La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2004 | FRANCE | N°02DA00575

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 12 février 2004, 02DA00575


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la coopérative agricole Ax'ion, dont le siège est 4, avenue de Château-Thierry, BP 8 à Soissons (02201), par Me Boivin, avocat ; la coopérative agricole Ax'ion demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-2479 du 30 avril 2002 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 695 000 francs, majorée des intérêts au taux légal, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés, en

réparation du préjudice subi à l'occasion de la suppression de ses silos de...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la coopérative agricole Ax'ion, dont le siège est 4, avenue de Château-Thierry, BP 8 à Soissons (02201), par Me Boivin, avocat ; la coopérative agricole Ax'ion demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-2479 du 30 avril 2002 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 695 000 francs, majorée des intérêts au taux légal, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice subi à l'occasion de la suppression de ses silos de stockage et de ses installations de combustion de Soissons par un décret en date du 16 avril 1999 ;

2°) d'annuler la décision ministérielle du 7 octobre 1999 qui a rejeté la demande d'indemnisation présentée par la coopérative agricole du Soissonnais aux droits de laquelle elle est venue et condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 850 034,38 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de cette réclamation, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Code C + Classement CNIJ : 60-01-02

Elle soutient que, pour prendre la décision de suppression des installations, l'administration n'a procédé qu'à une analyse sommaire des dangers ou inconvénients majeurs pour les intérêts mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 alors que les insuffisances constatées n'étaient pas rédhibitoires ; que les installations qui n'étaient soumises qu'à un régime déclaratif et n'avaient été astreintes à aucune réglementation technique particulière bénéficiaient de droits acquis liés à son antériorité ; que c'est à tort que le jugement attaqué a retenu son absence de volonté de procéder à des investissements de mise en conformité ; que la décision de suppression est davantage fondée sur la localisation du site en milieu urbain que sur le caractère irrémédiable des dangers présentés par les installations ; que la recherche de solutions alternatives n'a pas été réalisée par l'administration ; que les illégalités commises constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que les mesures de police administrative légalement prises dans un intérêt général sont susceptibles d'engager la responsabilité sans faute de l'Etat ; que le préjudice qu'elle subit est anormal et spécial ; qu'il ne saurait être considéré qu'elle doive assumer la charge d'un aléa auquel elle se serait volontairement soumise ; que le législateur n'a pas entendu exclure toute indemnisation au profit des exploitants dont les installations feraient l'objet d'une mesure de fermeture ; qu'elle a droit à l'indemnisation de son préjudice résultant de la construction d'un nouveau silo, de celui résultant de la perturbation de l'organisation de son activité et de celui lié au financement d'un nouveau silo de stockage de céréales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2003, présenté pour la ministre de l'écologie et du développement durable, par Me Lyon-Caen, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la coopérative agricole Ax'ion à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'Etat, qui a procédé à une analyse minutieuse des dangers présentés par l'installation et établi la dangerosité de cette dernière, n'a commis aucune faute ; que la responsabilité sans faute de l'Etat ne saurait être retenue ; que la gravité du préjudice, manifestement surévalué, n'est pas établie ;

Vu les mémoires complémentaires, enregistrés le 21 juillet 2003 et le 20 janvier 2004, présentés pour la coopérative agricole Ax'ion qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, la capitalisation des intérêts échus ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et le décret n° 77-133 du 21 septembre 1977 modifié pris pour son application ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2004 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :

- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,

- les observations de Me Chevallier, avocat, pour la coopérative agricole Ax'ion, et de Me Léron, avocat, pour la ministre de l'écologie et du développement durable,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée, aujourd'hui codifié à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date du 16 avril 1999 à laquelle a été ordonnée la fermeture des installations exploitées par la coopérative du Soissonnais : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la conservation des sites et des monuments » ; qu'aux termes de l'article 15 de cette même loi, aujourd'hui codifiée à l'article L. 514-7 : « S'il apparaît qu'une installation classée présente, pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, des dangers ou des inconvénients qui n'étaient pas connus lors de son autorisation ou de sa déclaration, le ministre chargé des installations classées peut ordonner la suspension de son exploitation pendant le délai nécessaire à la mise en oeuvre des mesures propres à faire disparaître ces dangers ou inconvénients. Sauf urgence, la suspension intervient après avis des organes consultatifs compétents et après que l'exploitant a été mis à même de présenter ses observations. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur des installations classées, peut ordonner la fermeture ou la suppression de toute installation, figurant ou non à la nomenclature, qui présente pour les intérêts mentionnés à l'article 1er de la présente loi, des dangers ou inconvénients tels que les mesures prévues par le présent titre ne puissent les faire disparaître » ;

