Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision conjointe des directeurs des centres hospitaliers de Pau et de Bigorre du 18 décembre 2020 portant constitution, entre ces deux établissements, d'une fédération médicale interhospitalière de médecine nucléaire, ainsi que toute décision se rattachant à l'établissement, à la conclusion ou à l'exécution de cette décision.
Par un jugement n° 2101413 du 20 avril 2023, le tribunal a annulé cette décision à compter du 30 juillet 2023.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 juin 2023, le 20 septembre 2024 et le 7 mars 2025, M. B..., représenté par Me Vacarie, demande à la cour de réformer ce jugement en ce qu'il a annulé la décision du 18 décembre 2020 avec un effet différé au
30 juillet 2023.
Il soutient que :
- la convention du 18 décembre 2020 doit être annulée pour des motifs de forme, ayant été établie et signée dans des conditions irrégulières, en l'absence de consultation préalable des comités techniques d'établissement des établissements concernés ;
- dans l'intérêt des patients, l'annulation prononcée aurait dû prendre effet immédiatement ; le centre hospitalier aurait ainsi retrouvé son autonomie, ce qui aurait permis de rapatrier sur le site de Tarbes les patients des Hautes-Pyrénées et du Gers jusque-là contraints de se rendre à Pau pour recevoir leurs soins ; une telle annulation immédiate n'aurait eu aucune conséquence négative pour le centre hospitalier ; il y a lieu de prononcer l'annulation à la date du jugement ou à tout le mois après un délai de deux mois ;
- les autres moyens soulevés en première instance étaient également fondés ; le centre hospitalier n'a pas recueilli son accord avant la signature de la convention, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 6135-1 du code de la santé publique, alors qu'il lui appartenait de le faire au regard de sa qualité de chef de service de médecine nucléaire, qu'il justifie ;
- la convention du 18 décembre 2020 est entachée d'illégalité en ce qu'elle a entraîné d'importantes difficultés de prise en charge au sein des urgences, une fermeture de fait du service en l'absence du praticien, et une gestion irrationnelle du personnel médical ; ces dysfonctionnements ont été mis en évidence par le rapport des experts de la " Mission d'appui pour la période intermédiaire 2023-2025 ", diligentée par le directeur de l'Agence régionale de santé, qui a préconisé un retour à la situation antérieure, permettant de générer de l'activité et des recettes pour le CH de Bigorre.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2024, le centre hospitalier de Bigorre et le centre hospitalier de Pau, représentés par Me Lesné, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête de M. B... est irrecevable ; les décisions attaquées ne sont pas produites ; sa demande de première instance est tardive, dès lors qu'il n'a contesté devant le tribunal la convention du 18 décembre 2020 que le 1er juin 2021 et qu'au demeurant, cette décision est confirmative de l'accord-cadre du 30 janvier 2020, lequel constitue la décision susceptible de recours contentieux ; le requérant, qui n'était plus chef de structure interne au
CH de Bigorre, est dépourvu d'intérêt pour agir ; sa requête introductive d'instance était dépourvue de moyens de droit ;
- le moyen tiré du défaut de consultation de la CME et du CTE n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; en tout état de cause, le projet a été discuté avec la communauté médicale des deux centres hospitaliers, les instances consultatives ont été informées et consultées ; en outre, cette irrégularité ne serait pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise dès lors qu'un débat a bien eu lieu au sein des instances consultatives ;
- M. B... a bien été chef de service jusqu'au 15 février 2018, mais n'a jamais été reconduit dans ces fonctions après cette date ; aucune décision de renouvellement ne figure au dossier, aucune indemnité de fonction n'a été versée, et l'organigramme officiel ne le mentionne pas comme chef de service, alors qu'il était le seul médecin à exercer dans cette spécialité au CH de Bigorre ; au CH de Pau, Mme C..., qui était la seule responsable de structure interne concernée, a bien donné son accord exprès ;
- le requérant n'apporte aucun élément probant dans le délai contentieux établissant que la convention de FMIH aurait eu un impact négatif sur le service de médecine nucléaire du centre hospitalier de Bigorre ; le seul rapport invoqué, émanant de consultants privés, se borne à une analyse confuse mêlant FMIH et GCS TEP ; la comparaison de l'activité du centre hospitalier entre 2019 et 2021 établissant une baisse de 905 examens n'est pas la conséquence de la mise en place de la FMIH mais de la fermeture du service pour remise aux normes imposée par l'ASN ;
