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10/07/2025 | FRANCE | N°23BX02227

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 10 juillet 2025, 23BX02227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal de la Guadeloupe d'annuler la décision du 18 mars 2022 par laquelle la rectrice de l'académie de la Guadeloupe a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 mars 2021.



Par un jugement n° 2200517 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 8 août 2023, Mme A

... B..., représentée par Me Daninthe, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal de la Guadeloupe d'annuler la décision du 18 mars 2022 par laquelle la rectrice de l'académie de la Guadeloupe a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 mars 2021.

Par un jugement n° 2200517 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2023, Mme A... B..., représentée par Me Daninthe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 6 juin 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 18 mars 2022 par laquelle la rectrice de l'académie de la Guadeloupe a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le

9 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de la Guadeloupe de requalifier ses arrêts de travail du 10 mars au 9 mai 2021 en accident de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 18 mars 2022 méconnaît le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle n'a pas eu accès à son dossier malgré sa demande et que sa demande de renvoi de la réunion de la commission de réforme à une date ultérieure n'a pas été prise en compte ;

- elle méconnait l'article 19 du décret n° 86- 442 du 14 mars 1986, dès lors que le courrier de convocation à la réunion de la commission de réforme ne lui a été communiqué que peu de jours avant ladite réunion, ce qui a porté atteinte à sa possibilité de faire valoir ses droits, et que ce courrier ne comportait pas l'indication qu'elle disposait de la possibilité de présenter des observations écrites et de fournir des certificats médicaux, ni qu'elle pouvait se faire accompagner d'une personne de son choix ou de demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'imputabilité au service de l'accident déclaré, dès lors que les deux médecins experts sollicités par le rectorat de l'académie de Guadeloupe ont relevé que le malaise survenu le 9 mars 2021 était bien un accident imputable au service pour la période comprise entre les 9 et 12 mars 2021 et qu'il ne peut être affirmé que les conséquences de cet accident n'aurait pas perduré au-delà du

12 mars 2021 ; si elle a subi, le 25 octobre 2016, un double pontage coronarien, son état était stationnaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2025, la rectrice de l'académie de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- et les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., qui exerce les fonctions de professeure des écoles sur le territoire de la commune du Gosier, a été affectée, à l'issue d'un congé de longue durée, sur un poste adapté à mi-temps au titre de la période allant du 1er septembre 2020 au 31 août 2021. Elle a été victime, le 9 mars 2021, d'un malaise ayant justifié son hospitalisation du 9 au

12 mars 2021 et a été placée en arrêt de travail du 10 mars 2021 au 9 mai 2022. Par un avis du

24 février 2022, la commission de réforme a donné un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. A la suite de cet avis, la demande de Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident a été rejetée par une décision de la rectrice de l'académie de la Guadeloupe en date du 18 mars 2022. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 6 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables aux avis de la commission de réforme, qui revêt le caractère d'une commission administrative et ne peut être regardée comme un tribunal au sens de ces stipulations. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant la commission de réforme, appelée à se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime Mme B..., méconnaitrait ces stipulations ne peut qu'être écarté comme inopérant.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, en vigueur à la date de la séance de la commission de réforme du 24 février 2022 : " (...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / (...) Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / -de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. / (...) ".

4. Si Mme B... soutient qu'elle a été destinataire d'une convocation à la séance de la commission de réforme, datée du 3 février 2022, ne satisfaisant pas aux prescriptions posées par les dispositions précitées de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a également été destinataire d'une autre convocation, datée du 10 février 2022, envoyée par courrier à son domicile. Cette convocation l'informait que la commission de réforme allait se réunir le 24 février 2022, qu'elle avait la possibilité de consulter son dossier sur demande écrite, de présenter des observations écrites et de fournir des certificats médicaux, ainsi que de se faire entendre par la commission de réforme, de se faire représenter par un médecin ou par une personne de son choix. A supposer même que Mme B... n'ait reçu ce courrier de convocation que peu de jours avant la date de la réunion, elle ne conteste pas avoir été destinataire, plus de huit jours avant cette réunion, du courriel qui lui a été envoyé par le rectorat de l'académie de la Guadeloupe le 10 février 2022 à 10 heures 57, ayant pour objet la " date de présentation " à la commission de réforme et lui transférant le courrier de convocation du même jour dont il lui était précisé que l'original lui parviendrait par voie postale. Ce courrier de convocation du 10 février 2022 contenant l'ensemble des informations exigées par les dispositions citées au point 3, Mme B... n'a, en conséquence, été privée d'aucune garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article

19 du décret du 14 mars 1986 doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique, en vigueur depuis le 1er mars 2022 : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. En outre, est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Toutefois, s'agissant des malaises, accidents cardiaques ou vasculaires cérébraux qui sont au nombre de ces circonstances particulières, il y a lieu, par exception, de rechercher s'il existe un lien direct entre cet accident et les conditions d'exécution du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

7. Il ressort des pièces du dossier que le 9 mars 2021, Mme B..., alors qu'elle retournait à son domicile après sa matinée de travail, a ressenti des douleurs thoraciques la contraignant à s'arrêter sur le bord de la route, puis, arrivée à son domicile, a fait un nouveau malaise, qui a conduit à son hospitalisation jusqu'au 12 mars 2021. Elle soutient que cet accident, à raison duquel elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 9 mai 2022, est imputable au service. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et en particulier de l'avis d'arrêt de travail du 10 mars 2021, que si le malaise en cause peut être regardé comme un accident de trajet, il est lié, selon le praticien consulté, à un " syndrome coronarien aigu avec lésions coronariennes retrouvées à la coronographie chez une patiente coronarienne connue ". Plus précisément, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du compte-rendu d'hospitalisation du 16 novembre 2016 et des certificats médicaux postérieurs, que l'intéressée, qui a subi un double pontage coronarien le, 25 octobre 2016 à raison d'une cardiopathie ischémique, est traitée depuis lors pour cette pathologie cardiaque majeure. Si la requérante soutient avoir participé le matin de son accident à une réunion de travail particulièrement éprouvante avec la cellule de suivi de poste adapté en présence de l'inspecteur de l'éducation nationale et de deux conseillères ressources humaines à l'issue de laquelle elle serait partie en sanglotant et en ressentant des douleurs à la poitrine de plus en plus virulentes, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations, tels que des témoignages de personnes ayant participé à la réunion ou l'ayant vu quitter celle-ci, de nature à établir que cette réunion aurait pu être la cause d'un état de stress important provocateur d'un trouble du rythme cardiaque et ainsi que le malaise dont elle a fait l'objet trouverait son origine dans les conditions d'exécution du service. Par suite, et quand bien même le rapport de l'expertise médicale diligentée par l'administration conclut, au demeurant sans aucune motivation, à une imputabilité de l'accident au service pour la période du 10 au

12 mars 2021, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation, compte tenu des antécédents médicaux de Mme B..., que l'administration a refusé de faire droit à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

Béatrice Molina-AndréoLa présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02227
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : DANINTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;23bx02227 ?
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