Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le
8 septembre 2000, formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 98-819 en date du 4 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a accordé à la société en commandite simple (S.C.S.) Civad et Cie une décharge partielle des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 et la décharge des pénalités de mauvaise foi dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés restant en litige au titre des années 1988 et 1989 ;
2°) de remettre, à concurrence des réductions décidées par ledit jugement, les impositions contestées à la charge de la S.C.S. Civad et Cie ;
Code C Classement CNIJ : 19-02-03-02
Il soutient que la requête de la société présentée devant le tribunal administratif est irrecevable car introduite après l'expiration du délai de recours ; que les constatations relevées par l'administration permettent d'établir que les conditions de fonctionnement de tous les fonds communs de placement n'étaient pas conformes au dispositif légal et réglementaire propre à ces fonds ; que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que la circonstance que les gérants soient des filiales des dépositaires ne saurait établir, à elle seule, la confusion des fonctions ; que compte tenu de la maîtrise totale des fonds par le dépositaire et de la concentration des opérations de mobilisation des souscriptions et des reventes sur une période extrêmement brève, l'absence de souscription à tout moment se trouve clairement caractérisée ; que l'interdiction de publicité ou de démarchage a été transgressée ; qu'en ce qui concerne les fonds Kleber Selection 3 et 6 les acomptes distribués ont excédé de manière considérable les revenus nets encaissés ; que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les fonds Obuncour B et Hibiscus n'ont pas rempli la condition relative au montant maximum des commissions ; que le fonds Obuncour B n'a pas respecté la condition relative au montant cumulé des liquidités qui ne doit pas excéder le cinquième de la somme des actifs nets ; que l'administration, après avoir initialement appliqué les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, s'est prévalue, par voie de substitution de base légale, des règles fixées par l'article 199 ter A du code général des impôts ; que, dès lors la société ne pouvait pas se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'application de la mesure d'assouplissement prévue par l'instruction du 13 janvier 1983, les conditions expresses dont elle était assortie n'étant pas remplies ; que, par suite, seules les dispositions légales pouvaient être appliquées en la circonstance, et conformément aux dispositions de l'article 199 ter A du code général des impôts, le droit à imputation ne peut excéder celui auquel aurait pu prétendre la société si elle avait perçu directement sa quote-part des produits encaissés par les fonds concernés ; que l'administration maintient que les motifs excluant la bonne foi de la S.C.S. Civad et Cie ont été portés à sa connaissance dans les notifications de redressements des 16 décembre 1991 et 11 mai 1992 ; que le caractère intentionnel des manquements était indiqué ; que la mauvaise foi est établie et le tribunal administratif a à tort déchargé de la majoration de 40 % que l'administration avait substitué à la pénalité de 80 % initialement appliquée ; que les notifications de redressements précitées sont suffisamment motivées en fait et en droit et permettaient d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de formuler des observations, ce que la société a d'ailleurs fait ; que l'obligation d'information sur la teneur des renseignements recueillis par l'administration dans l'exercice de son droit de communication a été respectée par le service ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2000, présenté pour la société en commandite simple Civad et Cie, dont le siège social est situé ..., par Me Philippe Y..., avocat ; elle conclut à ce que le recours du ministre soit rejeté et, par la voie du recours incident à ce que la Cour réforme le jugement attaqué et lui accorde la décharge totale des impositions contestées ; elle soutient que l'administration n'apporte pas complètement la preuve que la société a reçu une notification régulière de la décision statuant sur sa réclamation ; que, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, la régularité de la procédure d'imposition demeure contestable nonobstant la substitution de base légale à raison, d'une part, de l'insuffisante motivation des notifications de redressements, d'autre part, du défaut d'information de la société relatif à l'exercice par l'administration du droit de communication auprès de tiers avant la mise en recouvrement des impositions ; que la nouvelle base légale ne saurait être que l'article 199 ter A du code général des impôts et non pas celle tirée d'un paragraphe de l'instruction du 13 janvier 1983 dont le Conseil d'Etat a constaté l'illégalité dans son avis du 8 avril 1998 ; que le contribuable a été privé de la garantie de l'examen du litige par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ce qui fait obstacle à la substitution de base légale ; que, face aux irrégularités alléguées par l'administration, le porteur de parts, tel la S.C.S. Civad et Cie, peut lui opposer à la fois le mandat de gestion légalement confié au gérant et au dépositaire, la responsabilité exclusive de ceux-ci en cas de fonctionnement irrégulier du fonds, et l'affirmation de régularité, résultant de l'absence de critiques du commissaire aux comptes et de la commission des opérations de bourse, pour que soient justement reconnues les limites du paragraphe 100 de l'instruction à son égard et sa protection par la garantie prévue à l'article
