Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S.) du Nord, dont le siège est situé 18, rue de Pas B.P. 68 à Lille (59028 Lille Cedex), représenté par son président en exercice, par Me Cattoir, avocat ; le S.D.I.S. du Nord demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 11 octobre 2001, par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en date du 7 mars 2000 de son président accordant 10 points de nouvelle bonification indiciaire (N.B.I.) à Mme X, ensemble le rejet par le président du S.D.I.S. du recours gracieux du préfet du Nord ;
2°) de rejeter la demande du préfet ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le déféré du préfet était tardif ; que les fonctions de Mme X lui ouvraient droit au bénéfice de la N.B.I. ; que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que le décret du 6 février 1996 n'était pas applicable au S.D.I.S. ; que le refus de la N.B.I. porterait atteinte au principe d'égalité ; que le tribunal a statué ultra petita en annulant également la décision de son président rejetant le recours gracieux du préfet ;
Code C Classement CNIJ : 36 08 03
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2002, présenté par le préfet du Nord qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que son déféré n'était pas tardif ; qu'il n'existe aucun texte ouvrant droit au bénéfice de la N.B.I. aux agents d'accueil du S.D.I.S. ; que les S.D.I.S. ne peuvent être assimilés à des établissements de coopération intercommunale ; qu'en annulant la décision de rejet de son recours gracieux, le tribunal n'a pas statué ultra petita mais fait application de son pouvoir d'interpréter la requête ; qu'en outre l'annulation de la décision du président du S.D.I.S. impliquait également celle de la décision rejetant son recours gracieux, qui lui est liée ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2003, présenté pour le S.D.I.S. du Nord, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
Vu la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ;
Vu le décret n° 91-711 du 24 juillet 1991, modifié ;
Vu le décret n° 96-101 du 6 février 1996 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2004 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller,
- les observations de Me Cattoir, avocat, pour le service départemental d'incendie et de secours du Nord,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable : Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, applicables en l'espèce, qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de quatre mois suivant la réception d'une réclamation, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance ; que toutefois si dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la réclamation adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet, il dispose alors, à compter de ladite notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir ;
Considérant que le 3 avril 2000, le président du S.D.I.S. du Nord a reçu le recours gracieux par lequel le préfet du Nord lui demandait de procéder au retrait de sa décision en date du 7 mars 2000 accordant à Mme X une nouvelle bonification indiciaire de 10 points ; que la lettre en date du 25 mai 2000 par laquelle le président du S.D.I.S. a rejeté ce recours gracieux a été reçue par le préfet le 8 juin, soit dans le délai de deux mois qui lui était ouvert pour contester la décision implicite née le 3 juin 2000 du silence gardé par le président du S.D.I.S. sur ce recours gracieux ; que la notification de cette décision, ainsi que le prévoient expressément les dispositions précitées de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a fait courir, à compter du 8 juin, un nouveau délai de recours contre la décision du 7 mars 2000 ; qu'il suit de là que le déféré du préfet contre la décision du 7 mars 2000, enregistré par le tribunal administratif de Lille le 9 août 2000 n'était pas tardif ;
Considérant, en second lieu, que la décision expresse, par laquelle le président du S.D.I.S. du Nord a rejeté le recours gracieux du préfet du Nord contre la décision du 7 mars 2000 n'avait pas un fondement juridique différent de cette dernière et lui était liée ; que, contrairement, d'ailleurs, à ce que soutient le S.D.I.S. en appel, l'annulation de la décision du 7 mars 2000 faisait obstacle à ce que le président du S.D.I.S. maintienne à Mme X le bénéfice de la N.B.I. sur le seul fondement des décisions implicite et expresse par lesquelles il avait rejeté le recours gracieux du préfet ; que, par suite, le tribunal administratif a pu, à bon droit, se considérer comme saisi de conclusions dirigées contre la décision du 7 mars 2000, ensemble les décisions par lesquelles le président du S.D.I.S. avait rejeté son recours gracieux ; qu'il suit de là que le S.D.I.S. n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif serait irrégulier en tant qu'il aurait statué au delà des conclusions dont il était saisi, en annulant les décisions de son président rejetant le recours gracieux du préfet du Nord ;
Sur la légalité de l'attribution à Mme X de la N.B.I. :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 : I. La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret. (...) IV. Les dispositions qui précèdent sont étendues dans des conditions analogues, par décret en Conseil d'Etat, aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 24 juillet 1991 modifié : Une nouvelle bonification indiciaire (...) est versée mensuellement à raison de leurs fonctions aux fonctionnaires territoriaux suivants : (...) 18° adjoints administratifs et agents administratifs exerçant à titre principal des fonctions d'accueil du public dans les communes de plus de 5 000 habitants ou les établissements publics communaux ou intercommunaux en relevant : 10 points ; (...) 22° adjoints administratifs et agents administratifs dont la qualité de fonctionnaire a été maintenue, exerçant à titre principal des fonctions d'accueil du public dans les départements, les O.P.H.L.M. départementaux ou interdépartementaux et les O.P.H.L.M. transformés en O.P.A.C. de plus de 3 000 logements : 10 points majorés (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire n'est pas liée au corps d'appartenance ou aux grades des fonctionnaires, mais aux emplois qu'ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois, et, d'autre part, que les emplois donnant droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire sont fixés de manière limitative par décret ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 3 mai 1996 : Il est créé dans chaque département un établissement public dénommé service départemental d'incendie et de secours (...). Ont également la qualité de service départemental d'incendie et de secours, les centres d'incendie et de secours qui relèvent des communes ou établissement publics de coopération intercommunale disposant d'un corps communal ou intercommunal de sapeurs-pompiers ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les services d'incendie et de secours ne sont pas des établissements de coopération intercommunale ; que, par suite, les fonctions d'accueil dans ces services qui ne sont pas au nombre de ceux que vise le 22° de l'article 1er du décret du 24 juillet 1991 précité, n'ouvrent pas droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, sans que le S.D.I.S. puisse utilement soutenir que les services départementaux d'incendie et de secours ont été créés postérieurement au décret du 9 novembre 1992 modifiant celui du 24 juillet 1991 ;
Considérant, enfin, que l'égalité de traitement à laquelle ont droit les agents d'un même corps ne fait pas obstacle à ce qu'une différence de traitement puisse être légalement instituée entre eux lorsqu'elle est fondée sur l'existence de conditions d'exercice différentes des fonctions ; que le S.D.I.S. du Nord ne peut utilement se prévaloir de ce principe pour justifier l'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire de 10 points à l'agent chargé de l'accueil, dès lors qu'il n'est pas établi que les conditions d'exercice des fonctions de cet agent seraient identiques à celles des agents exerçant dans les services ou établissements prévus au 18° et 22° de l'article 1er du décret du 24 juillet 1991 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au S.D.I.S. du Nord la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Nord est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Nord, au préfet du Nord, à Mme Christine X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 2 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 18 mars 2004.
Le rapporteur
Signé : A. Brenne
Le président de chambre
Signé : M. de Segonzac
Le greffier
Signé : P. Lequien
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Philippe Lequien
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N°01DA01110