La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2025 | FRANCE | N°23BX01188

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 11 juillet 2025, 23BX01188


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Maillot David Nicolas a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire de la commune de Saint-Paul sur sa demande du 30 janvier 2020, tendant à que la commune procède à des travaux d'enrochement de la plage au droit de la parcelle cadastrée section CZ 1099 et d'enjoindre à la commune de procéder à des travaux d'enrochement de la plage au droit de cette parcell

e, dans un délai d'un mois.



Par un jugement n° 2000451 du 30 mars 2023, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Maillot David Nicolas a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire de la commune de Saint-Paul sur sa demande du 30 janvier 2020, tendant à que la commune procède à des travaux d'enrochement de la plage au droit de la parcelle cadastrée section CZ 1099 et d'enjoindre à la commune de procéder à des travaux d'enrochement de la plage au droit de cette parcelle, dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2000451 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 20 septembre 2024, la société civile immobilière (SCI) Maillot David Nicolas, représentée par Me Prévost, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire de la commune de Saint-Paul sur sa demande du 30 janvier 2020, tendant à que la commune procède à des travaux d'enrochement de la plage au droit de la parcelle cadastrée section CZ 1099 ;

3°) d'enjoindre à la commune de procéder à des travaux d'enrochement de la plage au droit de la parcelle cadastrée section CZ 1099, dans un délai d'un mois ;

4°) à titre subsidiaire de désigner un expert ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire manque à ses obligations de procéder à la mise en sûreté de la parcelle, conformément à ses pouvoirs de police, dès lors qu'existe un danger pesant sur une propriété, en application de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriale ; la notion de " précautions convenables " est inopérante et infondée ;

- la démolition préconisée par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ne portait que sur le mur effondré et les recommandations visent à préserver le restaurant ;

- à supposer que le restaurant devrait être reconstruit, elle demeure propriétaire de la parcelle dont la protection est réclamée dans son ensemble ; cette parcelle n'empiète pas sur le domaine public maritime ;

- l'exposition de la parcelle cadastrée CZ n° 1099 à la houle, en l'absence d'ouvrages de protection qui ne peuvent que prendre place sur le domaine public maritime compte tenu de la configuration des lieux, constitue un danger grave ou imminent au sens de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; un arrêté de péril imminent a été pris en octobre 2010 à la suite de l'affaiblissement du mur du restaurant et de l'effondrement du mur adjacent du TCO ; la commune doit prendre des " précautions convenables " conformément à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, selon les recommandations des experts ; l'enrochement de la plage au droit de la parcelle apparaît être la seule mesure de nature à assurer sa protection ;

- l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais est inopérant dès lors qu'il n'a pas pour objectif de soustraire aux pouvoirs de police du maire la protection des propriétés privées qui seraient concernées par l'action des flots ; la commune a reconnu l'existence du risque grave et la nécessité de protéger les propriétés littorales ; elle a mis en œuvre les travaux demandés pour les autres propriétés ;

- une convention permet à la commune d'user des pouvoirs conférés à l'Etat en vue d'une bonne gestion du domaine public et de procéder à l'enrochement de la partie de la parcelle incorporée dans le domaine public maritime aux fins de sécuriser l'immeuble ;

- la commune crée une rupture d'égalité devant les charges publiques et commet un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2024, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Charrel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Maillot David Nicolas la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société Maillot David Nicolas ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Drevet, représentant la commune de Saint-Paul.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Maillot David Nicolas (SCI MDN) est propriétaire, depuis le 5 août 2004, d'une parcelle cadastrée CZ 1099, située 4 rue du Port à Saint-Gilles-les Bains, à proximité de la plage des Roches Noires (La Réunion). Le bien est donné en location à la société Oasis des Roches qui y exerce une activité de restauration. A la suite de fortes houles survenues aux mois de septembre et d'octobre 2010, le mur en moellons, soutenant la terrasse et sa charpente situées face à la mer, s'est effondré. Le maire de la commune de Saint-Paul a, par un arrêté en date du 20 septembre 2010, interdit l'accès et l'usage de la terrasse du bar-restaurant et, par un arrêté du 31 décembre 2010, pris un arrêté de péril. La société MDN a présenté, le 26 octobre 2010, une déclaration de travaux en vue d'une reconstruction du mur de soutènement, à laquelle l'administration s'est opposée après avoir relevé que la société ne disposait pas d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime. La déclaration préalable, par laquelle la société MDN a indiqué vouloir procéder à la réfection de la terrasse, la pose de gardes corps et l'aménagement d'un accès pour les personnes à mobilité réduite, a été rejetée le 19 septembre 2017 sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Le 30 janvier 2020, la société MDN a demandé au maire de la commune de procéder aux travaux d'enrochement sur la plage des Roches Noires au droit de sa parcelle. A la suite du refus implicite de la collectivité de procéder à ces travaux, la société MDN a saisi le tribunal administratif de La Réunion, lequel a rejeté sa demande par jugement du 30 mars 2023. La société relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. /Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. " et aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...)/ 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise réalisé le 20 octobre 2010, en exécution de l'ordonnance du tribunal administratif de La Réunion du 11 octobre 2010, que l'effondrement partiel du mur en maçonnerie côté sud jouxtant la parcelle voisine et l'effondrement total du mur de soutènement et de la terrasse côté sud-ouest ayant entraîné un arrachement ponctuel de la charpente bois et le déchaussement à l'angle nord de la partie inférieure du mur de soutènement de la terrasse en façade côté mer, ont pour cause principale les " actions agressives et érosives de la mer " et qu'après la démolition et l'évacuation des gravats, le terrain doit être conforté par un enrochement percolé au béton cyclopéen, réalisé sur toute la longueur de l'ancienne terrasse du restaurant et en mitoyenneté côté sud, ces mesures conditionnant la sécurité de l'immeuble situé à l'arrière du restaurant. Le 8 février 2012, l'expert, saisi par ordonnance du tribunal administratif de La Réunion du 14 octobre 2011, retient qu'outre les actions agressives et érosives de la mer, les désordres concernant le mur de la SCI MDM, " trouvent principalement leur origine dans l'effondrement généralisé du mur de soutènement de la propriété voisine appartenant au Territoire de la Côte Ouest (TCO) " et renvoie aux rapports du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) d'août et de septembre 2010. Selon ces rapports, le secteur de la plage des Roches Noires, située sur la trajectoire des houles cycloniques, est une des zones les plus sujettes à l'érosion côtière avec un recul important, causée en partie par les jetées du port, qui bloquent les apports de la dérive littorale en provenance du sud. " Les murs de soutènement verticaux qui bordent la plage ont aussi un impact négatif sur la dynamique sédimentaire dans la mesure où la houle en se réfléchissant sur l'ouvrage conduit à favoriser l'effet d'érosion ". Toute la parcelle du TCO, ainsi que le restaurant, sont en zone d'aléa fort, très exposés aux phénomènes d'érosion côtière. Comme l'expert, le BRGM impute l'effondrement du mur au fait prépondérant des actions érosives de la mer, lequel a été précipité par celui de l'extrémité du mur de soutènement qui longe la parcelle du TCO.