- en tout état de cause, la FMIH a permis de maintenir l'activité de médecine nucléaire au centre hospitalier de Bigorre, qui ne pouvait fonctionner avec un seul médecin ; depuis sa mise en place, l'activité du service, notamment en scintigraphie thyroïdienne et des parathyroïdes, a significativement progressé ; la convention de FMIH prévoit une organisation des absences, assurant la continuité du service grâce à l'intervention des praticiens du CH de Pau ; la FMIH a permis de couvrir intégralement l'activité du CH de Tarbes dans le cadre du GCS TEP SCAN, générant des marges bénéficiaires importantes pour l'établissement et elle a renforcé la position du CH de Bigorre dans le domaine de la médecine nucléaire ;
- l'effet différé de l'annulation prononcée par le jugement attaqué se justifie pleinement au regard de l'intérêt général et des conséquences excessives qu'aurait entraînées une annulation rétroactive de la décision du 18 décembre 2020, laquelle aurait compromis la continuité des soins à Tarbes, sans bénéfice pour Pau ; la convention FIMH a permis d'organiser juridiquement les interventions croisées des médecins entre les CH de Pau et de Bigorre, sécurisant à la fois les actes médicaux, les rémunérations et la continuité des soins, dans un contexte tendu, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi RIST ; une nouvelle convention, régularisée, a été signée après consultation des instances en mai et juin 2023.
Par une ordonnance du 10 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 14 avril 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Rives,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,
- les observations de Me Vacarie, représentant M. B..., en présence de celui-ci.
Considérant ce qui suit :
1. En vue de coordonner l'activité de médecine nucléaire des équipes médicales du centre hospitalier de Pau et du centre hospitalier de Bigorre à Tarbes, les directeurs de ces établissements ont conjointement décidé, par un accord-cadre du 30 janvier 2020, de regrouper leurs structures internes de médecine nucléaire en fédération médicale interhospitalière (FMIH), en application de l'article L. 6135-1 du code de la santé publique. Pour la mise en œuvre de cet accord-cadre, une convention constitutive de la FMIH a ensuite été conclue entre ces deux établissements par une décision du 18 décembre 2020. M. B..., praticien hospitalier au sein du service de médecine nucléaire du CH de Bigorre, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision. Par un jugement n° 2101413 du 20 avril 2023, le tribunal a reconnu un vice de procédure en l'absence de consultation régulière du comité technique d'établissement du centre hospitalier de Bigorre et a annulé cette décision, en reportant l'effet de son jugement
au 30 juillet 2023, ce qui a permis la saisine des instances consultatives et une nouvelle convention signée le 29 juin 2023. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a différé au 30 juillet 2023 les effets de cette annulation contentieuse.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a différé les effets de l'annulation prononcée :
2. Pour solliciter en cause d'appel la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a différé au 30 juillet 2023 l'annulation de la décision du 18 décembre 2020, M. B... fait valoir que les autres moyens qu'il avait soulevés en première instance étaient de nature à affecter la légalité de cette décision.
3. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
4. Aux termes de l'article L. 6135-1 du code de la santé publique : " En vue du rapprochement d'activités médicales, deux ou plusieurs centres hospitaliers peuvent, par décision conjointe de leurs directeurs prise après avis de la commission médicale et du comité social de chacun des établissements concernés, décider de regrouper certains de leurs pôles d'activité clinique ou médico-technique ou certaines des structures internes de ces pôles, en fédérations médicales interhospitalières, avec l'accord des responsables des structures susmentionnées. / Cette décision définit l'organisation, le fonctionnement et l'intitulé de la fédération. Elle précise notamment la nature et l'étendue des activités de la fédération, les modalités d'association des personnels des établissements concernés à ces activités ainsi que les conditions de désignation et le rôle du praticien hospitalier coordonnateur sous la responsabilité duquel elles sont placées. Le coordonnateur est assisté par une sage-femme, un cadre paramédical ou un membre du personnel soignant et par un membre du personnel administratif ".
