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11/07/2025 | FRANCE | N°23BX01462

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juillet 2025, 23BX01462


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Matoury a rejeté sa demande de versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020, d'enjoindre au maire de la commune de Matoury de lui verser l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020 et de mettre à la charge de la commune de Matoury la somme de 1 600 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Matoury a rejeté sa demande de versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020, d'enjoindre au maire de la commune de Matoury de lui verser l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020 et de mettre à la charge de la commune de Matoury la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100631 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2023 et 12 février 2025 (non communiqué), Mme B... A..., représentée par Me Bonfait, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Matoury a rejeté sa demande de versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Matoury de lui verser l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Matoury la somme de 1 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- les décisions de refus de lui verser l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020 au motif qu'elle est placée en congé de maladie professionnelle, méconnaissent les dispositions du 2ème alinéa de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et sont entachées d'une erreur de droit ;

- la délibération du conseil municipal de Matoury du 12 novembre 2019 n'exclut le versement de l'IFSE que pour les agents placés en congés de longue maladie, de longue durée et de grave maladie mais ne mentionne pas les agents placés en congé pour maladie professionnelle, qui ont donc droit à son maintien ;

- les congés pour maladie professionnelle doivent être assimilés aux congés de maladie faisant suite à un accident de service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2025, la commune de Matoury, représentée par Me Magali Robo-Cassilde, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carine Farault,

- et les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... exerce ses fonctions d'adjoint administratif principal de 2ème classe au service des ressources humaines de la commune de Matoury. Elle a été placée en congé de maladie professionnelle à compter du 16 avril 2019, par un arrêté du 26 novembre 2019. Par un courrier, reçu le 18 décembre 2019, elle a été informée qu'elle bénéficierait, à titre exceptionnel de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) pour le mois de décembre 2019 et que cette mesure prendrait fin à compter du 1er janvier 2020. Par un courrier du 22 septembre 2020, réceptionné le 24 septembre suivant, le conseil de Mme A... a sollicité de la commune le versement de l'IFSE rétroactivement à compter du 1er avril 2020 pour une période de six mois. Cette demande a été implicitement rejetée le 24 novembre 2020. Son conseil a présenté une seconde réclamation, par courrier du 6 avril 2021, réceptionné le 8 avril 2021 par la commune qui a été implicitement rejetée le 8 juin suivant, portant sur le versement de la commune à compter du 1er avril 2020. Mme A... relève appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites du 24 novembre 2020 et du 8 juin 2021 par lesquelles le maire de la commune de Matoury a rejeté sa demande de versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du mois d'avril 2020.

Sur la recevabilité des demandes présentées devant le tribunal administratif de la Guyane :

En ce qui concerne la décision du 24 novembre 2020 :

2. Aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par

l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...) ".

3. Selon l'article L. 112-2 du même code : " Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ". Cette sous-section comprend l'article L. 112-3, aux termes duquel : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ", ainsi que l'article L. 112-6 du même code, aux termes duquel : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite ".

4. Il résulte des dispositions rappelées aux points 2 et 3 ci-dessus qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics.

5. Il ressort des pièces du dossier que la demande du 22 septembre 2020 réceptionnée le 24 septembre 2020, par laquelle Mme A... a sollicité de la commune le versement de l'IFSE rétroactivement à compter du 1er avril 2020 pour une période de six mois, a été implicitement rejetée le 24 novembre 2020 en l'absence de réponse de la part de la commune. La circonstance que l'administration n'ait pas accusé réception de cette demande, n'a pas fait obstacle au déclenchement, à l'encontre de Mme A..., agent public, du délai de recours contentieux qui a ainsi expiré le 25 janvier 2021. A la date de présentation de sa requête, le 7 mai 2021, le délai de recours contentieux dont disposait Mme A... était ainsi expiré. Par suite, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 novembre 2020 est irrecevable.

En ce qui concerne la décision du 8 juin 2021 :

6. Un requérant n'est pas recevable à contester une décision de rejet, confirmative d'une décision de rejet devenue définitive. Une décision dont l'objet est le même que celui d'une décision antérieure revêt un caractère confirmatif dès lors que ne s'est produit entretemps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige. En cas d'intervention d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics.

