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12/02/2004 | FRANCE | N°01DA00980

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3, 12 février 2004, 01DA00980


Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'E.A.R.L. des Tilleuls, dont le siège est à Ectot-les-Bains (76970), représentée par M. Dominique X en sa qualité de gérant, par Me Béatrice Z..., avocate ; l'E.A.R.L. des Tilleuls demande à la Cour de constater la nullité de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a transféré avec réduction les quantités de références laitières du G.A.E.C. des Tilleuls à l'E.A.R.L. des Tilleuls, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 314 440 francs

, ou subsidiairement la somme de 890 169 francs, en réparation de son p...

Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'E.A.R.L. des Tilleuls, dont le siège est à Ectot-les-Bains (76970), représentée par M. Dominique X en sa qualité de gérant, par Me Béatrice Z..., avocate ; l'E.A.R.L. des Tilleuls demande à la Cour de constater la nullité de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a transféré avec réduction les quantités de références laitières du G.A.E.C. des Tilleuls à l'E.A.R.L. des Tilleuls, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 314 440 francs, ou subsidiairement la somme de 890 169 francs, en réparation de son préjudice et la somme de 10 000 francs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la transformation d'une personne morale en une autre personne morale n'entraîne pas création d'une personne morale nouvelle en vertu des dispositions de l'article 1844-3 du code civil, principe auquel un texte réglementaire ne saurait déroger et moyen invoqué auquel le tribunal administratif n'a pas répondu ; que la transformation d'un G.A.E.C. en E.A.R.L. n'a pour effet ni de créer un nouvel exploitant, ni d'apporter une modification foncière à l'exploitation existante et se trouve hors du champ d'application de l'article 1° du décret du 31 juillet 1987 et du décret du 9 mai 1995 ; que le règlement n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre

Code C Classement CNIJ : 03-05-03-02

1992 ne renvoie pas aux Etats membres le soin de fixer les cas de transfert des quantités de références laitières mais seulement les modalités de ces transferts ; que le quota devait être transféré de plein droit dès lors que la transformation ne s'est pas accompagnée d'une réunion d'exploitation, n'a pas été effectuée à l'occasion d'une vente, location, donation ou transmission ni d'un apport ou mise à disposition qui aurait eu lieu à partir du 9 mai 1995 ; que le principe de confiance légitime interdit de remettre en cause la situation initiale de 1986 ; que le principe de la transparence énoncé par la loi du 8 août 1962 au profit des G.A.E.C. ne peut s'appliquer en matière de référence laitière ; que la décision préfectorale n'est pas motivée ; qu'elle subit un préjudice qui correspond au bénéfice qu'elle aurait pu réaliser en produisant la quantité de références laitières dont elle a été privée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2003, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions à fin d'annulation qui sont dirigées à l'encontre d'une décision préfectorale du 5 avril 1996 devenue définitive sont irrecevables ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée est inopérant et non fondé ; que l'Etat français avait toute latitude pour décider dans quels cas et selon quelles modalités les mutations foncières donnent lieu à un reversement partiel en faveur de la réserve nationale ; que la décision du 5 avril 1996 est régulièrement intervenue sur le fondement du décret n° 95-702 du 7 mai 1995 ; que la dissolution du G.A.E.C. entraînait l'application des mesures prescrites aux articles 2 à 4 du décret du 7 mai 1995 ; que le principe de transparence des G.A.E.C. était applicable ; que la transformation du G.A.E.C. en E.A.R.L. correspond en droit et en fait à une réunion d'exploitations en raison des mutations foncières intervenues ; que les prétentions financières du requérant sont dénuées de sérieux ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2004, présenté pour l'E.A.R.L. des Tilleuls et tendant aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers ;

Vu la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture ;

Vu le décret n° 87-608 du 31 juillet 1987 relatif aux transferts de quantités de références laitières ;

Vu le décret n° 95-702 du 9 mai 1995 relatif aux transferts de quantités de références laitières ;

Vu le décret n° 96-47 du 22 janvier 1996 relatif au transfert des quantités de référence laitières ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2004 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :

- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'à l'appui de leur demande présentée devant le tribunal administratif, la requérante a fait valoir que l'administration ne pouvait déroger au principe posé par l'article 1844-3 du code civil selon lequel la transformation régulière d'une personne morale en une autre société n'entraîne pas création d'une personne morale nouvelle ; que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à cet argument qui était invoqué au soutien de son moyen tiré de ce que la transformation d'un groupement agricole d'exploitation en commun en exploitation agricole à responsabilité limitée ne figurerait pas au nombre des opérations soumises à un prélèvement au profit de la réserve nationale auquel il a été répondu ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir omis de statuer sur l'un de ses moyens ;

