Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... C... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de Mayotte lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.
Par une ordonnance n° 2401268 du 21 août 2024, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande comme étant manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 septembre 2024, 12 novembre 2024, 19 mars 2025 et 21 mai 2025 ainsi qu'un mémoire enregistré le 22 juin 2025 qui n'a pas été communiqué, M. A... C..., représenté par Me Nauche, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 21 août 2024 du tribunal administratif de Mayotte ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 du préfet de Mayotte ;
3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " parent d'enfant français ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'ordonnance du 21 aout 2024 est irrégulière dès lors que le recours n'était pas tardif, en l'absence de notification de l'arrêté attaqué ;
- il n'est pas établi que l'arrêté attaqué ait été pris par une autorité compétente ;
- cet arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mai 2025, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête de première instance était irrecevable dès lors que la demande de titre de séjour a été faite en méconnaissance de la règle de la comparution personnelle ;
- le moyen tiré de l'incompétence est infondé.
M. A... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant comorien né le 31 décembre 1991, a sollicité en janvier 2017 un titre de séjour au titre de ses liens personnels et familiaux en France. Par un arrêté du 19 juillet 2017, le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. En janvier 2022, l'intéressé a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 février 2022, le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. M. A... C... relève appel de l'ordonnance du 21 août 2022 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté par application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
3. Par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande de M. A... C... au motif que le délai de recours contentieux de deux mois était expiré à la date de la réception de sa requête, le 9 juillet 2024, en relevant qu'il avait reçu notification de l'arrêté litigieux " en 2022 ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 16 février 2022 ait été notifié à l'intéressé. Par suite, M. A... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal s'est fondé sur les dispositions précitées des articles R. 421-1 et R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter comme manifestement irrecevable la demande dont il était saisi. Par suite, cette ordonnance doit être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Mayotte.
Sur la demande d'annulation de l'arrêté du 16 février 2022 :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
5. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'arrêté préfectoral n° 2021-SG-DIIC-2108 du 2 décembre 20214, publié au recueil des actes administratifs n° 504 du 8 décembre 2021 accessible sur internet, que M. D... B..., directeur adjoint de l'immigration, de l'intégration et de la citoyenneté, a reçu délégation à l'effet notamment de signer les arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter avec délai le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
6. En second lieu, l'arrêté attaqué vise les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, indique la date d'arrivée en France de l'intéressé et rappelle les éléments déterminants de son parcours depuis son arrivée. Il précise en outre que M. A... C... ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour et fait référence de manière précise et circonstanciée à sa situation personnelle, notamment la naissance de son enfant née en juin 2020 et l'existence de la précédente décision d'obligation de quitter le territoire français prise à son égard en 2017. Il résulte de cette motivation, suffisante, que le préfet de Mayotte a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A... C.... La circonstance que le préfet vise à tort l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est à cet égard sans incidence. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'absence d'examen sérieux de la situation de l'intéressé doivent être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et l'éducation des enfants à proportion des ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, l'étranger qui se prévaut de cette qualité, doit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... est père d'un enfant français né le 4 juin 2020 de son union avec Mme E.... Si M. A... C... produit plusieurs factures attestant d'achats alimentaires sur une période allant d'avril 2022 à septembre 2024, postérieure à la décision attaquée, elles ne permettent pas de démontrer qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la décision attaquée. Il ne justifie pas davantage qu'il résidait avec cet enfant à la date de la décision attaquée en produisant une attestation d'hébergement signée le 2 juillet 2024 et deux certificats de scolarité concernant les années scolaires 2023-2024 et 2024-2025. Dans ces conditions, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Mayotte a méconnu les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Si M. A... C... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France, qu'il fait remonter à 2017 mais qui n'est pas établie pour chaque année depuis lors, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire en dépit d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par le préfet de Mayotte le 19 juillet 2017. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, il ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant et n'établit pas non plus qu'il aurait maintenu des liens avec elle. Enfin, il est célibataire et, si son père séjournait sur le territoire national à la date de l'arrêté litigieux, il n'établit pas qu'il serait isolé dans son pays d'origine, qu'il a quitté à l'âge de 26 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect à la vie privée et familiale, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Pour contester la décision attaquée, M. A... C... fait valoir que cette dernière porte une atteinte grave à l'intérêt supérieur de son enfant dès lors qu'il contribue effectivement à son entretien et leur éducation. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 11, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
14. Dès lors que les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sont écartés, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
15. En deuxième lieu, la circonstance que l'article 3 de l'arrêté litigieux, entaché d'une erreur matérielle, mentionne l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme fondement de la mesure d'éloignement, en lieu et place de l'article L. 611-1 de ce code, n'entache pas cette décision d'un défaut de base légale ou d'une erreur de droit, alors au demeurant que ce dernier article est par ailleurs visé, et plus particulière son 3°.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 12, les moyens tirés de ce que le préfet de Mayotte a méconnu les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, les moyens tirés de ce que le préfet de Mayotte a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de M. A... C... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
19. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le requérant n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, M. A... C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de Mayotte lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2401268 du 21 août 2024 du tribunal administratif de Mayotte est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Mayotte est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera donnée pour information au préfet de Mayotte.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente assesseure,
M. Vincent Bureau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02239