Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, enregistrée sous le n° 2001872, la société d'exploitation des établissements Jeanneau a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 de la préfète de la Gironde lui infligeant une amende administrative d'un montant de 10 000 euros pour le non-respect de la suspension d'activité imposée par l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2019 prescrivant des mesures d'urgence.
Par une deuxième demande, enregistrée sous le n°2001873, la société d'exploitation des établissements Jeanneau a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 de la préfète de la Gironde la rendant redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 300 euros jusqu'à satisfaction de l'article 2 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019.
Par un jugement nos 2001872 et 2001873 du 20 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2023, la société d'exploitation des établissements Jeanneau, représentée par Me Magret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 de la préfète de la Gironde la rendant redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 300 euros jusqu'à satisfaction de l'article 2 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 de la préfète de la Gironde lui infligeant une amende administrative d'un montant de 10 000 euros pour le non-respect de la suspension d'activité imposée par l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2019 prescrivant des mesures d'urgence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 21 octobre 2019 n'est pas définitif ;
- les arrêtés du 26 février 2020 ne pouvaient fixer une astreinte pour non-respect de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019 alors que ce dernier faisait l'objet d'un contentieux devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
- l'arrêté du 21 octobre 2019 est illégal en l'absence de pollution du cours d'eau, dont l'existence n'est pas certaine et qui est toujours à sec et alors que les camions et les toupies sont lavés chez les clients ; la société démontre que les conclusions du rapport des inspecteurs faisant suite à la visite du 28 août 2019 sont erronées et le tribunal devait annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 ;
- les mises en demeure sont infondées en l'absence de réalisation de prélèvement ou de mesure ;
- elle s'est conformée à toutes les prescriptions de l'arrêté du 21 octobre 2019 comme en attestent les constats d'huissier du 11 février 2021 et du 22 octobre 2021 et la mise en demeure était devenue sans objet ;
- elle avait fait installer un container avec bacs de rétention le 16 septembre 2019, mis en conformité l'aire de lavage des camions le 30 janvier 2020 répondant ainsi à la mise en demeure ; elle avait aussi mis en conformité son installation électrique, mis en place un système d'arrêt d'urgence ; installé un système de sécurité sur le forage ;
- lors de la visite du 12 mai 2020, l'installation avait été mise en conformité ;
- à la date du jugement, il n'existait plus de non-conformité et la sanction administrative ne pouvait qu'être annulée ;
- l'astreinte est manifestement disproportionnée ;
- l'amende de 10 000 euros n'est pas justifiée au regard des efforts pour respecter les demandes de l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,
- et les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation des établissements Jeanneau exploite une installation de production de béton prêt à l'emploi située à Mérignac. Le 28 août 2019, le service d'inspection des installations classées de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine a réalisé une visite d'inspection de l'exploitation à la suite de signalements concernant le déversement de béton dans un cours d'eau. Le 12 septembre 2019, le service d'inspection a adressé un rapport à l'exploitante ainsi qu'un projet d'arrêté préfectoral portant mise en demeure, mesures d'urgence et remise en état du cours d'eau. Le 24 septembre 2019, la DREAL a adressé pour avis un nouveau projet d'arrêté préfectoral ayant fait l'objet de modifications à la suite d'une visite du 13 septembre 2019 et l'exploitant a présenté des observations le 27 septembre 2019. Une nouvelle visite d'inspection a été organisée le 10 octobre 2019 laquelle a donné lieu à un rapport du 18 octobre 2019, communiqué à la société. Par un arrêté du 21 octobre 2019, la préfète de la Gironde l'a, en son article 1er, mise en demeure de respecter les dispositions des articles 2.9, 2.10, 5.5 et 5.3 de l'annexe de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi en fixant des délais variant de deux semaines à trois mois. Par l'article 2 de ce même arrêté du 21 octobre 2019, la préfète de la Gironde a prononcé une mesure d'urgence tendant à la suspension de l'exploitation de l'installation et a conditionné la levée de la suspension au respect des dispositions des articles 2.10 et 5.5 de l'annexe de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi concernant la mise en conformité de son installation pour la gestion des eaux. A la suite d'une nouvelle visite, l'exploitante a été destinataire, par courrier du 19 décembre 2019, d'une part, du rapport de l'inspecteur de l'environnement lequel fait état d'écarts à la mise en demeure précitée, dès lors que l'exploitante a poursuivi son activité malgré la mesure de suspension prise par l'arrêté du 21 octobre 2019 et d'autre part, du projet d'amende administrative pour avis. Par deux arrêtés du 26 février 2020, la préfète de la Gironde, lui a infligé une amende administrative d'un montant de 10 000 euros pour le non-respect de la suspension d'activité imposée par l'arrêté préfectoral portant mesures d'urgence du 21 octobre 2019 et d'autre part, l'a rendue redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 300 euros jusqu'à satisfaction de l'article 2 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019. La société d'exploitation des établissements Jeanneau relève appel du jugement du 20 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes d'annulation des arrêtés du 26 février 2020.
