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28/05/2025 | FRANCE | N°24BX02679

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 28 mai 2025, 24BX02679


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2401708 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Haas, demande à la cour :



1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2401708 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Haas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juin 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation particulière, notamment en ce qui concerne l'application de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du

1er août 1995 ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 compte tenu de la durée de sa résidence régulière en France et de ce qu'il justifie avoir disposé de ressources suffisantes sur le territoire français sur les dernières trois années ;

- le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a entaché sa décision d'un erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle est fondée ;

- le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a entaché sa décision d'un erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il confirme les termes de son mémoire de première instance.

Par une décision n° 2024/001889 du 12 septembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 7 décembre 1985, est entré régulièrement en France le 25 juillet 2018, sous couvert d'un visa de long séjour " conjoint de français ", valant titre de séjour, obtenu à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 22 janvier 2018 au Sénégal. Le 2 mai 2022, son titre de séjour a été renouvelé pour une durée d'un an. A la suite de sa demande de renouvellement de titre, présentée le

27 avril 2023, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 20 novembre 2023, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour attaquée, qui n'avait pas à indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. A..., mentionne tant les motifs de droit dont il est fait application, que les éléments de fait caractérisant ses conditions d'entrée de séjour et sa situation personnelle et familiale, sur lesquels le préfet de la Gironde s'est fondé. En particulier, la décision attaquée vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'article L. 423-1, et la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes. Elle indique notamment que M. A..., qui est entré régulièrement en France le 25 juillet 2018 à la suite de son mariage le 22 janvier 2018 au Sénégal avec une ressortissante française, a vu son titre de séjour renouvelé le 2 mai 2023 pour une année, que compte tenu de la rupture de communauté de vie avec son épouse qui l'a assigné en divorce le 24 décembre 2021, il ne peut plus prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français, que c'est en conséquence de manière indue qu'il a obtenu son précédent renouvellement de titre de séjour et que s'il se prévaut d'une nouvelle relation sentimentale avec une ressortissante française, cette nouvelle relation ne lui ouvre aucun droit au séjour. Elle relève en outre que M. A... ne justifie pas de son insertion durable dans la société française ou d'une situation professionnelle stable, ni être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et dans lequel résident toujours ses parents ainsi que ses quatre enfants mineurs. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour attaquée serait entachée d'une insuffisance de motivation.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de cette motivation, que le préfet de la Gironde a procédé à un examen sérieux de la situation de M. A.... A ce titre, alors même que le requérant n'avait pas explicitement présenté de demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'accord franco-sénégalais du 1er août 1995, le préfet, qui a indiqué, après avoir mentionné la durée de séjour et l'absence de situation professionnelle stable de l'intéressé, que celui-ci n'entre dans aucun cas d'attribution de cette convention, a de lui-même procédé à un examen particulier de son droit au séjour sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de M. A... doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er août 1995 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. / Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit dans les conditions prévues par l'État d'accueil. (...) ". L'article 13 de la même convention stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes des dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans. / (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que si, en application des stipulations précitées de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, les ressortissants sénégalais peuvent prétendre à la délivrance d'une carte de résident dès lors qu'ils justifient de trois années de résidence régulière et ininterrompue sur le territoire français, et non à l'issue des cinq années de présence prévues à l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne peuvent obtenir ce titre que s'ils remplissent les autres conditions cumulatives prévues par les autres dispositions de l'article L. 426-17, et notamment celle de disposer de ressources suffisantes devant atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance, ressources qui doivent être appréciées, pour les ressortissants sénégalais, sur la période des trois années précédant leur demande.

6. Il ressort des pièces du dossier que sur les trois dernières années précédant sa demande, M. A... a disposé d'un revenu moyen inférieur au salaire minimum de croissance. Par suite, et alors même qu'il justifie de trois années de résidence régulière en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er août 1995.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Si, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A... est entré régulièrement en France le

25 juillet 2018 à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 22 janvier 2018 au Sénégal, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie a cessé, l'épouse du requérant ayant déposé deux plaintes à son encontre les 27 mai 2019 et 14 janvier 2020 pour des faits de violences conjugales, avant de les retirer le 2 juin 2020, celui-ci ayant lui-même déposé une main courante à l'encontre de son épouse le 14 janvier 2020 et cette dernière ayant finalement engagé une procédure de divorce le 24 décembre 2021. Si M. A... justifie être en concubinage avec une autre ressortissante française, rencontrée en 2022 à un cours de danse, cette relation était encore récente à la date de la décision attaquée à laquelle s'apprécie sa légalité. Par ailleurs, si le requérant justifie également avoir effectué plusieurs missions d'intérim et occupé plusieurs emplois depuis son arrivée en France, il ne ressort pas des pièces produites que ces activités, alors que le dernier contrat de travail de l'intéressé a été rompu le 12 mai 2023 et que celui-ci perçoit depuis lors l'allocation de retour à l'emploi, caractériseraient une insertion professionnelle stable et durable sur le territoire français. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... est investi dans le milieu associatif en tant que musicien et danseur traditionnel, ces éléments ne suffisent pas à établir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situerait en France, alors qu'il est constant que l'intéressé dispose toujours d'attaches familiales fortes dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et où résident ses parents et ses quatre enfants mineurs nés de précédentes relations entre 2010 et 2016. Dans ces conditions, alors même que M. A... séjournait en France depuis quatre ans à la date de la décision portant refus de séjour en litige, le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aucun des moyens dirigés à l'encontre de la décision portant refus de séjour n'étant fondé, le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. Aucun des moyens dirigés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant fondé, le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

Le président assesseur

Nicolas Normand

La présidente-rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02679
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MOLINA-ANDREO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;24bx02679 ?
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