Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-Pierre a rectifié son précédent arrêté du 22 septembre 2020 lui délivrant un permis de construire pour la construction de trois gîtes ruraux sur la parcelle cadastrée section DZ n° 24.
Par un jugement n° 2101195 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mars 2024 et des mémoires enregistrés le 30 octobre 2024 et le 6 juin 2025, ce dernier non communiqué, M. A..., représenté par Me Pothin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 30 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Pierre du 28 juillet 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'appréciation du tribunal, considérant que le maire de Saint-Pierre était en situation de compétence liée, est erronée ; son projet de construction de trois gîtes touristiques n'avait pas pour conséquence de réduire les surfaces agricoles dès lors qu'il représente 1 % de la superficie de la parcelle cadastrée section DZ n° 24 ; son projet d'agrotourisme a été conçu comme un complément à son activité de culture vivrière de la canne à sucre ;
- en tout état de cause, un acte créateur de droits, même illégal, ne peut faire l'objet d'un retrait au-delà d'un certain délai, fixé à trois mois pour un permis de construire ;
- l'erreur matérielle permettant la correction de l'acte qui en est entaché répond à plusieurs conditions qui ne sont pas remplies ; l'administration doit n'avoir manifestement pas eu l'intention de prendre la décision et le destinataire doit être dans la situation de ne pas pouvoir ignorer que la décision est entachée d'une grossière erreur ; en l'espèce, il ne peut être considéré que l'autorisation initiale était entachée d'une erreur matérielle évidente dans la mesure où l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers auquel elle se réfère n'était pas annexé au permis de construire, contrairement à ce que prétend la commune ; par ailleurs, il a été destinataire de plusieurs courriers faisant suite à la transmission par la commune de l'autorisation qui lui a été accordée aux différents services concernés ; il avait donc la croyance légitime de détenir une autorisation lui permettant de réaliser son projet de construction.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 juin 2024 et 20 novembre 2024, la commune de Saint-Pierre, représentée par Me Landot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est tardive ;
- subsidiairement, M. A... conclut à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021 dans son mémoire en réplique enregistré plus de deux mois après l'introduction de la requête d'appel ;
- en tout état de cause, les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 novembre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Vincent Bureau, rapporteur public,
- les observations de Me Pothin, représentant M. A...,
- et les observations de Me Lenain, représentant la commune de Saint-Pierre.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 août 2020, M. A... a déposé en mairie de Saint-Pierre une demande de permis de construire pour la construction de trois gîtes ruraux sur la parcelle lui appartenant cadastrée section DZ n° 24, classée en zone A du document graphique du plan local d'urbanisme de la commune. Par un arrêté du 22 septembre 2020, le maire de Saint-Pierre lui a accordé le permis de construire sollicité. Mais par un courrier du 27 mai 2021, il a informé M. A... que le dispositif de cette décision était en réalité entaché d'une erreur matérielle, sa motivation impliquant manifestement une décision de refus. L'intéressé a fait valoir ses observations par un courrier du 7 juin 2021 en indiquant que le retrait du permis de construire ne pouvait intervenir au-delà du délai de trois mois suivant sa délivrance. Par un arrêté rectificatif du 28 juillet 2021, le maire de Saint-Pierre a cependant modifié le dispositif de l'arrêté du 22 septembre 2020 pour le remplacer par un dispositif rejetant l'autorisation de construire sollicitée. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 30 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Saint-Pierre :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article R. 811 5 du même code, un délai supplémentaire d'un mois s'applique notamment aux recours engagés par les personnes qui demeurent à La Réunion. L'article R. 751-3 du même code précise que : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice (...) ". Enfin, l'article R. 431-1 de ce même code précise : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'alors même qu'une partie non inscrite dans l'application " Télérecours " a fait élection de domicile chez son avocat pendant la durée de l'instance, seule la notification régulière de la décision juridictionnelle à son domicile réel fait courir le délai d'appel à l'encontre de cette décision. Par ailleurs, le délai de recours dont dispose un requérant demeurant à La Réunion pour saisir la cour administrative d'appel de Bordeaux est de trois mois. Ce délai est un délai franc.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A..., dont aucune des pièces du dossier de première instance indique qu'il était inscrit dans l'application " Télérecours citoyen ", a accusé réception du pli recommandé portant notification du jugement attaqué le 4 décembre 2023. Le délai d'appel a ainsi couru à compter du 5 décembre 2023 et a expiré le mardi 5 mars 2024. Par suite, la requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 4 mars 2024, n'est pas tardive. La commune de Saint Pierre n'est donc pas fondée à soutenir que la requête est tardive.
5. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". En vertu de ces dispositions, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.
6. La requête d'appel de M. A..., qui contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé de conclusions consistant à critiquer la solution retenue par le tribunal satisfait aux prescriptions de l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative, sans qu'importe la circonstance qu'il n'a pas explicitement conclu en appel à l'annulation de la décision attaquée devant les premiers juges, dont la cour est implicitement et nécessairement saisie. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à cet égard par la commune de Saint-Pierre doit être également écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. L'erreur matérielle dont un acte est susceptible d'être entaché est caractérisée lorsque l'administration n'a manifestement pas eu l'intention de prendre la décision et que son destinataire de bonne foi ne pouvait, à l'évidence, ignorer qu'elle recélait une erreur matérielle, de sorte qu'une telle décision n'a pu créer de droits à son bénéficiaire et peut être rectifiée même postérieurement au délai de retrait.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que si le dispositif de l'arrêté du maire de Saint-Pierre du 22 septembre 2020 accorde à M. A... le permis de construire sollicité, l'unique motif de cet arrêté, tiré de l'avis défavorable rendu par la commission départementale de préservation des espaces naturel, agricoles et forestiers à propos du projet de construction du requérant, révèle l'intention manifeste du maire, qui était en situation de compétence liée, de ne pas accorder l'autorisation de construire. Toutefois, dès lors que le visa et la citation de l'avis défavorable rendu par cette commission ne permettaient pas au pétitionnaire de bonne foi de comprendre que cet avis était un avis conforme imposant à l'auteur de la décision finale de refuser le permis de construire sollicité, la contradiction entre le motif et le dispositif de l'arrêté n'apparaissait pas avec évidence pour un destinataire sans connaissances juridiques. Il ne peut ainsi être considéré que le dispositif de l'arrêté du 22 septembre 2020 était entaché d'une pure erreur matérielle. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le maire de Saint-Pierre ne pouvait pas procéder à la correction d'une telle erreur.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions ".
10. L'arrêté rectificatif en litige du 28 juillet 2021 qui, en refusant de délivrer à M. A... l'autorisation de construire sollicitée, procède au retrait du permis de construire accordé par l'arrêté du 22 septembre 2020, est intervenu postérieurement au délai de retrait de trois mois fixé par les dispositions précitées, dont le maire de Saint-Pierre a ainsi fait une application irrégulière.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre la somme que de 1 500 Euros que demande M. A... au titre des frais liés au litige. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Saint-Pierre au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2101195 du tribunal administratif de La Réunion du 30 novembre 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de Saint-Pierre du 28 juillet 2021 est annulé.
Article 3 : La commune de Saint-Pierre versera une somme de 1 500 euros à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Pierre présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Saint-Pierre.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.
La rapporteure,
Valérie RéautLe président
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00532