Vu la requête, enregistrée le 9 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme , dont le siège social est ..., représentée par son président directeur général, par Me X..., avocat, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 97-3553 du tribunal administratif de Lille, en date du 18 mai 2000, qui a rejeté ses conclusions tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1994, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Code C+ Classement CNIJ : 19-04-01-02-04-04
19-04-02-01-04-04
La société anonyme fait valoir que la SNC , dont elle détient plus de 99% des parts sociales a, le 6 janvier 1993, facturé à la société SOFITEL des indemnités consécutives à la rupture par cette dernière d'un contrat de location de linge ; qu'eu égard au désaccord persistant sur le paiement de cette indemnité et à l'engagement fin 1993 d'une action judiciaire, cette créance pouvait être qualifiée de litigieuse et donner lieu à une provision pour la totalité de la somme réclamée à la société SOFITEL ; que la circonstance, qu'en 1994, des négociations ont permis d'obtenir un règlement amiable de ce litige est sans influence sur le bien-fondé de la provision en 1993 ; qu'ainsi que le rappelle la doctrine administrative exprimée dans la réponse ministérielle faite le 29 juillet 1996 à M. Y..., la SNC était tenue de facturer les pénalités pour rupture abusive du contrat ; qu'elle a exposé à deux reprises les oeuvres d'artistes vivants qu'elle a acquis ; qu'ainsi, les frais d'acquisition de ces oeuvres étaient déductibles, sur le fondement des dispositions de l'article 238 bis AB du code général des impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui demande à la Cour de rejeter la requête de la société anonyme ; il fait valoir que, eu égard aux négociations engagées en 1993 entre la société SOFITEL et la SNC , cette dernière pouvait raisonnablement espérer recouvrer en toute ou partie sa créance ; que, dans ces conditions, la provision pour créance litigieuse constituée à la fin de l'exercice 1993 n'était pas justifiée ; que le service n'ayant jamais contesté la facturation par la SNC des pénalités contractuelles à la société SOFITEL, le moyen afférent à la doctrine administrative est inopérant ; que la SNC n'a exposé que durant quelques mois seulement les oeuvres d'artistes vivants qu'elle a acquis ; que, par suite, elle n'était pas en droit de déduire de ses résultats les frais d'acquisition de ces oeuvres ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2001, par la société anonyme , qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2002, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2003 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Rebière, premier conseiller :
- le rapport de M. Rebière, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;
Sur la provision pour créance litigieuse :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment... : 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables... ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice, des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise ;
Considérant que, suivant l'avis de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, le service a réintégré dans les bénéfices imposables de la société anonyme au titre de l'année 1993 la somme de 610 925 francs correspondant à une partie de la provision pour créance litigieuse, d'un montant de 754 784 francs, constituée à la clôture de cet exercice par la société , dont elle détient plus de 99% du capital social ;
Considérant, d'une part, que la somme inscrite en provision par la société correspond à la quasi-totalité du montant des indemnités dues à ladite société par la société SOFITEL du fait de la résiliation le 9 novembre 1992 du contrat de location de linge, conclu le 12 janvier 1990 avec la société ; qu'en se bornant à se prévaloir de ce qu'elle avait engagé une action judiciaire en décembre 1993 à l'encontre de la société SOFITEL et que des négociations étaient en cours avec cette même société Sofitel, afin d'obtenir le recouvrement de l'indemnité due, la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la perte envisagée était appréciée avec une approximation suffisante à la clôture de l'exercice 1993 ;
Considérant, d'autre part, que la société ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la position exprimée par l'administration dans la réponse ministérielle, publiée au Journal officiel de la République française du 29 juillet 1996 sous le n° 36057 et relative à la facturation des intérêts de retard dès lors qu'elle ne contient aucune interprétation de la loi fiscale ;
Sur la déduction des dépenses d'acquisition d'oeuvres d'artistes vivants :
Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis AB du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : Les entreprises qui achètent, à compter du 1er juillet 1987, des oeuvres originales d'artistes vivants et les inscrivent à un compte d'actif immobilisé peuvent déduire du résultat de l'exercice d'acquisition et des dix-neuf années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d'acquisition... Pour bénéficier de la déduction prévue au premier alinéa, l'entreprise doit exposer au public le bien qu'elle a acquis. ;
Considérant, en premier lieu, que la société anonyme a exposé en 1989 et en 1991 dans une galerie d'art de Lille et dans un hôtel situé à Plombières (Vosges), pour une durée totale limitée à six mois, les oeuvres d'artistes vivants qu'elle a acquis ; que si la société requérante soutient que certaines oeuvres ont été exposées dans le hall d'accueil et les couloirs de son siège, accessibles aux visiteurs, le vérificateur a constaté que les oeuvres étaient placées dans les bureaux du personnel, notamment du président directeur général ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les oeuvres en cause ont été exposées de manière continue au public au cours des années pour lesquelles la société requérante sollicite le bénéfice de la déduction instituée par l'article 238 bis AB précité du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que la société anonyme entend se prévaloir de la doctrine exprimée dans l'instruction 4-C-288 du 26 février 1988, aux termes de laquelle les oeuvres peuvent être exposées dans les locaux de l'entreprise ouverts au public ; qu'il résulte cependant de ce qui précède que la société requérante ne rentre pas dans les prévisions de ladite doctrine durant la période pour laquelle elle se prévaut de la déduction précitée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, susvisé : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société anonyme la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la société anonyme est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société anonyme .
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 19 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 22 juillet 2003.
Le rapporteur
Signé : J.F. Z...
Le président de chambre
Signé : M. de Segonzac
Le greffier
Signé : P. Lequien
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
P. Lequien
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N°00DA00938