Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2003 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile immobilière de Rouvignies, dont le siège social est situé ..., représentée par ses dirigeants en exercice, par Me Hervé Z..., avocat, membre de la société d'avocats P.D.G.B. ; la société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0102951 du 6 février 2003 du premier conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1997 pour un local à usage d'hôtel, exploité sous l'enseigne Campanile, situé à Rouvignies (59220) ;
2°) de lui accorder la réduction de ladite imposition litigieuse, à concurrence de la somme de 5 239,52 euros ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 575 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 19-03-03-01
Elle soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, qu'en prenant en considération les éléments contenus dans un mémoire enregistré la veille de la clôture de l'instruction sans qu'elle ait disposé d'un délai suffisant pour y répondre, le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire, lequel est expressément posé par les dispositions du code de justice administrative mais encore réaffirmé par la doctrine et entériné par la jurisprudence ; que la surface des emplacements de stationnement a été manifestement majorée à la suite d'une erreur commise dans sa réclamation initiale ; que l'administration était tenue de choisir le local de référence auquel l'établissement litigieux a été comparé dans la commune, sans pouvoir recourir à un local-type situé dans une commune environnante ; qu'il n'est pas établi qu'il n'existerait pas, sur le territoire communal, de terme de comparaison approprié ; que, s'il était admis que le local de référence pouvait être choisi dans une autre commune, encore fallait-il que celle-ci présente, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune d'implantation de l'établissement litigieux ; que tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce ; que les caractéristiques du local de référence retenu pour l'évaluation de la valeur locative du local-type ne sont pas précisées ; que, dès lors, il n'est pas établi que l'évaluation du local-type soit régulière ; que le procès-verbal désignant le local-type est irrégulier en la forme, n'ayant pas été signé par le directeur des services fiscaux ou par une personne ayant obtenu régulièrement délégation pour agir en son nom ; que ce même document comporte des ratures et rectifications, sans qu'aucune mention explicative ne vienne éclairer de telles surcharges ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 août 2003, présenté par le directeur de contrôle fiscal Nord ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient, après avoir rappelé la procédure et la quotité du litige, que l'existence ou l'absence de moyens nouveaux ou de conclusions nouvelles dans un mémoire communiqué peu avant la clôture de l'instruction est prise en considération par la jurisprudence pour apprécier le caractère suffisant du délai imparti pour y répondre ; qu'en l'espèce, le mémoire dont s'agit ne comportait pas de conclusions nouvelles ni de moyens nouveaux, ni même d'éléments de nature à justifier une prolongation de l'instruction ; que l'examen du procès-verbal de la révision foncière de la commune de Rouvignies atteste qu'il n'existait pas sur le territoire communal de local similaire susceptible de constituer un terme de comparaison pertinent ; que, dès lors, un tel terme de comparaison a pu à bon droit être recherché dans une localité présentant une situation économique analogue ; que les pièces du dossier établissent que le local-type a été évalué par comparaison avec un autre local construit et donné en location au 1er janvier 1970 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le procès-verbal complémentaire sur lequel figure le local-type retenu a bien été signé par une personne habilitée, aucune disposition en vigueur n'imposant que ce document fut signé par le directeur des services fiscaux ; que la circonstance que ledit procès-verbal comporterait des ratures ne remet pas en cause sa validité, dès lors qu'il a été régulièrement approuvé ; qu'en ce qui concerne la surface pondérée des aires de stationnement, la société requérante n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause l'évaluation pratiquée par le service ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 septembre 2003, présenté pour la société de Rouvignies ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le mémoire de première instance comportait bien des éléments nouveaux qui l'ont d'ailleurs conduite à présenter de nouvelles observations et remarques ; que le local-type n° 670 de la commune de Lille qui a été retenu comme immeuble de référence n'a pu lui-même être valablement évalué par comparaison avec l'hôtel Novotel de Lesquin, répertorié au n° 35 sur la liste des locaux-types de ladite commune, compte tenu des dissemblances importantes existant entre ces deux établissements ; que la valeur locative retenue par l'administration pour ce local a été établie en contradiction avec les dispositions de l'article 1498 du code général des impôts ; que le procès-verbal des évaluations cadastrales de la commune de Lesquin est raturé et l'autorité administrative signataire de ce document n'est pas identifiable ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2003, présenté par le directeur de contrôle fiscal Nord ; il conclut aux mêmes fins que précédemment ; il fait observer que, contrairement à ce qui est soutenu, la valeur locative retenue pour le local-type n° 35 de la commune de Lesquin a bien été déterminée en conformité avec les dispositions applicables et qu'elle résulte d'une nouvelle pondération de la surface réelle dudit immeuble, sans que la valeur locative unitaire en ait toutefois été modifiée ;
Vu les pièces du dossier établissant que les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que le présent arrêt serait susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi de finances rectificative pour 2003 n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2004 où siégeaient
