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01/07/2025 | FRANCE | N°24BX02509

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 01 juillet 2025, 24BX02509


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.



Par un jugement n° 2305183 du 30 avril 2024 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.



Procédure deva

nt la cour :



Par une requête enregistrée le 21 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Perrin, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.

Par un jugement n° 2305183 du 30 avril 2024 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Perrin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 avril 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa demande, en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail, et ce, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxe en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé à défaut de prendre en considération la souffrance morale qu'un retour dans son pays d'origine représenterait pour son épouse ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il est démuni de ressources ;

- la décision portant refus de séjour méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des étrangers ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 1er avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mai 2025 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant congolais né le 23 février 1996, est entré en France le 7 octobre 2015 muni d'un passeport revêtu d'un visa " étudiant " valant titre de séjour jusqu'au 24 septembre 2016. Il a ultérieurement bénéficié de plusieurs titres de séjour en cette qualité, dont le dernier a expiré le 14 décembre 2018. Le 29 juillet 2021, il a sollicité des services de la préfecture de la Gironde la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 avril 2023 le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement n° 2305183 du 30 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2023.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était présent en France depuis plus de 7 ans à la date de la décision attaquée et justifiait de 6 ans de vie commune avec une compatriote qu'il a épousée le 3 juillet 2021. Celle-ci, arrivée en France à l'âge de 16 ans, titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 19 avril 2025, réside sur le territoire national depuis plus de 12 ans et justifie d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de service intérieur depuis le 4 avril 2022. Elle n'a ainsi pas vocation à retourner vivre dans son pays d'origine. En outre, un premier enfant est né de leur union le 17 février 2022 et, à la date de la décision attaquée, le couple attendait un second enfant. Dans ces conditions, par la décision attaquée, le préfet de la Gironde a porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et à l'intérêt supérieur de son enfant, en méconnaissance des stipulations des conventions précitées. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour.

4. L'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour entraine, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Gironde délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale". Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui enjoindre de délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Perrin, avocat du requérant, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2305183 du 30 avril 2024 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 19 avril 2023 du préfet de la Gironde est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" à M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Perrin la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve DupuyLe président-rapporteur,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02509
Date de la décision : 01/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. BUREAU
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-01;24bx02509 ?
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