Sur les conclusions à fin de condamnation de l'Etat :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 susvisé : 1. La quantité de référence disponible sur une exploitation est transférée avec l'exploitation en cas de vente, location ou transmission par héritage aux producteurs qui la reprennent, selon des modalités à déterminer par les Etats membres en tenant compte des surfaces utilisées pour la production laitière ou d'autres critères objectifs et, le cas échéant, d'un accord entre les parties. La partie de la quantité de référence laitière qui, le cas échéant, n'est pas transférée avec l'exploitation est ajoutée à la réserve nationale. Les mêmes dispositions s'appliquent aux autres cas de transferts qui comportent des effets juridiques comparables pour les producteurs ; qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 1er février 1995 susvisée : L'autorité administrative chargée de répartir les références de production ou des droits à aides, introduits en vue de maîtriser les volumes de certaines productions, après le 1er janvier 1984,en application des règles de la politique agricole commune (...) applique, dans la mesure où aucune règle de droit communautaire n'y fait obstacle, les règles suivantes : (...) 4° Les mises en société, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 323-1 du code rural, impliquant plusieurs exploitations sont assimilées à des réunions d'exploitations ; qu'aux termes de l'article L 323-13 du code rural : La participation à un groupement agricole d'exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d'exploitation et leur famille, pour tout ce qui touche leur statut économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole, et à celles des autres familles de chefs d'exploitation ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 95-702 du 9 mai 1995 susvisé : Lorsque la cession, la location, la donation, la transmission ou l'apport selon les conditions visées à l'article 1er portent sur une ou plusieurs parties d'une exploitation ou lorsque ceux-ci conduisent à la réunion d'exploitations laitières, le transfert de la quantité de référence laitière est régi par les dispositions des articles 3 et 4 du présent décret. Dans ces cas, les quantités de référence supplémentaires, accordées sur le fondement de l'article 9 du décret du 11 février 1991 susvisé ou des dispositions de l'article 5 du décret n° 84-661 du 17 juillet 1984 alors en vigueur dont bénéficie, le cas échéant, le producteur cédant retournent à la réserve nationale. En outre, un prélèvement de 10 % est opéré sur la quantité référence restant à transférer et affecté à la réserve nationale ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : En cas de réunion d'exploitations laitières, la quantité de référence laitière de l'exploitation cédée est transférée au producteur personne physique ou morale qui reprend celle-ci et y poursuit la production laitière. Toutefois, lorsque ce producteur dispose avant le transfert de référence supérieure à un seuil fixé conformément à l'article 5 du présent décret, une fraction de la quantité de référence qui reste à transférer après application des prélèvements prévus à l'article 2 est ajoutée à la réserve nationale. Cette fraction est déterminée selon les règles fixées audit article 5. Lorsque le repreneur dispose avant le transfert d'une quantité de référence inférieure à ce seuil, le prélèvement supplémentaire prévu à l'alinéa précédent n'est appliqué qu'à la fraction de la quantité de référence après transfert qui excède ce seuil ;

Considérant que le groupement agricole d'exploitation en commun des Tilleuls qui disposait d'une quantité de référence laitière de 316 524 litres, était constitué entre Y... Denise X et M. Dominique X ; qu'après le décès de Y... Denise X, il a été décidé que les parts sociales antérieurement détenues par cette dernière seraient cédées à M. Dominique X et le G.A.E.C. des Tilleuls transformé en E.A.R.L. ayant pour objet l'exploitation des biens antérieurement exploités dans le cadre du G.A.E.C. ; que, par une décision en date du 5 avril 1996, le préfet de la Seine-Maritime a autorisé le transfert à l'E.A.R.L. des Tilleuls d'une quantité de référence laitière de 239 785 litres provenant de la référence laitière du G.A.E.C. après prélèvement de 76 739 litres qui ont été affectés à la réserve nationale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le capital social du G.A.E.C. des Tilleuls avait été réparti entre ses deux associés qui, en vertu des dispositions précitées de l'article

L. 323-13 du code rural à l'application desquelles l'article 7 précité du règlement (CEE)

n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 ne fait pas obstacle, doivent être considérés comme chefs d'exploitation disposant chacun d'une quantité de référence laitière ; que la transformation du G.A.E.C. des Tilleuls en E.A.R.L. s'est ainsi accompagnée de la cession de l'exploitation laitière mise en valeur par Y... Denise X et de sa réunion avec l'exploitation laitière auparavant mise en valeur par M. Dominique X ; que cette mise en société impliquant ces deux exploitations doit, conformément aux dispositions précitées de l'article 15 de la loi du 1er février 1995, être assimilée à une réunion d'exploitations et soumise aux prélèvements prévus par les dispositions précitées des articles 2 et 3 du décret du 9 mai 1995 dont il n'est pas établi qu'elles seraient contraires au règlement communautaire du 28 décembre 1992 ; que les dispositions de l'article 1844-3 du code civil aux termes desquelles la transformation régulière d'une personne morale en une autre société n'entraîne pas création d'une personne morale nouvelle ne sauraient avoir pour effet de permettre à une E.A.R.L., alors même qu'elle résulte de la transformation d'un G.A.E.C., de faire obstacle au prélèvement prévu en cas de réunion d'exploitations ; qu'à supposer même que la décision précitée du 5 avril 1996 du préfet de la Seine-Maritime ait été insuffisamment motivée, la requérante n'apporte aucune précision ni justification relatives au préjudice qui serait résulté d'une telle insuffisance ; que, s'il est vrai que c'est à tort que, pour prendre ladite décision, le préfet a visé le décret n° 96-47 du 22 janvier 1996 qui n'était pas applicable en l'espèce, la requérante n'établit pas que le prélèvement opéré aurait été, en raison de cette erreur, supérieur à celui que prévoyait la réglementation alors en vigueur ; que la remise en cause de la situation qui avait été créée en 1986 par la constitution du G.A.E.C. des Tilleuls résultant uniquement de sa transformation en E.A.R.L., la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en opérant le prélèvement tel que prévu par les articles 2 et 3 du décret du 9 mai 1995 en cas de réunion d'exploitations laitières, le préfet aurait porté atteinte à des droits acquis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'E.A.R.L. des Tilleuls n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à l'E.A.R.L. des Tilleuls la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'E.A.R.L. des Tilleuls est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'E.A.R.L. des Tilleuls et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Copie sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 29 janvier 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 12 février 2004.

Le rapporteur

Signé : J. A...

Le président de chambre

Signé : G. X...

Le greffier

Signé : B. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte B...

2

N°01DA00980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01DA00980
Date de la décision : 12/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Quinette
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : OTTAVIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-02-12;01da00980 ?
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