M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Gipoulon, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société de Rouvignies relève appel du jugement en date du
6 février 2003 du premier conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1997 pour un local à usage d'hôtel lui appartenant, exploité sous l'enseigne Campanile et situé à Rouvignies ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le mémoire présenté par l'administration le 23 janvier 2003 dans l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille sous le n° 01-2951 a été communiqué le même jour à la société requérante alors que la clôture de l'instruction intervenait le 24 janvier 2003 ; qu'eu égard aux éléments nouveaux contenus dans ce mémoire et dans la pièce qui lui était annexée, le délai laissé à la société requérante pour présenter d'éventuelles observations était insuffisant ; qu'en raison de cette irrégularité le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant que dans les circonstances de l'affaire il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société de Rouvignies devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes ci-après : ...2° a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison.Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : - soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; - soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. ; qu'aux termes de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 2003 : Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les impositions en matière d'impôts directs locaux et de taxes perçues sur les mêmes bases, calculées à partir de tarifs ou d'éléments d'évaluation arrêtés avant le 1er janvier 2004, sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de l'incompétence du signataire, du défaut de signature ou de date des procès-verbaux établis en application des articles 1503 et 1504 du code général des impôts. ;
Considérant que le procès-verbal de révision des évaluations cadastrales de la commune de Rouvignies arrêté le 11 octobre 1972, produit en appel par l'administration, ne comporte pas de locaux-types susceptibles d'être retenus, dans des conditions conformes aux dispositions précitées, comme terme de comparaison pour déterminer la valeur locative de l'hôtel-restaurant Campanile appartenant à la société requérante, lequel a, d'ailleurs, compte tenu de cette absence, été ultérieurement inscrit sur la liste communale des locaux-types ; qu'à défaut d'un tel immeuble sur le territoire communal, les dispositions précitées du 2°) de l'article 1498 du code général des impôts ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration recherche comme base de comparaison un local-type similaire situé dans une autre commune présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune d'implantation de l'hôtel litigieux ; que le terme de comparaison choisi en l'espèce par l'administration correspond à l'hôtel Campanile situé ..., inscrit sous la référence n° 670 sur la liste des locaux-types de la catégorie locaux commerciaux et biens divers ordinaires de la commune de Lille ; que, si les communes de Rouvignies et de Lille présentent des différences sur le plan démographique et économique, il ne résulte pas de l'instruction que l'ajustement pratiqué par l'administration sur la valeur locative unitaire de l'immeuble litigieux en application des dispositions de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts les prendrait insuffisamment en compte ; qu'il est constant que le terme de référence dont s'agit a été lui-même évalué par comparaison avec l'hôtel Novotel implanté sur la commune de Lesquin et répertorié sur la liste communale des locaux-types sous le n° 35 ; que la seule circonstance que la valeur locative unitaire du local-type n° 670, déterminée ainsi qu'il a été dit, ait ensuite été ajustée par l'application d'un abattement de 39 % n'est pas à elle seule de nature à entacher le choix par l'administration du local-type n° 670 de la commune de Lille comme terme de référence pour évaluer l'établissement litigieux ; que les dispositions précitées de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 2003 font obstacle à ce que la société requérante puisse utilement se prévaloir du moyen tiré de l'incompétence du signataire de la liste des locaux-types de la catégorie locaux commerciaux et biens divers ordinaires de la commune de Lille ; qu'en outre, les ratures observées sur les procès-verbaux des évaluations cadastrales des communes de Lille et de Lesquin ne sont pas, à elles seules, de nature à entacher la régularité desdits documents ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait méprise dans l'appréciation de la surface imposable du parc de stationnement, laquelle ressort, au demeurant, de sa propre déclaration ;
Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
Considérant que la société requérante ne saurait se prévaloir utilement ni des dispositions citées de la documentation administrative de base n° 6 C 2332 du 15 décembre 1988, lesquelles ne comportent, en tout état de cause, aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont la présente décision fait application, ni de la configuration des formulaires administratifs de déclaration des bases d'imposition ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'Etat n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit condamné à verser à la société requérante la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du magistrat délégué du tribunal administratif de Lille en date du 6 février 2003 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société civile immobilière de Rouvignies devant le tribunal administratif de Lille et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière de Rouvignies ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 23 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 6 avril 2004.
L'assesseur le plus ancien
Signé : D. Brin
Le président-rapporteur
Signé : J.F. X...
Le greffier
Signé : G. Y...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présente arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume Y...
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N°03DA00446