7. Ainsi qu'il a été indiqué au point 5, la demande du 22 septembre 2020 par laquelle Mme A... a sollicité de la commune le versement de l'IFSE rétroactivement à compter du 1er avril 2020 pour une période de six mois, a été implicitement rejetée le 24 novembre 2020. La décision du 8 juin 2021 qui rejette les prétentions indemnitaires de Mme A... présentées le 8 avril 2021 constitue donc une décision purement confirmative de la décision du 24 novembre 2020, devenue définitive, en tant qu'elle concerne la période comprise entre le 1er avril et le 30 septembre 2020, et n'a pas eu pour effet de rouvrir un nouveau délai de recours contentieux. La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de la Guyane était, dans cette mesure, tardive, et par suite irrecevable. En revanche, il n'en va pas de même de sa demande en tant qu'elle concerne le versement de l'IFSE pour la période courant à compter du 1er octobre 2020.

Sur les conclusions d'annulation de la décision implicite du 8 juin 2021 :

8. Il résulte des dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et des articles 1er et 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour son application, qui permettent à une collectivité locale de mettre en place pour ses agents le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) institué par le décret du 20 mai 2014, qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat.

9. En l'espèce, par une délibération du 12 novembre 2019, le conseil municipal de la commune de Matoury a fixé les conditions d'attribution de l'IFSE ainsi que les modalités de maintien de cette indemnité pour les agents placés en congés de maladie. A cet égard, la délibération prévoit expressément qu'" en cas de congé de maladie ordinaire (y compris accident de service) : l'IFSE suivra le sort du traitement " et qu'elle ne sera pas versée lorsque l'agent est placé en congés de longue maladie, de longue durée ainsi que de grave maladie. Ainsi, la délibération n'exclut pas le maintien de l'IFSE pour un agent placé en congé de maladie professionnelle. Seuls les agents placés en congés de longue maladie, de longue durée ainsi que de grave maladie sont exclus du bénéfice de cette indemnité pendant la durée de ces congés.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 26 novembre 2019 par lequel Mme A... a été placée en congé de maladie professionnelle, ne mentionne pas de congé de longue maladie, de longue durée ni de grave maladie. Par suite, en application des dispositions de l'article 8 de la délibération du 12 novembre 2019, Mme A..., placée en congé de maladie ordinaire, peut prétendre au bénéfice de l'IFSE à compter du 1er octobre 2020, qui doit suivre le sort de son traitement.

11. Il suit de là que la décision de la commune de Matoury du 8 juin 2021 doit être annulée en tant qu'elle refuse à Mme A... le bénéfice de l'IFSE à compter du 1er octobre 2020.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir, que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande en tant qu'elle concerne l'octroi de l'IFSE à compter du 1er octobre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de la décision du 8 juin 2021 attaquée implique nécessairement, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sous réserve de l'absence de changements de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, que l'IFSE soit accordée à Mme A... à compter du 1er octobre 2020. Le versement de cette indemnité devra suivre le sort de son traitement conformément aux dispositions de la délibération du conseil municipal du 12 novembre 2019.

13. Il y a lieu d'enjoindre à la commune de Matoury de régulariser, dans cette mesure, la situation de Mme A... dans un délai de deux mois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Matoury demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Matoury une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la requérante au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 13 avril 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du 6 juin 2021, en tant que cette dernière a refusé à Mme A... l'octroi de l'IFSE à compter du 1er octobre 2020.

Article 2 : La décision de la commune de Matoury du 6 juin 2021, est annulée en tant qu'elle a refusé à Mme A... l'octroi de l'IFSE à compter du 1er octobre 2020.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Matoury de verser à Mme A... le versement de l'IFSE à compter du 1er octobre 2020, cette indemnité devant suivre le sort de son traitement.

Article 4 : La commune de Matoury versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Matoury.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :

M. Nicolas Normand, président

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.

La rapporteure,

Carine FaraultLe président,

Nicolas Normand

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01462
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. NORMAND
Rapporteur ?: Mme Carine FARAULT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : BONFAIT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;23bx01462 ?
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