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22/07/2003 | FRANCE | N°01DA00228

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2eme chambre, 22 juillet 2003, 01DA00228


Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société coopérative Essor agricole, dont le siège social est situé ..., en la personne de ses représentants légaux, par Me Jacques X..., avocat, membre de la société d'avocats Dutat-Lefèvre et associés ; la société coopérative Essor agricole demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9700514-9701725 du 20 décembre 2000 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a seulement condamné Voies navigables de France à lui verser, à titre de

réparation des préjudices subis par elle, une somme globale de

657 864,93 fra...

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société coopérative Essor agricole, dont le siège social est situé ..., en la personne de ses représentants légaux, par Me Jacques X..., avocat, membre de la société d'avocats Dutat-Lefèvre et associés ; la société coopérative Essor agricole demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9700514-9701725 du 20 décembre 2000 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a seulement condamné Voies navigables de France à lui verser, à titre de réparation des préjudices subis par elle, une somme globale de

657 864,93 francs ;

2°) de condamner Voies navigables de France à lui verser les sommes de

732 761,70 francs (111 708,80 euros) au titre des travaux de réparation et 251 863,23 francs

(38 396,30 euros) au titre des pertes d'exploitation, lesdites sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 février 1997, lesdits intérêts échus au 1er mars 2001 étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

3°) de condamner Voies navigables de France à lui verser la somme de 20 000 francs (3 048, 98 euros) en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Code C Classement CNIJ : 67-02-04-01-01

Elle soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, que rien ne permet d'affirmer que les fondations du bâtiment étaient insuffisantes en 1980, époque à laquelle il a été édifié ; qu'en outre, seuls doivent être pris en compte les effets prévisibles d'un projet, c'est à dire ceux qui doivent être raisonnablement envisagés ; que, dès lors, et à partir du moment où il n'était pas raisonnablement prévisible que le projet de mise à grand gabarit du canal allait impliquer la réalisation de travaux à proximité du hangar et que ces travaux provoqueraient un glissement du talus et un abaissement du niveau de l'eau, le jugement ne pourra qu'être censuré en ce qu'il a laissé à sa charge un quart des conséquences dommageables des désordres ; que, par ailleurs, l'abattement pour vétusté appliqué par les premiers juges n'avait pas de raison d'être, n'étant pas établi que les travaux de réparation préconisés par l'expert apporteront à l'ouvrage une quelconque amélioration ou une quelconque plus-value par rapport à ce qu'était son état en 1993 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 août 2001, présenté par Voies navigables de France, établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial, ayant principal établissement ..., représenté par son directeur juridique et financier ; il conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement en tant qu'il a laissé à la charge de la société requérante un quart des conséquences dommageables des désordres et à ce que ladite société soit déclarée responsable à hauteur de la moitié des dommages subis par l'immeuble ; il soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, qu'il ne fait aucun doute que l'immeuble connaissait avant le début des travaux un certain nombre de désordres déjà révélateurs de l'existence de vices affectant la construction ; que le sous-dimensionnement des fondations compte tenu de leurs caractéristiques a été mis en évidence lors de l'étude de sol conduite à la demande de l'expert ; que cette étude a également révélé des défaillances dans la collecte des eaux d'origine météorique le long des bâtiments, ce qui a entraîné une infiltration et une stagnation de ces eaux le long des fondations aggravant l'altération du sol d'assise ; que le hangar a été implanté à proximité immédiate de la voie d'eau et que, compte tenu de la mauvaise qualité du sol forcément connue à l'époque de la construction, une étude de sol aurait dû être réalisée, ce qui n'a pourtant pas été fait ; que la société requérante ne pouvait ignorer l'existence de l'opération envisagée de mise à grand gabarit de la Deûle, ladite opération ayant fait l'objet d'une inscription au schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la communauté urbaine de Lille approuvé le 23 mars 1973 ; que ladite société s'est, par ailleurs, montrée défaillante dans l'entretien des berges qui lui incombait ; que l'usage du hangar par la société et l'état du bâtiment avant les travaux justifient pleinement l'application d'un abattement pour vétusté ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2003, présenté pour Voies navigables de France, par Maître Sophie B..., avocat, membre de la société d'avocats Bécu et B... ; il conclut au mêmes fins que précédemment et, en outre, à la condamnation de la société coopérative Essor agricole à lui verser une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 juin 2003, présenté pour la société coopérative Essor agricole ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête ; elle soutient que le constat d'huissier auquel Voies navigables de France fait référence n'est pas de nature à permettre d'affirmer que l'immeuble connaissait, dès avant le début des travaux, des désordres révélateurs de vices de construction ; que l'état d'entretien tant de l'immeuble que de la propriété était, dans le même temps, satisfaisant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2003 où siégeaient

