l'hôtel-restaurant et doivent donc être pondérés à 1 ; que, s'agissant du choix des termes de référence retenus pour déterminer la valeur locative des parties hôtel et restaurant de l'établissement litigieux, ni la situation géographique, très satisfaisante, ni d'ailleurs les autres caractéristiques de l'établissement ne justifient qu'un nouvel ajustement par rapport à celui décidé par le tribunal soit appliqué ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 octobre 2003, présenté pour la société Gestion Trois Hôtels ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, ramenant toutefois le quantum de ses conclusions en réduction à la somme globale de 3 794,91 euros, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le procès-verbal des opérations de révision foncière de la commune de Calais est irrégulier, aucun des rédacteurs investis de par la loi des pouvoirs d'établir ledit document ne l'ayant approuvé ; qu'en conséquence, les locaux-types choisis sur ce procès-verbal pour évaluer l'établissement en litige ne pouvaient valablement être retenus ; qu'à titre subsidiaire, le local-type n° 116 dudit procès-verbal, retenu pour l'évaluation de la partie restaurant de l'établissement litigieux, a été évalué dans des conditions manifestement irrégulières ; que ce local n'existe d'ailleurs plus et qu'il est permis de douter sérieusement, dans ces conditions, de son existence au 1er janvier 1997 ; que la pondération des surfaces de la partie hôtel ne peut être effectuée par rapport à une enquête régionale, mais seulement par rapport à la pondération des surfaces retenue pour le local-type ; que les espaces tels que l'entrée de l'hôtel, les salons et les sanitaires peuvent être dissociés des éléments majeurs concourant à la réalisation de l'objet du bâtiment ; que l'ajustement supplémentaire sollicité est pleinement justifié eu égard tant à la différence de situation des locaux comparés qu'à leur différence d'affectation ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 février 2004, présenté par le directeur de contrôle fiscal Nord ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que les dispositions de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 2003 s'opposent à ce que la société requérante invoque, à l'appui de sa contestation des impositions litigieuses, le moyen tiré de l'absence de signature du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Calais ; que le local-type n° 116 retenu comme terme de référence pour évaluer la partie restaurant de l'établissement litigieux a été lui-même évalué par comparaison avec un local-type n° 5 dont la valeur locative a été évaluée par référence au local-type n° 4 faisant l'objet d'un contrat de bail au 1er janvier 1970 ; que le local-type n° 5 constituait un terme de référence pertinent, moyennant un abattement de 10 % pour prendre en compte la différence d'objet social existant avec celui du local-type n° 116 ; que les textes ne prescrivent aucune obligation quant à l'identité d'affectation des locaux mais invitent dans la mesure du possible à ce qu'il y ait une concordance entre les locaux comparés, en ce qui concerne leur situation, la nature de leur construction, leur importance, leur état d'entretien et leur aménagement ; qu'en l'espèce, la comparaison entre les locaux-types n° 4 et 5 a donc pu être valablement opérée ; que, par ailleurs, les constats réalisés par la requérante ne démontrent pas que le local-type n° 116 n'existait pas au 1er janvier des années d'imposition et encore moins lors de l'évaluation du local litigieux à l'achèvement des travaux de construction de celui-ci en 1985 ; qu'aucun texte ne s'oppose à ce qu'un local-type disparu continue à servir de terme de comparaison dès lors qu'il possède un solide descriptif et qu'il répond aux critères de l'article 1498 du code général des impôts ; qu'enfin, en ce qui concerne les coefficients de pondération retenus, même si le rapport contesté a une vocation régionale, les méthodes qu'il préconise conduisent en tout état de cause à des évaluations propres aux locaux concernés conformément aux dispositions applicables ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2004, présenté pour la société Gestion Trois Hôtels ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la loi de validation dont se prévaut l'administration ne peut qu'être écartée comme prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'Homme ; que cet article trouve à s'appliquer aux litiges relatifs au bien-fondé ou à l'exigibilité d'un impôt, lesquels présentent un caractère civil ; que les dispositions invoquées par l'administration de la loi de finances rectificative pour 2003 n'ont pas été adoptées dans un but d'intérêt général ; qu'à titre subsidiaire, sur le fond et compte tenu de ce que les immeubles de référence choisis par l'administration ne peuvent qu'être écartés, il est proposé de retenir comme terme de comparaison pour évaluer l'ensemble de l'établissement litigieux le local-type n° 105 du procès-verbal de la commune de Calais ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2004, présenté par le directeur de contrôle fiscal Nord et parvenu après la clôture de l'instruction ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi de finances rectificative pour 2003 n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2004 où siégeaient
M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Gipoulon, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Gestion Trois Hôtels forme appel du jugement en date du
6 février 2003 du premier conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 à 2000 pour un local à usage d'hôtel restaurant, exploité sous l'enseigne Campanile , dont elle est propriétaire et situé ... ; que, dans le dernier état de ses écritures, elle demande la réduction desdites impositions à concurrence de la somme globale de 3 794,91 euros, non contestée par l'administration ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes ci-après : ...2° a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : - soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; - soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. ; qu'aux termes de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 2003 : Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les impositions en matière d'impôts directs locaux et de taxes perçues sur les mêmes bases, calculées à partir de tarifs ou d'éléments d'évaluation arrêtés avant le 1er janvier 2004, sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de l'incompétence du signataire, du défaut de signature ou de date des procès-verbaux établis en application des articles 1503 et 1504 du code général des impôts. ;
