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01/07/2025 | FRANCE | N°23BX00508

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 01 juillet 2025, 23BX00508


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société d'exploitation des établissements Jeanneau a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 de la préfète de la Gironde la rendant redevable d'une astreinte de 200 euros par jour à compter du 15 juillet 2020 jusqu'à satisfaction de l'article 1.1 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 en disposant des rétentions nécessaires et des justifications associées et de 300 euros par jour à compter du 31 août 2020 jusqu'à s

atisfaction de l'article 1 de l'arrêté de mise en demeure du 11 décembre 2019 en mettant en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation des établissements Jeanneau a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 de la préfète de la Gironde la rendant redevable d'une astreinte de 200 euros par jour à compter du 15 juillet 2020 jusqu'à satisfaction de l'article 1.1 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 en disposant des rétentions nécessaires et des justifications associées et de 300 euros par jour à compter du 31 août 2020 jusqu'à satisfaction de l'article 1 de l'arrêté de mise en demeure du 11 décembre 2019 en mettant en conformité les aires de lavages et aires susceptibles de recueillir des matières susceptibles de créer une pollution des sols et de l'eau.

Par un jugement no 2003282 du 20 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2023, la société d'exploitation des établissements Jeanneau, représentée par Me Magret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 de la préfète de la Gironde la rendant redevable d'une astreinte de 200 euros par jour à compter du 15 juillet 2020 jusqu'à satisfaction de l'article 1.1 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 en disposant des rétentions nécessaires et des justifications associées et de 300 euros par jour à compter du 31 août 2020 jusqu'à satisfaction de l'article 1 de l'arrêté de mise en demeure du 11 décembre 2019 en mettant en conformité les aires de lavages et aires susceptibles de recueillir des matières susceptibles de créer une pollution des sols et de l'eau ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés du 21 octobre 2019 et du 11 décembre 2019 ne sont pas définitifs ;

- l'arrêté du 2 juin 2020 ne pouvait pas fixer une astreinte pour non-respect des arrêtés de mise en demeure du 21 octobre et du 11 décembre 2019 alors qu'ils faisaient l'objet d'un contentieux devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

- l'arrêté du 21 octobre 2019 est illégal en l'absence de pollution du cours d'eau, dont l'existence n'est pas certaine et qui est toujours à sec et alors que les camions et les toupies sont lavés chez les clients ; les constats du 11 février 2021 et du 27 octobre 2021 démontrent que le site a été remis en état quasi intégralement ;

- l'arrêté de mise en demeure du 11 décembre 2019 est illégal ;

- elle s'est conformée à toutes les prescriptions de l'arrêté du 21 octobre et 11 décembre 2019 comme en attestent les constats d'huissier du 11 février 2021 et du 22 octobre 2021 et la mise en demeure était devenue sans objet ;

- elle avait fait installer un container avec bacs de rétention le 16 septembre 2019, mis en conformité l'aire de lavage des camions le 30 janvier 2020 répondant ainsi à la mise en demeure ; elle avait aussi mis en conformité son installation électrique, mis en place un système d'arrêt d'urgence ; installé un système de sécurité sur le forage ;

- lors de la visite du 12 mai 2020, l'installation avait été mise en conformité ;

- à la date du jugement, il n'existait plus de non-conformité et la sanction administrative ne pouvait qu'être annulée ;

- l'astreinte est manifestement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- et les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exploitation des établissements Jeanneau exploite une installation de production de béton prêt à l'emploi située à Mérignac. Le 28 août 2019, le service d'inspection des installations classées de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine a réalisé une visite d'inspection de l'exploitation à la suite de signalements concernant le déversement de béton dans un cours d'eau. Le 12 septembre 2019, le service d'inspection a adressé un rapport à l'exploitante ainsi qu'un projet d'arrêté préfectoral portant mise en demeure, mesures d'urgence et remise en état du cours d'eau. Le 24 septembre 2019, la DREAL a adressé pour avis un nouveau projet d'arrêté préfectoral ayant fait l'objet de modifications à la suite d'une visite du 13 septembre et l'exploitant a présenté des observations le 27 septembre 2019. Une nouvelle visite d'inspection a été organisée le 10 octobre 2019 laquelle a donné lieu à un rapport du 18 octobre 2019, communiqué à la société. Par un arrêté du 21 octobre 2019, la préfète de la Gironde l'a, en son article 1er, mise en demeure de respecter les dispositions des articles 2.9, 2.10, 5.5 et 5.3 de l'annexe de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi en fixant des délais variant de deux semaines à trois mois. Par l'article 2 de ce même arrêté du 21 octobre 2019, la préfète de la Gironde a prononcé une mesure d'urgence tendant à la suspension de l'exploitation de l'installation et a conditionné la levée de la suspension au respect des dispositions des articles 2.10 et 5.5 de l'annexe de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi concernant la mise en conformité de son installation de gestion des eaux. Par un arrêté du 11 décembre 2019, la préfète de la Gironde l'a, notamment, mise en demeure sur le même fondement de respecter le point 2.8 de la même annexe en mettant en conformité l'aire de lavage des camions, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêté. Après une nouvelle visite d'inspection du 12 mai 2020 relevant l'absence de respect de certaines prescriptions des mises en demeure du 21 octobre et du 11 décembre 2019, la préfète de la Gironde, par un arrêté du 2 juin 2020, a prononcé une astreinte de 200 euros par jour à compter du 15 juillet 2020 jusqu'à satisfaction de l'article 1.1 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 en disposant des rétentions nécessaires et des justifications associées, ainsi que de 300 euros par jour à compter du 31 août 2020 jusqu'à satisfaction de l'article 1 de l'arrêté de mise en demeure du 11 décembre 2019 en mettant en conformité les aires de lavages et aires susceptibles de recueillir des matières susceptibles de créer une pollution des sols et de l'eau. La société d'exploitation des établissements Jeanneau relève appel du jugement du 20 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté du 2 juin 2020.

