Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 17 mars 2022 par laquelle le conseil municipal de la commune du François a approuvé la modification simplifiée du plan local d'urbanisme, en tant qu'elle approuve en zone naturelle la création d'une centrale photovoltaïque de 3,2 hectares d'emprise au sol, et de réduire l'approbation comme portant sur seulement deux hectares, et subsidiairement d'annuler cette délibération dans sa totalité, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n°2200581 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la délibération du 17 mars 2022, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 novembre 2023 et
16 avril 2024, la commune du François, représentée par Me Tirault, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de rejeter la demande de l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais ;
3°) de mettre à la charge de l'association ASSAUPAMAR le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la délibération contestée ne méconnaît pas les dispositions de la délibération du conseil régional de Martinique adoptée le
17 mai 2013, et notamment son article 2, qui n'a aucunement pour objet d'interdire la construction de centrales photovoltaïques en zone agricole (A) et en zone naturelle (N) ;
- cette délibération du 17 mai 2013, et notamment ses articles 2,3 et 5, est illégale car non con-conforme à la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, codifiée aux articles L. 111-27 et suivants du code de l'urbanisme, et à son décret d'application du 8 avril 2024 qui autorise expressément l'installation de centrales photovoltaïques au sol sur les terrains agricoles ou naturels ; la délibération du 17 mai 2013 sur la méconnaissance de laquelle le TA s'est fondé pour annuler la délibération contestée est ainsi illégale du fait des dispositions législatives adoptées depuis visant à accélérer l'implantation de centrales photovoltaïques sur le territoire, notamment celles de l'article L. 121-39-1 du code de l'urbanisme et de l'article L. 151-11 du même code ainsi qu'à l'arrêté du 29 décembre 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires définissant les caractéristiques techniques des installations de production d'énergie photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d'espace naturels, agricoles et forestiers ;
- les modifications apportées pouvaient faire l'objet d'une modification simplifiée ;
- la délibération contestée n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation s'agissant des dimensions du STECAL ;
- la délibération contestée ne méconnaît pas les dispositions du code de l'urbanisme relative à la loi littoral ;
- la délibération contestée ne méconnaît pas le SCoT de la communauté d'agglomération de l'espace sud.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2024, l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR), représentée par Me Monotuka, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune requérante d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;
- en sus du moyen d'illégalité retenu par les premiers juges, la délibération est également illégale dès lors que :
--- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, les modifications apportées ne pouvaient faire l'objet d'une modification simplifiée mais devaient faire l'objet d'une procédure de modification ordinaire ;
--- elle méconnaît les dispositions du code de l'urbanisme relatives au STECAL ;
--- elle méconnaît les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la loi littoral ;
--- elle méconnaît les dispositions du SCoT de la communauté d'agglomération de l'espace sud.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 73 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi organique n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ;
- la délibération n° 13-752-5 du 17 mai 2013 du conseil régional de Martinique portant caractéristiques des installations au sol de production d'électricité à partir de l'énergie radiative du soleil (délibération relevant du domaine de la loi), publiée au Journal officiel de la République française le 6 juillet 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Tirault, représentant la commune du François.
Une note en délibéré présentée par la commune du François a été enregistrée le 26 mai 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 17 mars 2022, le conseil municipal du François a approuvé la modification simplifiée du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. L'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR) a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 25 mai 2022, rejeté par le maire du François le 28 juillet 2022. Par la présente requête, la commune du François relève appel du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé, à la demande de l'ASSAUPAMAR, la délibération du 17 mars 2022, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du troisième alinéa de l'article 73 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République : " Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement ". Aux termes de l'article LO 4435-9 du code général des collectivités territoriales : " Dans les conditions et sous les réserves prévues au présent chapitre, les conseils régionaux de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte peuvent être habilités à fixer les règles applicables sur le territoire de leur région dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement, à l'exception de celles énumérées au quatrième alinéa de l'article 73 de la Constitution ". Sur le fondement de l'article LO 4435-9 du code général des collectivités territoriales, l'article 18 de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution a habilité le conseil régional de la Martinique, pour une durée de deux ans, "à fixer des règles spécifiques à la Martinique en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables, dans les limites prévues dans sa délibération n° 11-287-1 du 15 mars 2011 publiée au Journal officiel du 24 avril 2011. ". En application de cette habilitation, le conseil régional de la Martinique a, par une délibération du 17 mai 2013, fixé des règles spécifiques à la Martinique s'agissant des caractéristiques des installations au sol de production d'électricité à partir de l'énergie radiative du soleil. Par ailleurs, aux termes du LO 4435-8 du code général des collectivités territoriales applicable à l'article LO 4435-9 en vertu de l'article LO 4435-11 du même code : " Les dispositions de nature législative d'une délibération prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article LO 4435-6 ne peuvent être modifiées par une loi que si celle-ci le prévoit expressément. De même, les dispositions de nature réglementaire prises sur le fondement de cette habilitation ne peuvent être modifiées par un règlement que si ce dernier le prévoit expressément. ".