Considérant que le décret en date du 16 avril 1999 pris par le premier ministre en vertu des pouvoirs que celui-ci tenait de l'article 15 de la loi du 19 juillet 1976 susvisée, devenu l'article L. 514-7 du code de l'environnement, a eu pour objet de supprimer des silos de stockage de céréales, grains, produits alimentaires et tout produit organique dégageant des poussières inflammables et des installations de combustion exploités par la coopérative agricole du Soissonnais, rue du Plat d'Etain, à Soissons et, par suite, d'assurer la sécurité publique et, notamment, la sécurité des occupants des habitations situées au voisinage de ces installations implantées en milieu urbain contre les dangers et inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976, devenu l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que pouvaient présenter ces installations ; qu'en l'absence de dispositions législatives le prévoyant expressément, une telle mesure ne peut avoir pour effet d'ouvrir droit à réparation au bénéfice de l'exploitant de l'activité visée par le législateur ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la coopérative agricole du Soissonnais, aux droits de laquelle est venue la coopérative Ax'ion, a exploité un silo de stockage de grains de type vertical d'une capacité de 500 m3 construit au début des années 1930 ; que cette installation a été agrandie au début des années 1960 par ajout de nouvelles cellules verticales en béton d'une hauteur de 30 mètres et par deux séchoirs alimentés au gaz naturel pour le séchage des céréales, le volume de stockage atteignant ainsi 12 750 m3 ; que, s'il est vrai que, comme le soutient la coopérative Ax'ion, ces installations ne faisaient l'objet que d'une seule rotation par an et si les débits de collecte ne dépassaient pas 200 heures par an, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport précis et circonstancié établi le 9 septembre 1998 par un inspecteur des installations classées, que la présence de poussières organiques, dont l'accumulation se trouvait aggravée par l'impossibilité de réaliser un entretien efficace compte tenu de l'ancienneté des silos, générait un risque d'explosion que ni l'inertage des cellules de stockage, ni l'adjonction d'un produit anti-poussières en l'état des connaissances techniques du moment n'aurait permis de supprimer ; qu'en dépit de la pré-existence de panneaux vitrés sur l'un des ouvrages et de surfaces souples dans les galeries sur cellules, seule la pose d'évents sur l'ensemble des parties des installations eût été de nature à réduire les effets d'une explosion ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que la réalisation de ces évents s'est révélée impossible dès lors qu'elle affecterait la structure même des éléments participant à la stabilité des silos ; que la requérante n'établit pas que le décret de suppression de ses installations serait intervenu au terme d'une instruction irrégulière ; elle n'établit pas davantage que l'administration aurait procédé à une analyse insuffisante ou inexacte des dangers existants ni qu'il existait des mesures alternatives qui auraient pu être prescrites par cette dernière en lieu et place de la fermeture des installations dont la présence en milieu urbain compromettait gravement l'objectif de sécurité publique tel que mentionné à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la coopérative agricole Ax'ion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'indemnité ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à la coopérative agricole Ax'ion la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner la coopérative agricole Ax'ion à payer à l'Etat une somme globale de 3 000 euros au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la coopérative agricole Ax'ion est rejetée.

Article 2 : La coopérative agricole Ax'ion versera à l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la coopérative agricole Ax'ion et à la ministre de l'écologie et du développement durable.

Copie sera transmise, pour information, au préfet de l'Aisne.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 29 janvier 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 12 février 2004.

Le rapporteur

Signé : J. Quinette

Le président de chambre

Signé : G. Merloz

Le greffier

Signé : B. Robert

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie et du développement durable en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte Robert

2

N°02DA00575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02DA00575
Date de la décision : 12/02/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Quinette
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-02-12;02da00575 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award