Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, dont le siège est situé 50, avenue de Bretagne à Rouen (76), représentée par son directeur en exercice, par Maître François Legendre, avocat ;
La caisse primaire d'assurance maladie de Rouen demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9802008 du 7 novembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) à lui verser, d'une part, la somme de 62 083,05 francs majorée des intérêts de droit à compter de la demande, correspondant au montant provisoire des prestations qu'elle a versées à son assuré social, M. Laurent X à la suite d'un accident de la circulation dont ce dernier a été victime le 13 janvier 1998 et, d'autre part, les sommes de 5 000 francs au titre de l'indemnité forfaitaire et 4 000 francs sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
2°) de déclarer la SAPN intégralement responsable des conséquences dommageables dudit accident ;
Code C Classement CNIJ : 67-03-01-01-035
67-02-03-02
3°) de condamner, en conséquence, la SAPN à lui verser la somme de 10 094,10 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, correspondant au coût du séjour hospitalier de M. X, ladite somme portant intérêts à compter du jour de la demande, ainsi que la somme de 762,25 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;
4°) de condamner la SAPN à lui verser, en outre, une somme de 762,25 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens ;
Elle soutient que, le 13 janvier 1998, M. Laurent X, un de ses assurés, a été victime d'un accident alors qu'il circulait à motocyclette sur l'autoroute A 13 en direction de Caen, au point kilométrique 134 ; que la chaussée se trouvait alors, à cet endroit, réduite à une voie en raison de travaux, la voie de droite étant neutralisée par des cônes en plastique ; que c'est l'un de ces cônes qui, se trouvant projeté sur la voie de circulation empruntée par M. Laurent X, est venu le percuter violemment, entraînant ainsi sa chute et les suites dommageables dont réparation est réclamée ; qu'il résulte de la déclaration de M. Philippe Y, témoin de l'accident, que lesdits cônes étaient déplacés par les effets conjugués du vent et du déplacement d'air occasionné par le passage des poids-lourds ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la preuve de l'entretien normal de la voie n'est pas apportée ; qu'en effet, la SAPN ne peut prétendre que ses équipes de sécurité exercent une surveillance permanente dans la mesure où, en réalité, il ne s'agit que de rondes fréquentes ; que la responsabilité de l'administration a été retenue dans des situations identiques au cas d'espèce, notamment pour n'avoir pas pris de mesures particulières pour pallier le danger de déplacement des cônes de Lübeck sur la voie de circulation en raison de l'effet conjugué du vent particulièrement fort et de la circulation des poids-lourds ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire rectificatif, enregistré le 12 février 2002, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, rectifiant toutefois la nature des prestations dont le remboursement est sollicité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 août 2002, présenté pour la société des autoroutes Paris Normandie, par Maître Pascal Trillat, avocat, membre du cabinet Hascoët
Trillat ; elle conclut à la confirmation du jugement attaqué au principal et au rejet de la requête, à la réformation dudit jugement en tant qu'il a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen à lui verser une somme de 1 524,49 euros sur ce même fondement ; elle soutient que la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, qui n'apporte aucun argument ni élément nouveau et probant par rapport à la procédure de première instance, se prévaut de moyens fallacieux et entend faire peser sur la SAPN une obligation impossible ; que la jurisprudence dont elle se prévaut n'est pas transposable au cas d'espèce ; que le procès verbal de gendarmerie relève que la zone de l'accident était une partie rectiligne et plate, qu'il faisait plein jour, que la visibilité était satisfaisante et que les circonstances atmosphériques étaient parfaitement normales, ce qui implique qu'aucun vent ne soufflait ; qu'il résulte du procès verbal d'audition de M. Y qu'une équipe d'entretien chargée d'assurer la surveillance permanente du dispositif de signalisation des travaux avait été envoyée sur place par ses soins, celle-ci étant à même de relever les cônes fortuitement déplacés ; que la surveillance conduite par la SAPN sur les lieux de l'accident était donc permanente et son intervention immédiate ; qu'il ressort d'une jurisprudence abondante que la SAPN n'engage pas sa responsabilité pour défaut d'entretien normal dans le contexte de l'espèce ; que la surveillance, assurée de façon permanente en l'espèce, était ainsi renforcée par rapport à ce que les juridictions admettent comme suffisant et constituant un entretien normal, à savoir une surveillance seulement régulière et intermittente ; que le jugement devra donc être purement et simplement confirmé ; qu'en revanche, la jurisprudence impose une attention et une vigilance particulières aux usagers de l'autoroute en cas de travaux, ceux-ci devant réduire spontanément leur vitesse et apporter une attention accrue aux conditions de circulation dans le but d'éviter les chocs et de maîtriser leur véhicule ; que, dans ce contexte, seul un défaut d'attention et de vigilance de la part de M. Laurent X est à l'origine de l'accident dont il a été victime ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2003 où siégeaient
Mme Fraysse, président de chambre, Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur et
M. Nowak, premier-conseiller :
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
- les observations de Maître Ménard, avocat, substituant Maître Trillat, avocat, pour la société des autoroutes Paris Normandie,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen interjette appel du jugement en date du 7 novembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à voir la société des autoroutes Paris Normandie déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime l'un de ses assurés, M. Laurent X et condamnée à lui rembourser les prestations servies à ce dernier à la suite dudit accident ; qu'elle réitère en appel sa demande de condamnation de la SAPN à lui rembourser ses débours ;
Sur la responsabilité de la société des autoroutes Paris Normandie :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident dont a été victime M. Laurent X alors qu'il circulait à motocyclette sur l'autoroute A 13 a été causé par un cône de signalisation en plastique qui avait été préalablement disposé sur les lieux de l'accident pour rétrécir la chaussée et interdire l'usage de la voie de droite en raison de travaux, et qui, après avoir été happé au passage par le poids-lourd que suivait M. Laurent X, a été projeté sur la motocyclette conduite par celui-ci, entraînant ainsi son déséquilibre puis sa chute ; que la SAPN, qui fait valoir sans être utilement contredite, qu'elle avait dépêché une équipe de surveillance sur les lieux avant l'accident, la présence d'un fourgon de la SAPN sur les lieux au moment de l'accident étant, par ailleurs, confirmée par le procès verbal de gendarmerie produit aux débats ainsi que par la déposition de M. Philippe Y, témoin de l'accident, doit être ainsi regardée comme apportant la preuve de l'entretien normal de la voie publique routière dont elle a la charge ; que, dans ces conditions, la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant au remboursement des prestations servies à la victime ainsi que celles tendant à ce que lui soit versée l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel devenu l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la SAPN, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges se soient livrés à une appréciation erronée des circonstances de l'espèce en rejetant ses conclusions tendant à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen à lui verser la somme qu'elle demandait au titre des dispositions précitées ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que la SAPN, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen à verser à la SAPN une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen est rejetée.
Article 2 : La caisse primaire d'assurance maladie de Rouen versera à la société des autoroutes Paris Normandie une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société des autoroutes Paris Normandie est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, à la société des autoroutes Paris Normandie, à M. Laurent X, ainsi qu'au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 3 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 17 juin 2003.
Le rapporteur
Signé :
P. Lemoyne de Forges
Le président de chambre
Signé : G. Fraysse
Le greffier
Signé : M.T. Lévèque
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
N°02DA00074 2