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28/05/2025 | FRANCE | N°24BX02827

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 28 mai 2025, 24BX02827


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2400247 du 25 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et des pièces enregistrées les 29 novembre 2024 et 11 avril 2025, ces dernières pièces n'ayant pas été commu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2400247 du 25 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 29 novembre 2024 et 11 avril 2025, ces dernières pièces n'ayant pas été communiquées, Mme A... B..., représentée par Me Reix, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 avril 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, durant le temps de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

à titre principal :

- la décision portant refus de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle a été édictée en méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

à titre subsidiaire :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il confirme les termes de son mémoire en défense transmis en première instance.

Par une décision n° 2024/001447 du 28 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- et les observations de Me Tovia-Vila, représentant Mme B....

Une note en délibéré présentée par Mme A... B... a été enregistrée le 22 mai 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante géorgienne née le 23 février 1988, est entrée irrégulièrement en France le 15 janvier 2016. Elle a présenté une demande d'asile, ainsi que deux demandes de réexamen de cette demande d'asile dont la dernière a été rejetée définitivement le

8 juin 2018. Par arrêté du 11 juin 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 septembre 2019 et une ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 janvier 2020, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 21 mai 2021,

Mme B... a demandé son admission exceptionnelle au séjour ainsi que, le cas échéant, un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par jugement du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel le préfet de la Gironde avait rejeté cette demande de titre de séjour et l'avait obligée à quitter le territoire français, au motif tiré du défaut d'examen complet de situation personnelle, et a enjoint à cette autorité de réexaminer la demande. Par un arrêté du 22 mars 2023, le préfet de la Gironde a de nouveau rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 25 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour attaquée, qui n'avait pas à indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation de Mme B..., mentionne tant les motifs de droit dont il est fait application, que les éléments de fait caractérisant ses conditions de séjour et sa situation personnelle et familiale, sur lesquels le préfet de la Gironde s'est fondé.

En particulier, la décision attaquée vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'article L. 435-1. Elle prend en compte la durée du séjour en France de Mme B... et sa situation personnelle et familiale. Elle mentionne en outre, au titre de l'insertion professionnelle, la promesse d'embauche qui lui a été consentie par le laboratoire Poke Factory pour un poste d'employée polyvalente et considère, après avoir relevé que la requérante ne justifiait ni d'une ancienneté de travail, ni de diplômes, ni de l'expérience nécessaire pour exercer un tel emploi, que cette circonstance ne présente pas de caractère exceptionnel. Par suite, et nonobstant la circonstance que le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'a pas été visé, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour attaquée serait entachée d'une insuffisance de motivation.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de cette motivation, que le préfet de la Gironde a procédé à un examen sérieux de la situation de Mme B....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7,

L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. Mme B... soutient qu'elle séjourne en France depuis janvier 2016, soit depuis plus de sept ans à la date d'édiction de la décision attaquée, aux côtés de son époux et de leurs trois enfants, nés en 2008, 2010 et 2016, dont la plus jeune est née sur le territoire national. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette ancienneté de séjour est essentiellement due au maintien irrégulier de l'intéressée en France à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, en dépit de mesures d'éloignement prises tant à son encontre qu'à l'encontre de son époux par arrêtés du préfet de la Gironde du 11 juin 2019. Si Mme B... se prévaut de sa maitrise de la langue française, de son engagement associatif et en particulier son activité bénévole auprès de l'épicerie solidaire pendant la période d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 ainsi que d'une promesse d'embauche en tant qu'employée polyvalente auprès de la société Poke Factory datée du 28 avril 2021, soutient qu'elle exerce des fonctions d'aide à domicile depuis 2018 auprès de divers employeurs qui attestent de leur entière satisfaction et produit, à l'appui de ses affirmations, de nombreux bulletins de salaire, ces éléments ne sauraient suffire à caractériser une insertion socio-professionnelle notable, au regard du montant moyen inférieur au SMIC des salaires perçus ne lui permettant pas de subvenir aux besoins de sa famille, qui a recours à l'aide sociale pour la nourriture et l'hébergement ainsi qu'à l'aide médicale d'Etat. En outre, et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'époux de la requérante séjournerait régulièrement en France, ni y bénéficierait d'une quelconque insertion sociale ou professionnelle, rien ne fait obstacle, quand bien même le frère et la sœur de la requérante résident sur le territoire national, à ce que la cellule familiale se reconstitue en Géorgie où les enfants, en classe de CP, 5ème et 3ème à la date de la décision attaquée, pourront y poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, et alors que Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Géorgie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident toujours ses parents, la décision attaquée portant refus de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de Mme B....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. D'une part, les éléments relatifs à sa situation en France dont fait état Mme B..., tels que rappelés ci-dessus, ne permettent pas d'établir que cette situation relèverait des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. D'autre part, si l'appelante se prévaut d'une promesse d'embauche signée en tant qu'employée polyvalente auprès de la société Poke Factory datée du 28 avril 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet emploi nécessiterait une expérience et des qualifications très spécifiques, ni même que cette société ne serait pas parvenue à recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail. Par ailleurs, Mme B... ne peut utilement se prévaloir d'un contrat de travail signé le 1er décembre 2023, soit postérieurement à la date de la décision attaquée à laquelle s'apprécie sa légalité, avec la société JCB nettoyage pour un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de

15 heures par semaine. Dans ces conditions, et compte tenu également des motifs exposés au point 5, les circonstances invoquées ne peuvent être regardées comme relevant de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, justifiant que soit accordé à Mme B... un droit au séjour au titre du travail. Par suite, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de séjour en litige qui, par elle-même, n'implique pas le retour de la requérante, ni celui de son époux ou de leurs enfants, en Géorgie. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

Le président assesseur

Nicolas Normand

La présidente-rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02827
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MOLINA-ANDREO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;24bx02827 ?
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