Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation des établissements Jeanneau a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 de la préfète de la Gironde portant liquidation totale d'une astreinte administrative, fixée par arrêté préfectoral du 26 février 2020, pour un montant de 10 200 euros.
Par un jugement n° 2003281 du 20 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2023, la société d'exploitation des établissements Jeanneau, représentée par Me Magret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 de la préfète de la Gironde portant liquidation totale d'une astreinte administrative, fixée par arrêté préfectoral du 26 février 2020, pour un montant de 10 200 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les arrêtés du 21 octobre 2019 et du 26 février 2020 ne sont pas définitifs et ne pouvaient servir de fondement à l'arrêté du 2 juin 2020 ;
- l'arrêté du 21 octobre 2019 est illégal en l'absence de pollution du cours d'eau, dont l'existence n'est pas certaine et qui est toujours à sec et alors que les camions et les toupies sont lavés chez les clients ; la société démontre que les conclusions du rapport des inspecteurs faisant suite à la visite du 28 août 2019 sont erronées et le tribunal devait annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 ;
- l'arrêté du 26 février 2020 est illégal dès lors qu'elle s'est conformée à l'ensemble des prescriptions et à la mise en demeure du 21 octobre 2019 ;
- elle avait fait installer un container avec bacs de rétention le 16 septembre 2019, mis en conformité l'aire de lavage des camions le 30 janvier 2020 répondant ainsi à la mise en demeure ; elle avait aussi mis en conformité son installation électrique, mis en place un système d'arrêt d'urgence ; installé un système de sécurité sur le forage ;
- les atteintes à l'environnement ne sont pas justifiées et l'astreinte administrative liquidée à 10 200 euros est manifestement injustifiée ;
- les travaux de mise en conformité ont été effectués et étaient constatés le 12 mai 2020 ; les difficultés rencontrées par la société appelante devaient être prises en compte au regard des délais drastiques imposés par l'administration ;
- le juge apprécie la légalité de l'arrêté contesté à la date à laquelle il se prononce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,
- et les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation des établissements Jeanneau exploite une installation de production de béton prêt à l'emploi située à Mérignac. Le 28 août 2019, le service d'inspection des installations classées de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine a réalisé une visite d'inspection de l'exploitation à la suite de signalements concernant le déversement de béton dans un cours d'eau. Le 12 septembre 2019, le service d'inspection a adressé un rapport à l'exploitante ainsi qu'un projet d'arrêté préfectoral portant mise en demeure, mesures d'urgence et remise en état du cours d'eau. Le 24 septembre 2019, la DREAL a adressé pour avis un nouveau projet d'arrêté préfectoral ayant fait l'objet de modifications à la suite d'une visite du 13 septembre et l'exploitant a présenté des observations le 27 septembre 2019. Une nouvelle visite d'inspection a été organisée le 10 octobre 2019 laquelle a donné lieu à un rapport du 18 octobre 2019, communiqué à la société. Par un arrêté du 21 octobre 2019, la préfète de la Gironde l'a mise en demeure de respecter les dispositions des articles 2.9, 2.10, 5.5 et 5.3 de l'annexe de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi en fixant des délais variant de deux semaines à trois mois. Par ce même arrêté du 21 octobre 2019, la préfète de la Gironde a prononcé une mesure d'urgence tendant à la suspension de l'exploitation de l'installation et a conditionné la levée de la suspension au respect des dispositions des articles 2.10 et 5.5 de l'annexe de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi concernant la mise en conformité de son installation de gestion des eaux. A la suite d'une nouvelle visite, l'exploitante a été destinataire, par courrier du 19 décembre 2019, d'une part, du rapport de l'inspecteur de l'environnement lequel fait état d'écart à la mise en demeure précitée, dès lors que l'exploitante a poursuivi son activité malgré la mesure de suspension prise par l'arrêté du 21 octobre 2019 et d'autre part, du projet d'amende administrative pour avis. Par deux arrêtés du 26 février 2020, la préfète de la Gironde, lui a infligé une amende administrative d'un montant de 10 000 euros pour le non-respect de la suspension d'activité imposée par l'arrêté préfectoral portant mesures d'urgence du 21 octobre 2019 et d'autre part, l'a rendue redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 300 euros jusqu'à satisfaction de l'article 2 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019. Par un arrêté du 2 juin 2020, la préfète de la Gironde a prononcé la liquidation totale de l'astreinte fixée par arrêté préfectoral du 26 février 2020 pour un montant de 10 200 euros. La société d'exploitation des établissements Jeanneau relève appel du jugement du 20 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes d'annulation de l'arrêté du 2 juin 2020.