Considérant que les termes de comparaison choisis en l'espèce par l'administration pour évaluer, d'une part, la partie hôtel, d'autre part, la partie restaurant de l'établissement litigieux, correspondent respectivement à un hôtel deux étoiles situé ..., inscrit sous la référence n° 115 sur la liste des locaux-types de la catégorie locaux commerciaux et biens divers ordinaires de la commune de Calais et à un restaurant situé boulevard Jacquard à Calais, inscrit sous la référence n° 116 sur cette même liste ; que, s'il est constant que la situation du local-type n° 116 au sein de la commune est plus favorable que celle de l'établissement litigieux, l'ajustement appliqué en application de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts par le premier juge sur la valeur locative unitaire de la partie restaurant de l'hôtel-restaurant Campanile de la requérante tient suffisamment compte de cette différence ; qu'en revanche, eu égard à la situation également plus favorable du local-type n° 115 par rapport à l'établissement litigieux, il y a lieu d'appliquer un abattement de 10 % sur la valeur locative unitaire de la partie hôtel de l'établissement litigieux ; que, toutefois, les différences d'affectation entre les deux locaux-types retenus, d'une part, et les locaux litigieux, d'autre part, ne sont pas de nature à justifier qu'il soit procédé à un ajustement supplémentaire ; qu'en outre, les dispositions précitées de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 2003 font obstacle à ce que la société requérante puisse utilement se prévaloir du moyen tiré de l'absence de signature de la liste des locaux-types de la catégorie locaux commerciaux et biens divers ordinaires de la commune de Calais ; que la société requérante ne saurait utilement invoquer les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales pour obtenir que l'application desdites dispositions législatives soit écartée, dès lors que ces stipulations ne visent que les procès portant sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations pénales et que la présente affaire, qui a trait à la détermination de l'assiette d'une imposition à laquelle elle a été assujettie, ne figure pas parmi les litiges de cette nature ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la valeur locative des deux locaux-types retenus pour l'évaluation de l'établissement litigieux aurait été déterminée en méconnaissance des dispositions précitées du b du 2°) de l'article 1498 du code général des impôts ; qu'en particulier, les éléments avancés par la société requérante ne sont pas à eux seuls de nature à permettre d'envisager que les immeubles de références ayant servi à cette détermination par la méthode de comparaison auraient présenté, à la date de référence, des dissemblances telles que toute comparaison avec les deux locaux-types retenus aurait été impossible et alors que l'administration a fait usage de la faculté d'ajustement des valeurs locatives unitaires prévue par l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts pour compenser les différences mises en évidence ; que la circonstance, au demeurant non clairement établie, que le local-type n° 116 serait à présent détruit s'avère sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige, dès lors qu'il ne ressort pas des éléments de l'instruction que ce local n'existait pas à la date de construction et, par suite, d'évaluation de l'hôtel-restaurant litigieux ; que, par ailleurs, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le choix opéré par l'administration des coefficients de pondération résulterait de l'application d'un barème régional et non d'une appréciation des caractéristiques particulières des locaux en cause, ni que les coefficients appliqués aux différentes parties contestées tant de l'hôtel que du restaurant litigieux ne serait pas de nature à traduire les valeurs d'utilisation et de commercialité de ces différentes parties et devraient, par suite, être écartés au profit de ceux proposés par la société requérante ;
Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
Considérant que la société requérante ne saurait se prévaloir utilement des dispositions citées de la documentation administrative de base, notamment n° 6 C 2332 et 6 G 113 du 15 décembre 1988, lesquelles ne comportent, en tout état de cause, aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont la présente décision fait application ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Gestion Trois Hôtels n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lille n'a fait que partiellement droit à ses demandes ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser, sur le fondement desdites dispositions, à la société requérante une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Pour le calcul des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la société Gestion Trois Hôtels a été assujettie au titre des années 1997 à 2000 à raison de l'hôtel restaurant Campanile dont elle est propriétaire à Calais, la valeur locative unitaire de la partie hôtel est fixée à 6,59 euros (43,20 francs) valeur 1970.
Article 2 : Il est accordé à la société Gestion Trois Hôtels la décharge des impositions litigieuses à concurrence de la réduction de base définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 6 février 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société Gestion Trois Hôtels une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gestion Trois Hôtels, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 23 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 6 avril 2004.
L'assesseur le plus ancien
Signé : D. Brin
Le président-rapporteur
Signé : J.F. X...
Le greffier
Signé : G. Y...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume Y...
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N°03DA00473