Mme Fraysse, président de chambre, Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur et

M. A..., premier-conseiller :

- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,

- les observations de Me X..., avocat, membre de la SCP Dutat-Lefèvre et associés, pour la société coopérative Essor agricole,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société coopérative Essor agricole forme appel du jugement en date du 20 décembre 2000 du tribunal administratif de Lille en tant, d'une part, qu'il a laissé à sa charge un quart des conséquences dommageables des désordres apparus sur la structure du hangar de stockage de céréales et d'engrais qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Quesnoy-sur-Deûle, en bordure du canal de la Deûle, à la suite des travaux entrepris par Voies navigables de France dans le cadre de la mise à grand gabarit de cette voie d'eau et, d'autre part, qu'il a réduit le montant de la réparation à elle accordée au titre des travaux de remise en état du bâtiment par application d'un abattement de 20 % pour vétusté ; que Voies navigables de France demande, par la voie de l'appel incident, qu'il soit laissé à la charge de la société coopérative Essor agricole la moitié des conséquences dommageables desdits désordres ;

Sur le partage des responsabilités :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise que les désordres apparus sur la structure du hangar trouvent leur cause exclusive dans les travaux

exécutés par Voies navigables de France sur le canal de la Deûle, lesquels ont eu pour effet d'abaisser le niveau de l'eau de 1,80 mètres entre décembre 1993 et avril 1994, entraînant ainsi une déstabilisation de la berge et des terrains sur lesquels est implanté le bâtiment ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que l'insuffisance des fondations, à la supposer établie, ait pu concourir à la survenance des dommages, ni que la société coopérative Essor agricole ait pu avoir, avant l'édification dudit hangar, une connaissance suffisante des travaux projetés par Voies navigables de France lui permettant de prendre des dispositions propres à se prémunir d'éventuels désordres sur ses installations ;

Sur l'abattement pour vétusté :

Considérant qu'il n'est pas établi que la somme de 732 761,70 francs (111 708,80 euros) correspondant à l'évaluation par l'expert du coût de la remise en état du bâtiment corresponde à d'autres travaux que ceux qui sont strictement nécessaires et que cette opération serait susceptible de faire bénéficier la société coopérative Essor agricole d'une quelconque plus-value ; qu'en l'espèce, l'amélioration de l'état dudit hangar ne justifie pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, un abattement de vétusté ; que, par suite, il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point et, compte tenu de ce qui précède, de porter la somme de 657 864,93 francs

(100 290,86 euros) que Voies navigables de France a été condamné à verser à la société coopérative Essor agricole par ledit jugement à la somme de 111 708,80 euros

(732 761,70 francs) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société coopérative Essor agricole est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a laissé à sa charge un quart des conséquences dommageables des désordres apparus sur la structure du hangar de stockage qu'elle exploite et a réduit le montant de la réparation à elle accordée au titre des travaux de remise en état du bâtiment par application d'un abattement de

20 % pour vétusté ; que, par contre, les conclusions incidentes présentées par Voies navigables de France ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la société coopérative Essor agricole a droit, ainsi qu'elle le demande, aux intérêts sur la somme de 111 708,80 euros à compter du 19 février 1997 ; qu'elle a demandé la capitalisation desdits intérêts dans sa requête d'appel, enregistrée au greffe de la Cour le

1er mars 2001 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, conformément aux principes dont s'inspire l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chacune des échéances annuelles à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que les dispositions précitées s'opposent à ce que la société coopérative Essor agricole qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Voies navigables de France la somme que cet établissement demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Voies navigables de France à verser à la société coopérative Essor agricole une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 657 864,93 francs que Voies navigables de France a été condamné à verser à la société coopérative Essor agricole par le jugement attaqué est portée à la somme de 111 708,80 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 février 1997. Les intérêts échus au 1er mars 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 20 décembre 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Les conclusions présentées par Voies navigables de France sont rejetées.

Article 4 : Voies navigables de France versera à la société coopérative Essor agricole une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société coopérative Essor agricole, à Voies navigables de France, ainsi qu'au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise au préfet de la région Nord - Pas-de-Calais, préfet du Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 1er juillet 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 22 juillet 2003.

Le rapporteur

P. Lemoyne de Forges

Le président de chambre

G. Y...

Le greffier

M.T. Z...

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les Voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

Marie-Thérèse Z...

N°01DA00228 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 01DA00228
Date de la décision : 22/07/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Fraysse
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SCP DUTAT LEFEVRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-07-22;01da00228 ?
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