2. Aux termes de l'article L.171-8 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II.- Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) /4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte (...) ". Et aux termes de l'article L.171-11 du même code : " Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".
3. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle n'est recevable que tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable.
4. La société requérante reprend en appel dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obstacle à ce que le préfet procède à la liquidation de l'astreinte prononcée sur le fondement de l'article L.171-8 du code de l'environnement si les arrêtés de mise en demeure et de fixation de l'astreinte ne sont pas définitifs. Par suite, la circonstance que l'arrêté du 21 octobre 2019 portant mise en demeure et celui du 26 février 2020 fixant une astreinte administrative faisaient l'objet de recours devant le tribunal administratif de Bordeaux à la date de l'arrêté du 2 juin 2020 est sans incidence sur leur légalité.
6. En troisième lieu, la société requérante excipe de l'illégalité de l'arrêté du 26 février 2020 contre l'arrêté du 2 juin 2020 liquidant l'astreinte. Elle soutient qu'elle avait mis son installation en conformité avec l'ensemble des prescriptions de l'arrêté du 21 octobre 2019 et que l'arrêté du 26 février 2020 prononçant une astreinte administrative était illégal. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'inspecteur de l'environnement du 19 décembre 2019, que si l'état du site avait changé depuis l'inspection d'octobre 2019 et que des travaux avaient été réalisés, les prescriptions, notamment celles relatives à la gestion des eaux n'étaient pas respectées dès lors que les travaux n'étaient pas achevés et que certains aménagements étaient provisoires tels que le petit merlon en sable. Si la société d'exploitation des établissements Jeanneau se prévaut de plusieurs travaux ou achats réalisés pour respecter la mise en demeure du 11 décembre 2019, ces éléments sont sans incidence dès lors qu'ils ne permettent pas de démontrer la mise en conformité de l'installation au regard de la gestion des eaux avant les arrêtés attaqués du 26 février 2020. En outre, il est constant, qu'en méconnaissance de l'article 2.1 de l'arrêté du 21 octobre 2019, la mesure d'urgence de suspension de l'exploitation n'a pas été respectée par la société requérante. La poursuite de l'activité est, notamment, établie par le rapport de l'inspecteur de l'environnement du 19 décembre 2019 et n'est d'ailleurs pas contestée par la société requérante alors que la mise en conformité de l'installation n'était pas achevée. De même, il résulte de l'instruction que les prescriptions des articles 2.3 et 2.4 de l'arrêté du 21 octobre 2019 relatives aux tests ayant pour objectif la vérification du respect des prescriptions de la mise en demeure et la levée de suspension, n'ont pas davantage étaient respectées. Par conséquent, il résulte de l'instruction qu'à l'expiration du délai imparti, la société requérante n'avait pas déféré à la mise en demeure et à la mesure d'urgence et le préfet pouvait ainsi fixer une astreinte d'un montant journalier de 300 euros jusqu'à satisfaction de l'article 2 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019.
7. En quatrième lieu, il résulte des termes de l'arrêté du 2 juin 2020 en litige que lors de la visite du 12 mai 2020, les inspecteurs ont constaté que les fosses de récupérations des eaux étaient opérationnelles, qu'il n'y avait plus de risque de nouvelle pollution par les eaux industrielles du cours d'eau à proximité de l'installation et qu'il convenait de retenir la date du 22 avril 2020 comme date de mise en conformité, au regard du constat d'huissier produit par l'exploitant et constatant la réalisation des travaux sur les fosses à cette date. Il ne résulte pas de l'instruction que la mise en conformité serait antérieure à cette date du 22 avril 2020 retenue dans l'arrêté du 2 juin 2020. La circonstance que l'exploitant aurait rencontré des difficultés pour étudier la nature des travaux à réaliser ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité de l'arrêté litigieux. Par suite, la préfète de la Gironde a pu légalement liquider l'astreinte jusqu'au 22 avril 2020.
8. En cinquième lieu, si la société requérante soutient que l'astreinte administrative, telle qu'elle a été liquidée, est manifestement injustifiée, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. En dernier lieu, la circonstance que la non-conformité ayant justifié le prononcé de l'astreinte avait été levée à la date du jugement attaqué est sans incidence dès lors que l'arrêté du 2 juin 2020 en litige a procédé à la liquidation de l'astreinte en tenant compte de la date de la fin de cette non-conformité fixée au 22 avril 2020.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société d'exploitation des établissements Jeanneau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société d'exploitation des établissements Jeanneau la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société d'exploitation des établissements Jeanneau est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation des établissements Jeanneau et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.
La rapporteure,
Clémentine VoillemotLa présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00507