Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser une somme de 97 171, 54 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident dont il a été victime le 31 mars 2018.
Par un jugement n° 2104372 du 3 mai 2023, ce tribunal a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 34 392, 50 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2023, M. A..., représenté par Me Le Bonnois, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en ce qu'il a limité le montant de son indemnisation et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 128 734,25 euros, assorti des intérêts au taux légal ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'indemnisation allouée est insuffisante en ce qui concerne les frais divers, dès lors qu'il a droit au remboursement des honoraires du médecin expert pour un montant de 927 euros ;
- par ailleurs, les frais exposés pour l'entretien de sa parcelle de plus de deux hectares qu'il ne peut plus prendre en charge doivent être évalués à la somme totale de 87 517 euros ;
- l'aide humaine dont il a eu besoin à titre temporaire, telle qu'elle a été estimée par le médecin expert, a été sous-évaluée ; le taux horaire à retenir est de 23 euros, ce qui conduit à porter l'indemnisation de ce chef de préjudice à la somme de 3 392,50 euros ;
- l'aménagement de sa voiture au moyen d'une boite de vitesse automatique a été considéré comme nécessaire par l'expert, ce qui est la cause d'une dépense évaluée, en comprenant la maintenance, à la somme de 7 824,75 euros ;
- enfin, le préjudice d'agrément, correspondant à la perte de la pratique de différents sports, notamment le surf, la musculation, la pêche et le vélo, a été sous-estimé et son indemnisation doit être portée à la somme de 30 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 avril 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- et les conclusions de M. Vincent Bureau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., major de police exerçant ses fonctions à la circonscription de sécurité publique (CSP) de Bordeaux, a été victime d'un accident le 31 mars 2018 alors qu'il intervenait pour encadrer le match de football Paris-Monaco, à la suite de l'explosion dans sa main d'une grenade dite de désencerclement. L'imputabilité au service de cet accident a été admise par un arrêté du 19 juin 2018. M. A... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 97 171, 54 euros en réparation de divers préjudices. Par un jugement du 3 mai 2023, ce tribunal a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 34 392,50 euros. M. A... relève appel de ce jugement en ce qu'il a limité son indemnisation à cette somme, et il demande que la cour fixe à 128 734,25 euros le montant total de la réparation due.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il concerne certains chefs de préjudice :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert médical établi le 24 septembre 2019, que M. A..., âgé de cinquante ans au jour de l'accident, conserve diverses séquelles de l'explosion de la grenade dans sa main droite dominante. Outre une déformation des doigts de la main droite, visible à distance sociale et qui provoque une gêne à la mobilisation de la main entrainant une fatigue de ce membre, il souffre également d'acouphènes sous forme de sifflements dans l'oreille droite. M. A... conteste en appel l'appréciation portée par les premiers juges sur quatre des chefs de préjudice invoqués devant eux.
En ce qui concerne les frais liés à l'aménagement du véhicule :
3. Contrairement à ce que prétend M. A..., l'expert médical qui a évalué l'ensemble des préjudices découlant de l'accident de service n'indique pas qu'il est nécessaire d'équiper son véhicule d'une boite de vitesse automatique au regard des séquelles qu'il conserve à la main droite, mais seulement qu'il serait préférable de l'envisager afin d'éviter les changements de vitesse. Le requérant n'apporte pas davantage en appel que devant les premiers juges d'éléments circonstanciés justifiant qu'un tel aménagement est devenu indispensable pour la conduite de son véhicule depuis son accident. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à obtenir une indemnisation à ce titre.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne :
4. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
5. Les premiers juges ont indemnisé M. A... au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la prise en charge des actes de la vie quotidienne, à hauteur de deux heures quotidiennes du 1er au 18 avril 2018 et à hauteur d'une heure et demie par jour du 19 avril au 30 juin 2018, soit un total de 145,5 heures que ne conteste pas le requérant. Un taux horaire d'environ 13 euros a été retenu pour fixer l'indemnisation à la somme de 1 865,50 euros. M. A... soutient qu'un taux horaire de 23 euros devrait être appliqué, en se prévalant du coût horaire retenu pour l'assistance à une personne handicapée. Toutefois, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'assistance par tierce personne devait être spécialisée, cette assistance ayant d'ailleurs été apportée par un membre de la famille de M. A..., le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi par celui-ci en faisant application d'un taux horaire correspondant au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré des charges sociales, et en fixant le montant de l'indemnité à la somme de 1 865,50 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
6. Il résulte de l'instruction que les séquelles dont M. A... est atteint à la main droite, constituées d'un " déficit du grip de l'outil de la main ", ont rendu plus difficiles certaines activités sportives dont il justifie qu'il les pratiquait de manière habituelle, telles que le surf et l'entrainement en salle de sport. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément en résultant pour lui en portant la somme de 1 500 euros allouée par les premiers juges à un montant de 3 000 euros.
S'agissant des frais divers :
7. En premier lieu, le tribunal a mis à la charge de l'Etat les frais d'honoraires du médecin expert pour le montant de 927 euros réclamé par M. A.... Celui-ci n'est donc pas fondé à demander une seconde fois l'indemnisation de ce chef de préjudice.
8. En deuxième lieu, M. A... fait valoir qu'il ne peut plus assurer dans de bonnes conditions l'entretien du terrain de sa maison secondaire située dans les Landes, d'une superficie de 2,3 hectares. A ce titre, il se prévaut de l'acquisition d'une tondeuse autoportée au prix de 6 590 euros et d'un coût d'entretien annuel régulier qu'il évalue à 16 000 euros sur la base de deux devis.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que les séquelles dont M. A... reste atteint à la main droite rendent difficile l'emploi d'une tondeuse manuelle, qui requiert l'usage des deux mains dans une position de serrage continu et l'expert indique qu'une " aide ponctuelle pour le jardin et les gros bricolages " sera à chiffrer. Au vu de l'activité de jardinage régulièrement pratiquée par M. A..., dont la part essentielle est constituée de la tonte d'un vaste espace naturel, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le coût d'achat de la tondeuse pour le montant facturé de 6 590 euros à l'exclusion des frais correspondant au recours à une entreprise extérieure pour la réalisation de prestations équivalentes. Si l'un au moins des devis versés à l'instance comprend des frais relatifs au ramassage des feuilles mortes ainsi qu'à la tonte des bordures au " rotofil ", il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations d'entretien du jardin familial sont majeures ni que M. A... et son entourage seraient dans l'impossibilité de les réaliser.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que la somme que l'Etat est condamné à lui verser en réparation de ses préjudices soit portée au montant de 42 482,50 euros, ainsi que, dans cette mesure, la réformation du jugement.
Sur les intérêts :
11. M. A... demande pour la première fois en appel l'application des intérêts au taux légal sur les sommes allouées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande à compter de la date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, le 26 août 2021.
Sur les frais liés de l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La somme mise à la charge de l'Etat en réparation des préjudices subis par M. A... est portée à 42 482,50 euros,
Article 2 : La somme mentionnée à l'article 1er portera intérêts au taux légal à compter du 26 août 2021.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.
La rapporteure,
Valérie RéautLe président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01805