4. Il est constant que le maire, après avoir eu connaissance du risque imminent d'écroulement du mur de soutènement prolongeant la terrasse du restaurant l'Oasis des Roches au mois d'août 2010, a décidé de neutraliser la bande de plage au pied de l'ouvrage et sollicité le lendemain l'expertise du BRGM. A la suite des fortes houles du 19 septembre 2010, le mur situé en contrebas du terrain s'est effondré, entraînant l'effondrement partiel de la terrasse de ce restaurant. Par arrêté du 20 septembre 2010, le maire de Saint-Paul a interdit l'accès à cette zone. Puis, il a introduit une procédure de péril imminent à l'encontre de la SCI Maillot David Nicolas le 5 octobre 2010 et pris un arrêté de péril imminent le 31 décembre 2010. La commune soutient sans être contestée sur ce point que depuis, elle procède régulièrement au retrait sur la plage des blocs de pierre, lesquels constituent un risque pour la sécurité des usagers, ainsi que, plusieurs fois par an, à des opérations d'ensablement pour maintenir la plage et contenir, autant que faire se peut, le recul du trait de côte. Il ressort également des pièces du dossier que la collectivité a entamé une réflexion globale sur le secteur balnéaire plage des Roches Noires-ravine Saint-Gilles-port de Saint-Gilles pour conforter les usages du site. Le maire de la commune de Saint-Paul a ainsi prescrit les mesures adaptées pour assurer la sécurité des personnes compte tenu des risques présentés. Alors que le BRGM a conclu, dès le 20 septembre 2010, qu'à long terme, la carte d'aléa démontre que toute la première rangée des constructions en front de mer dans l'îlot urbanisé au niveau de la plage des Roches Noires est exposée à des risques importants d'érosion littorale en l'absence de mesures de protection adaptées et que l'aménagement global de la zone est très menacée par le recul de la plage, l'opération de reconstruction d'un mur de soutènement à l'aplomb de la terrasse, évaluée par l'expert en 2012 à plus de 250 000 euros hors taxes pour permettre la reconstruction à l'identique de la terrasse du restaurant, dont l'efficacité ne peut pas être garantie, excéderait, par son coût et son ampleur, les " précautions convenables " au sens de l'article L. 2212-2 précité du code général des collectivités territoriales que le maire est habilité à prendre pour prévenir les accidents naturels. Dans ces conditions, et alors qu'il incombe, ainsi que la commune le soutient, en vertu de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807, aux propriétaires riverains de la mer d'assurer la protection de leurs propriétés contre celle-ci, le maire de Saint-Paul, en refusant de faire réaliser les travaux sollicités, n'a pas méconnu l'étendue des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions précitées des articles L. 2212-1 et suivant du code général des collectivités territoriales.

5. La société MDM ne peut utilement se prévaloir de la circonstance selon laquelle, en refusant de procéder aux travaux d'enrochement au droit de sa parcelle, la commune l'empêcherait de procéder aux travaux de remise en état de son immeuble en surplomb, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la terrasse existante était implantée sur le domaine public maritime, dans la limite basse des 50 pas géométriques, et que la société appelante ne dispose pas d'autorisation d'occupation temporaire, laquelle dépend des services de l'Etat, la convention de gestion du domaine public maritime accordée par l'Etat à la commune ne couvrant pas les ouvrages de défense contre la mer.

6. Si la société appelante soutient, comme elle l'a fait en première instance et sans faire valoir d'éléments nouveaux devant la cour, que la commune a procédé aux travaux d'enrochement sur la parcelle voisine de la sienne, en méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques et que le refus opposé à sa demande aurait été pris dans le seul but de lui nuire personnellement et serait entaché d'un détournement de pouvoir, il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 7 et 8 de leur jugement, d'écarter ces moyens.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise, que la société MDM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Saint-Paul a refusé de procéder à des travaux d'enrochement de la plage au droit de la parcelle cadastrée section CZ 1099.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'appelante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société MDM ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Paul, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société MDM au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MDM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Paul et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Maillot David Nicolas est rejetée.

Article 2 : La société Maillot David Nicolas versera à la commune de Saint-Paul la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Maillot David Nicolas et au maire de la commune de Saint-Paul.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2025.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01188
Date de la décision : 11/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : CHICAUD & PREVOST - OCEAN INDIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-11;23bx01188 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award