3. L'article 2 de cette délibération du 17 mai 2013 dispose " Par dérogation à l'article L. 150-1 du code de l'urbanisme, sur le territoire de la Martinique, l'implantation des ouvrages de production d'électricité utilisant l'énergie solaire installés sur le sol n'est autorisée qu'en dehors : a) Des espaces naturels tels que les zones naturelles d'intérêt majeur et les zones naturelles du parc régional naturel de la Martinique, les réserves naturelles, les secteurs faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de protection biotope, les sites du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, les sites classés et sites inscrits au titre de la loi du 2 mai 1930, les espaces littoraux remarquables au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ; b) Des ZNIEFF de type 1 ". L'ancien article L. 150-1 du code de l'urbanisme, abrogé par l'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre 1er du code de l'urbanisme, dont le dernier alinéa a été repris à l'article L. 135-1 compris dans le Titre III relatif aux " Dispositions communes aux documents d'urbanisme " et dans un " Chap V : Documents d'urbanisme de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion et Mayotte ", était relatif aux dispositions particulières applicables sur ces territoires, et aux aménagements pouvant y être apportés s'agissant notamment du contenu des plan locaux d'urbanisme et de l'obligation de compatibilité entre les documents d'urbanismes et la charte d'un parc national.
4. Il ressort des pièces du dossier que la modification simplifiée du PLU de la commune du François en litige porte sur la création d'un secteur N3e destiné à accueillir spécifiquement un projet de centrale photovoltaïque, et la création de nouveaux espaces boisés classés (EBC) et d'espaces paysagers à protéger en application de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, notamment localisés en périphérie de la centrale, avec pour objectif de préserver des corridors écologiques et de maintenir le cadre de vie des riverains. Elle se traduit par la modification du plan de zonage, du fait de la création d'un secteur de taille et de capacité d'accueil limitées (STECAL) N3e d'une surface de 5 hectares, de l'ajout de 4 hectares d'EBC et de 3 hectares d'espaces paysagers à protéger, et par la modification du règlement de la zone N3 du PLU, du fait de l'insertion d'un règlement pour le secteur N3e. L'article 1er du règlement de la zone N3 modifié prévoit que " La zone N3 comprend un secteur N3e localisé à la Pointe Courchet dans lequel un projet de centrale photovoltaïque au sol sera développé " tandis que l'article 2 de ce même règlement autorise sous conditions dans le seul secteur N3e " Les installations et occupation du sol liées à la production d'énergie renouvelable d'origine solaire ".
5. Ce nouveau secteur N3e couvre la parcelle cadastrée section C n°967, antérieurement située en zone N1 du PLU de la commune, située au lieu-dit " Pointe Courchet ", qui abritait une ancienne décharge communale ayant fait l'objet de travaux de réhabilitation achevés en 2005. Or il ressort de la notice de présentation de la modification simplifiée en litige, et notamment de la cartographie de la charte 2012-2024 du parc naturel de la Martinique (PNM), que le secteur N3e et la parcelle correspondante s'implantent, pour partie dans une des zones naturelles du PNM, ce dernier comptant cinq grands secteurs (les zones naturelles d'intérêt majeur, les zones naturelles, les zones agricoles, les zones à dominante urbaine et espaces fragicilés, et enfin les zones paysagères sensibles). La notice précise d'ailleurs que le zonage de ces zones naturelles est établi à partir des zones N des PLU. Dans ces conditions, la modification simplifiée en litige, qui porte, comme le rappelle son dispositif, sur la création d'une centrale photovoltaïque au sol à la pointe Courchet, entre en contradiction directe avec l'article 2 de la délibération du 17 mai 2013 qui interdit l'implantation des ouvrages de production d'électricité utilisant l'énergie solaire installés sur le sol dans les zones naturelles du PNM. La commune du François ne peut utilement soutenir en défense que les articles 2, 3 et 5 de la délibération du 17 mai 2013 seraient illégaux du fait des évolutions législatives et règlementaires postérieures alors qu'en tout état de cause, en application des dispositions précitées de l'article LO 4435-8 du code général des collectivités territoriales, seule une loi portant précisément sur ces dispositions peut les modifier. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et n'est pas même soutenu, qu'une telle loi serait intervenue depuis la délibération du 17 mai 2013 relevant du domaine de la loi. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la délibération du 17 mars 2022 en litige méconnaissait les dispositions de l'article 2 de la délibération du conseil régional de Martinique du 17 mai 2013 portant caractéristiques des installations au sol de production d'électricité à partir de l'énergie radiative du soleil, et qu'un tel vice ne pouvait être régularisé.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du François n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la délibération du 17 mars 2022.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR), qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune du François au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune du François une somme de 1 500 euros à verser à l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR) au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune du François est rejetée.
Article 2 : La commune du François versera à l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR) une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêté sera notifié à l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR) et à la commune du François.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02922