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à l'issue de son mandat de chef du service de médecine nucléaire du centre hospitalier de Bigorre, arrivé à échéance
le 15 février 2018, M. B... ait été formellement reconduit par décision du directeur de l'établissement. Ainsi, quand bien même il aurait continué à en exercer les attributions, ce qui n'est pas établi au regard notamment du fait qu'il était l'unique médecin nucléariste au centre hospitalier de Bigorre, il n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que son accord aurait dû être préalablement recueilli avant l'édiction de la décision du 18 décembre 2020.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la création de la fédération médicale inter hospitalière (FMIH) en médecine nucléaire procède de la volonté conjointe des établissements concernés de remédier à des difficultés structurelles persistantes au sein du service de médecine nucléaire du CH de Bigorre, tenant notamment aux difficultés de recrutement de professionnels médicaux, aux exigences en matière de conformité imposées par l'Agence nationale de la sûreté nucléaire, ainsi qu'à l'existence de tensions professionnelles entre praticiens. Cette initiative, qui s'inscrit dans la continuité de celle ayant conduit à la création d'un groupement de coopération sanitaire entre les deux établissements pour le développement de l'activité de tomographie par émission de positons (TEP), vise, à travers la mise en place d'une gouvernance collégiale et la mutualisation de l'offre de soins entre les sites de Pau et de Tarbes, à garantir la qualité des examens en médecine nucléaire, à favoriser l'attractivité des postes médicaux, à assurer une répartition équilibrée des activités entre les établissements parties et à permettre l'obtention d'une autorisation pour l'activité de TEP sur le site de Tarbes. Si M. B... soutient que la mise en place d'une telle coopération, formalisée par la décision du 18 décembre 2020, aurait eu des effets néfastes, notamment en ce qui concerne la prise en charge des urgences, les fermetures ponctuelles du service ou la gestion du personnel, ainsi qu'en raison de la perte d'activité consécutive au transfert des scintigraphies myocardiques vers Pau, de telles circonstances, qui sont postérieures à la décision attaquée, sont sans influence sur sa légalité.
7. En dernier lieu, M. B... critique principalement le délai de trois mois et dix jours fixé par le tribunal pour la prise d'effet de son annulation. Il ressort des pièces du dossier que la convention de FMIH organise les mises à disposition des médecins du centre hospitalier de Pau auprès du centre hospitalier de Tarbes et réciproquement, au titre de l'activité partagée en médecine nucléaire, et que cette gestion statutaire des interventions des praticiens contribue à garantir la qualité et la continuité des actes et soins dispensés aux patients ainsi qu'à sécuriser les flux financiers entre les deux établissements, s'agissant du remboursement des rémunérations afférentes aux interventions des médecins dans l'établissement partenaire. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges, qui ont relevé que l'annulation de la décision du
18 décembre 2020 impliquerait de compromettre pour l'avenir, sur la zone concernée, l'exigence de permanence des soins érigée en mission de service public par l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, n'en ont prononcé l'annulation qu'à compter du 30 juillet 2023.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins
de non-recevoir, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont différé l'annulation de la décision du 18 décembre 2020
au 30 juillet 2023.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser aux centres hospitaliers de Bigorre et de Pau, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera une somme de 1 500 euros aux centres hospitaliers de Bigorre et de Pau, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier de Bigorre
et au centre hospitalier de Pau. Copie en sera adressée à l'Agence régionale de santé
de Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Sabrina Ladoire, présidente assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.
Le rapporteur,
Antoine Rives
La présidente,
Catherine Girault
Le greffier,
Fabrice Benoit
Pour le greffier d'audience décédé
La greffière de chambre
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23BX01664