L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que s'il n'en allait pas ainsi, il apparaît que la société ne saurait être tenue de rapporter une preuve qu'elle ne pourrait pratiquement être en mesure de démontrer ; que si l'administration n'avance, à l'égard du fonctionnement des fonds, que des arguments formulés en termes vagues et trop généraux, sa position ne saurait être jugée fondée et la société devra être considérée comme ayant rapporté la preuve contraire ; qu'aucun des arguments avancés par le ministre pour affirmer le fonctionnement irrégulier des fonds n'apparaît probant ; que, notamment, le service se méprend sur la notion de revenus nets encaissés à prendre en compte pour la détermination des acomptes distribuables ; qu'en effet, il ne tient pas compte du solde du compte de régularisation ; que, s'agissant du versement de commissions excessives, la thèse du ministre méconnaît les droits de la défense et les règles de la preuve en ce qui concerne les opérations réalisées par le fonds Obuncour B ; qu'à propos de celles réalisées par le fonds Hibiscus, aucune limitation des commissions ne saurait être invoquée par le service ; que la position du ministre sur les pénalités ne saurait être admise au regard du principe posé par l'arrêt de section du Conseil d'Etat du 1er octobre 1999 Association pour l'unification du christianisme mondial ; que les conditions de substitution des pénalités ne sont donc pas remplies ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 octobre 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui maintient les conclusions du recours par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 8 janvier 2004 fixant la clôture de l'instruction au 13 février 2004 à 16 heures 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2004 où siégeaient
M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la demande de la société en commandite simple Civad et Cie, le tribunal administratif de Lille a décidé par l'article 1er du jugement n° 98-819 du 4 mai 2000 le non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à concurrence des dégrèvements des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui ont été accordés par le directeur régional des impôts chargé de la direction des vérifications nationales et internationales au titre des années 1988 et 1989 ainsi que des pénalités y afférentes, par l'article 2 du jugement la décharge de la société en commandite simple Civad et Cie des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie à concurrence des crédits d'impôt dont l'imputation a été refusée pour les fonds communs de placement Obuncour B et Hibiscus au titre de l'année 1988, les fonds Masséna Sécurité 2, Saint Augustin et Hibiscus au titre de l'année 1989, par l'article 3 du jugement la décharge de ladite société des pénalités de mauvaise foi dont ont été assorties les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés restant en litige au titre des années 1988 et 1989 et par l'article 4 rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société en commandite simple Civad et Cie ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait appel de ce jugement en concluant à l'annulation de ses articles 2 et 3 et au rétablissement de la société en commandite simple Civad et Cie aux rôles de l'impôt sur les sociétés, au titre des années 1988 et 1989, à concurrence des réductions prononcées par les premiers juges ; que la société en commandite simple Civad et Cie, par la voie du recours incident conclut à la réformation du même jugement en ce qu'il ne lui a accordé qu'une décharge partielle des impositions restant en litige ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. Toutefois le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, par une décision explicite en date du 16 décembre 1996, rejeté la réclamation de la société en commandite simple Civad et Cie qui a été enregistrée par les services le 13 janvier 1993 ; que l'avis de réception de l'envoi recommandé de cette décision porte comme date de distribution le 30 décembre 1996 ; que la société en commandite simple Civad et Cie destinataire du pli n'établit pas que la signature figurant sur cet avis de réception ne correspond pas à celle d'une personne habilitée à recevoir le pli recommandé ; que l'avis notifiant la décision de rejet de l'administration mentionne les voies et délais de recours ; que la société en commandite simple Civad et Cie a saisi le tribunal administratif d'une requête enregistrée le 28 février 1998 soit après l'expiration du délai de deux mois susmentionné ; que, dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que la demande de ladite société est irrecevable ; que, par suite, d'une part, les articles 2 et 3 du jugement attaqué doivent être annulés, d'autre part, la société en commandite simple Civad et Cie est rétablie aux rôles de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1988 et 1989 à concurrence des réductions d'impositions décidées par les articles 2 et 3 susmentionnés ;
Sur le recours incident de la société en commandite simple Civad et Cie :
Considérant que comme il vient d'être dit la demande de la société en commandite simple Civad et Cie présentée devant le tribunal administratif de Lille est irrecevable ; que, par suite, le recours incident de ladite société n'est pas recevable ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 98-819 en date du 4 mai 2000 du tribunal administratif de Lille sont annulés.
Article 2 : La société en commandite simple Civad et Cie est rétablie aux rôles de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1988 et 1989 à concurrence des réductions décidées par les articles 2 et 3 du jugement susmentionné.
Article 3 : Le recours incident de la société en commandite simple Civad et Cie est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société en commandite simple Civad et Cie.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 23 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 6 avril 2004.
Le rapporteur
Signé : D. Brin
Le président de chambre
Signé : J.F. X...
Le greffier
Signé : G. Z...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume Z...
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N°00DA01086