Sur la légalité des arrêtés du 26 février 2020 :
2. Aux termes de l'article L.171-8 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II.- Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) /4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte (...) ". Et aux termes de l'article L.171-11 du même code : " Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".
3. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle n'est recevable que tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable.
4. La société requérante reprend en appel dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obstacle à ce que le préfet prenne des arrêtés prononçant des amendes ou fixant des astreintes en application de dispositions de l'article L.171-8 du code de l'environnement alors que l'arrêté de mise en demeure ferait l'objet d'un contentieux. Par suite, la circonstance que l'arrêté du 21 octobre 2019 portant mise en demeure faisait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux à la date des arrêtés en litige du 26 février 2020 est sans incidence sur leur légalité.
6. En troisième lieu, la société requérante soutient qu'elle avait mis son installation en conformité avec l'ensemble des prescriptions de l'arrêté du 21 octobre 2019. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'inspecteur de l'environnement du 19 décembre 2019, que si l'état du site avait changé depuis l'inspection d'octobre 2019 et que des travaux avaient été réalisés, les prescriptions, notamment celles relatives à la gestion des eaux n'étaient pas respectées dès lors que les travaux n'étaient pas achevés et que certains aménagements étaient provisoires tels que le petit merlon en sable. Si la société d'exploitation des établissements Jeanneau se prévaut de plusieurs travaux ou achats réalisés pour respecter la mise en demeure du 11 décembre 2019, ces éléments sont sans incidence dès lors qu'ils ne permettent pas de démontrer la mise en conformité de l'installation au regard de la gestion des eaux avant les arrêtés attaqués du 26 février 2020. En outre, il est constant, qu'en méconnaissance de l'article 2.1 de l'arrêté du 21 octobre 2019, la mesure d'urgence de suspension de l'exploitation n'a pas été respectée par la société requérante. La poursuite de l'activité est, notamment, établie par le rapport de l'inspecteur de l'environnement du 19 décembre 2019 et n'est d'ailleurs pas contestée par la société requérante alors que la mise en conformité de l'installation n'était pas achevée. De même, il résulte de l'instruction que les prescriptions des articles 2.3 et 2.4 de l'arrêté du 21 octobre 2019 relatives aux tests ayant pour objectif la vérification du respect des prescriptions de la mise en demeure et la levée de suspension, n'ont pas davantage étaient respectées. Par conséquent, il résulte de l'instruction qu'à l'expiration du délai imparti, la société requérante n'avait pas déféré à la mise en demeure et à la mesure d'urgence et le préfet pouvait ainsi ordonner le paiement de l'amende administrative de 10 000 euros et fixer une astreinte d'un montant journalier de 300 euros jusqu'à satisfaction de l'article 2 de l'arrêté de mise en demeure du 21 octobre 2019.
7. En quatrième lieu, la circonstance, à la supposer même établie, que la société requérante se soit mise en conformité avec les arrêtés de mise en demeure à la date à laquelle le juge statue est sans incidence sur la légalité des arrêtés du 26 février 2020 dès lors que la possibilité d'ordonner le paiement d'une amende administrative et une astreinte journalière est ouverte s'il n'a pas été déféré à la mise en demeure et à la mesure d'urgence à l'expiration du délai imparti et si le non-respect de la mise en demeure perdure lors du prononcé des sanctions.
8. En cinquième lieu, la société requérante soutient que l'astreinte est manifestement disproportionnée sans assortir ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. En sixième lieu, la société requérante reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, son moyen de première instance tiré de l'absence de situation d'urgence pour justifier l'astreinte, au soutien duquel elle n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
10. En dernier lieu, alors que la société d'exploitation des établissements Jeanneau n'a jamais respecté la mesure d'urgence de l'arrêté du 21 octobre 2019 prononçant la suspension de l'exploitation et que les installations n'avaient pas été mises en conformité dans les délais fixés par la mise en demeure, elle n'est pas fondée à soutenir que l'amende de 10 000 euros ne serait pas justifiée en se prévalant des efforts qu'elle aurait fournis pour respecter les demandes de l'administration.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société d'exploitation des établissements Jeanneau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Bordeaux a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société d'exploitation des établissements Jeanneau la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société d'exploitation des établissements Jeanneau est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation des établissements Jeanneau et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.
La rapporteure,
Clémentine VoillemotLa présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00506