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10/07/2025 | FRANCE | N°24BX03038

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 10 juillet 2025, 24BX03038


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2301422 du 19 septembre 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.



Procédu

re devant la cour administrative d'appel :



Par une requête enregistrée le 19 décembre 2024, Mme C...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2301422 du 19 septembre 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2024, Mme C..., représentée par Me Elmacin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe

du 19 septembre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 4 juillet 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement des dispositions des articles L.423-1 et L.423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou à défaut sur le fondement des dispositions de l'article L.435-1 du même code, dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors que le préfet ne mentionne pas les violences conjugales qu'elle a subies, alors qu'il aurait dû rechercher l'origine de la rupture de la communauté de vie avec son époux, qu'il mentionne ;

- il méconnaît les dispositions des articles L.423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la rupture de la communauté de vie avec son époux résulte des violences conjugales qu'elle a subies, et que les faits pour lesquels elle a été condamnée, quand bien même la légitime défense n'a pas été reconnue, ne sont pas de nature à eux seuls à démontrer que sa présence sur le territoire français constituerait une menace actuelle et suffisamment grave à l'ordre public ;

- il méconnaît également les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa situation ;

- il porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle réside régulièrement sur le territoire depuis 2016, maîtrise parfaitement la langue française et bénéficie d'une promesse d'embauche.

Par lettre du 19 juin 2025, les parties ont été informées, sur le fondement de

l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la solution du litige pouvait relever de moyens soulevés d'office ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Girault, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante dominicaine née le 2 août 1996, est entrée sur le territoire français le 27 février 2016 sous couvert d'un visa long séjour, après avoir épousé à Saint Domingue en 2015 un ressortissant français né le 11 mars 1969. Le 14 avril 2023, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-1

et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté

du 4 juillet 2023, le préfet de la Guadeloupe a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement

du 19 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ne ressort pas de la requête introductive d'instance de

Mme C..., enregistrée le 21 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe, que des moyens de légalité externe auraient été soulevés à l'encontre de l'arrêté. Si le 5 septembre 2024, Mme C... a produit un mémoire ampliatif dans lequel elle soulevait le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté, il ressort toutefois de l'examen du dossier de première instance que par une ordonnance du 13 juin 2024, la clôture de l'instruction de cette affaire avait été fixée au 4 juillet 2024, de sorte que ce moyen ne pouvaitêtre pris en compte par le tribunal. Dès lors, le moyen de légalité externe, nouvellement soulevé en appel, relève d'une cause juridique distincte de ceux qui avaient été utilement présentés devant le tribunal, et ne peut qu'être rejeté comme irrecevable.

3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies :1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage (...) ". L'article L. 423-5 du même code dispose que : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie /. En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ".

4. Si Mme C... soutient " qu'il ne fait aucun doute que la rupture de la communauté de vie " avec son conjoint résulte des violences conjugales qu'elle aurait subies, elle n'apporte au soutien de ses allégations aucune pièce établissant que son mari aurait été condamné pour de tels faits. Dans ces conditions, elle ne saurait reprocher au préfet, qui a retenu l'absence de communauté de vie et l'existence d'une procédure de divorce en cours, de n'avoir pas pris en compte les violences qu'elle aurait subies, et aucune méconnaissance des dispositions précitées n'est établie.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français comparées à celles dont il dispose dans son pays d'origine, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.

6. Mme C... soutient nouvellement en appel que l'arrêté préfectoral porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de ces stipulations. Elle fait valoir qu'elle réside régulièrement sur le territoire depuis 2016, maîtrise parfaitement la langue française et bénéficie d'une promesse d'embauche. Toutefois, il ressort des éléments du dossier que, si la requérante est entrée en France en 2016, elle n'est plus en mesure de justifier d'une communauté de vie avec son conjoint de nationalité française, qui est incarcéré, qu'elle vit chez une amie et qu'une procédure de divorce est en cours. Il ressort également du dossier que la requérante a été condamnée le 17 janvier 2022 par le tribunal correctionnel de Basse-Terre à six mois d'emprisonnement avec interdiction de détenir et porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans, pour des faits de violence sur conjoint avec usage ou menace d'une arme suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours. Par ailleurs, si Mme C... se prévaut d'une promesse d'embauche, celle-ci porte sur un contrat à durée déterminée de trente heures hebdomadaires, dont la durée n'est pas précisée, et elle ne produit aucun autre document venant établir son insertion professionnelle durant ses années de présence sur le territoire. En outre, la requérante ne justifie pas qu'elle aurait tissé des liens d'une particulière intensité et stabilité sur le territoire français, alors qu'elle n'est pas isolée en République Dominicaine où résident sa fille, sa mère, sa sœur ainsi que son frère. Dès lors, eu égard aux conditions de séjour sur le territoire de l'intéressée, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'il poursuit, et le préfet de la Guadeloupe n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, en reprenant dans des termes similaires ses autres moyens de première instance visés ci-dessus, sans critique utile du jugement, Mme C... n'apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges, qui y ont pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de la Guadeloupe.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...)/ 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) "

9. Il résulte des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, éclairées par les travaux préparatoires des lois du 16 juin 2011 et du 7 mars 2016 dont elles sont issues, que le législateur a entendu, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, permettre à l'autorité administrative de prendre, sur ce fondement, une obligation de quitter le territoire français à l'encontre des étrangers qui résident en France, régulièrement, depuis moins de trois mois, si leur comportement constitue une menace à l'ordre public.

10. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a fondé la mesure d'éloignement sur le 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que le comportement de Mme C..., qui a été condamnée par un jugement du 17 janvier 2022 à une peine de six mois d'emprisonnement avec interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans pour des faits de violence sur conjoint avec usage ou menace d'une arme suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours, constitue une menace pour l'ordre public. Toutefois, d'une part, il est constant que

Mme C... est entrée en France en 2016 alors qu'elle détenait un visa long séjour, et qu'elle a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle délivrée le 23 février 2017, renouvelée en 2019 et valable jusqu'au 22 février 2021. D'autre part, il n'est pas contesté qu'elle réside régulièrement sur le territoire français depuis son entrée. Ainsi, eu égard à la date de son entrée et aux conditions de son séjour en France, Mme C... n'entrait pas dans le champ des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, l'intéressée s'est vue refuser le renouvellement de son titre de séjour, et la décision litigieuse trouve son fondement légal dans les dispositions précitées du 3° du même article. Le préfet bénéficiant sur ce fondement de pouvoirs qui ne sont pas moindres, et la substitution de fondement ne privant Mme C..., qui a été invitée à présenter ses observations, d'aucune garantie, il y a lieu de procéder d'office à la substitution de base légale.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2023. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Mme C... étant partie perdante dans la présente instance, les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025

La présidente-assesseure,

Sabrina Ladoire

La présidente, rapporteure

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

Pour le greffier d'audience décédé

La greffière de chambre

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX03038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX03038
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : ELMACIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24bx03038 ?
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