2. Aux termes de l'article L.171-8 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II.- Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) /4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte (...) ". Et aux termes de l'article L.171-11 du même code : " Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".

3. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle n'est recevable que tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable.

4. D'une part, la société requérante reprend en appel dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 en se bornant à invoquer l'absence de preuve de l'existence du cours d'eau à côté de son installation et l'absence de pollution. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

5. D'autre part, l'arrêté contesté du 2 juin 2020 portant astreinte administrative n'est fondé que sur le non-respect de l'article 1er de la mise en demeure du 11 décembre 2019 prescrivant le respect de l'article 2.8 de l'annexe précité en mettant en conformité les aires de lavage et les aires susceptibles de recueillir des matières susceptibles de créer une pollution des sols ou de l'eau et non sur l'intégralité des prescriptions figurant dans cette mise en demeure. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle a respecté les prescriptions de la mise en demeure du 11 décembre 2019 relatives à la mise en conformité de l'installation électrique et du système d'arrêt d'urgence, ainsi qu'à la sécurisation du forage. Ces moyens, inopérants, ne peuvent qu'être écartés.

6. Enfin, la société requérante soutient qu'elle avait mis son installation en conformité avec l'ensemble des prescriptions des arrêtés du 21 octobre 2019 et du 11 décembre 2019. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'inspecteur de l'environnement du 18 mai 2020, que l'exploitant ne respectait toujours pas, lors de la visite du 12 mai 2020, les dispositions visées à l'article 1.1 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 dès lors qu'il avait modifié la rétention par rapport à sa conception initiale sans réaliser un essai de mise en eau pour garantir son étanchéité, que la rétention était remplie d'un liquide non identifié et qu'elle n'était plus en capacité de remplir son rôle et d'accueillir une éventuelle fuite des produits stockées. Il résulte également du rapport du 18 mai 2020 que l'exploitant ne respectait toujours pas, lors de la visite du 12 mai 2020, les dispositions visées à l'article 1 de l'arrêté de mise en demeure du 11 décembre 2019 dès lors que la zone étanche de l'aire de lavage présente au droit des fosses de décantation n'était pas suffisamment longue, que la zone de chargement des camions recevant régulièrement du béton sur le sol et son cheminement jusqu'aux fosses de récupération des eaux et de décantation n'étaient pas étanches, que l'eau présente au point de rejet dans le réseau public était trouble et colorée ce qui indique que les eaux pluviales étaient susceptibles de transporter des éléments tels que la laitance de béton depuis l'installation jusqu'au rejet, enfin que deux zones présentaient du béton ce qui indique que du béton ou de la fine de béton pouvaient se retrouver également sur des zones étanches. Aucun des éléments produits par la société d'exploitation des établissements Jeanneau n'est de nature à remettre en cause les constatations figurant dans le rapport d'inspection du 18 mai 2020, notamment s'agissant du respect des prescriptions relatives à la rétention et à l'aire de lavage. Si la société requérante se prévaut de la mise en conformité de son installation électrique, de la mise en place d'un système d'arrêt d'urgence et de l'installation d'un système de sécurité sur le forage, l'arrêté en litige du 2 juin 2020 n'est pas fondé sur l'absence de respect de ces prescriptions figurant dans les arrêtés de mise en demeure et ces éléments ne sont donc pas utilement invoqués. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte de l'instruction que l'installation ne respectait pas les dispositions des mises en demeure justifiant le prononcé d'une astreinte par l'arrêté en litige du 2 juin 2020.

7. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obstacle à ce que le préfet prenne un arrêté prononçant une astreinte en application de dispositions de l'article L.171-8 du code de l'environnement alors même que des recours contentieux contre les arrêtés de mise en demeure seraient pendants devant une juridiction. Par suite, la circonstance que l'arrêté du 21 octobre 2019 et l'arrêté du 11 décembre 2019 portant mise en demeure faisaient l'objet de recours devant le tribunal administratif de Bordeaux à la date de l'arrêté en litige du 2 juin 2020 est sans incidence sur sa légalité.

8. En troisième lieu, la circonstance, à la supposer même établie, que la société requérante se soit mise en conformité avec les arrêtés de mise en demeure à la date à laquelle le juge statue est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 2 juin 2020 dès lors qu'une astreinte journalière peut être fixée s'il n'a pas été déféré, comme en l'espèce, aux mises en demeure dans le délai imparti et à la date du prononcé de l'astreinte.

9. En quatrième lieu, si la société requérante fait valoir que l'astreinte est manifestement disproportionnée, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En dernier lieu, la société requérante reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, son moyen de première instance tiré de l'absence de situation d'urgence pour justifier l'astreinte, au soutien duquel il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société d'exploitation des établissements Jeanneau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société d'exploitation des établissements Jeanneau la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation des établissements Jeanneau est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation des établissements Jeanneau et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.

La rapporteure,

Clémentine VoillemotLa présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00508
Date de la décision : 01/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : MAGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-01;23bx00508 ?
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