Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 avril 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2401182 du 6 juin 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de sa requête aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 avril 2024 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour, aux fins d'injonction et aux fins de versement au titre des frais liés au litige, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Lagarde, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Pau du 6 juin 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2024 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en ne faisant pas droit à ses conclusions et moyens de légalité externe et interne, le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant 5 ans est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par lettres du 9 avril 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible d'écarter d'office comme irrecevables les moyens tirés du caractère insuffisamment motivé et de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant 5 ans, ces moyens reposant sur des causes juridiques non soulevées en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à son mémoire présenté devant le tribunal.
Par ordonnance du 20 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2025 à 12 heures.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 12 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Nicolas Normand.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1999, de nationalité sénégalaise, est entré régulièrement sur le territoire français le 9 décembre 2005 et s'est vu délivrer, le 30 mars 2006, un document de circulation pour étranger mineur, régulièrement renouvelé jusqu'au 16 janvier 2018, puis une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 25 juin 2020 au 24 juin 2021, régulièrement renouvelée jusqu'au 7 juillet 2022. M. A... a présenté, le 30 juin 2022, une demande de renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 24 avril 2024, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans. M. A... relève appel du jugement du 6 juin 2024 du magistrat désigné du tribunal qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité en ne faisant pas droit à ses conclusions et moyens de légalité externe et interne.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, le requérant reprend en appel son moyen invoqué en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement. Il y a lieu d'écarter ce moyen à l'appui duquel le requérant ne présente aucun argument nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure (...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre (...) " et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
5. Il ressort du casier judiciaire du requérant qu'il a fait l'objet de trois condamnations à 550 euros, 800 euros et 600 euros d'amende, respectivement le 11 février 2020, le 27 avril 2021 et le 7 juillet 2021, pour des faits, commis le 18 décembre 2019, le 22 mars 2021 et le 10 novembre 2020, de conduite d'un véhicule sans permis. Il a également fait l'objet d'une condamnation à dix mois d'emprisonnement, le 24 octobre 2023, pour des faits, commis du 20 septembre 2022 au 20 octobre 2023, de détention non autorisée de stupéfiants, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, transport non autorisé de stupéfiants et acquisition non autorisée de stupéfiants. M. A... a été incarcéré le 24 octobre 2023 pour l'exécution de cette peine. Compte tenu de la nature, de la gravité, du caractère récent des infractions précitées, de la circonstance que M. A... a agi en état de récidive légale et de ce que son parcours délinquant est d'une gravité ascendante, sa présence sur le territoire français, constitue, ainsi que l'a estimé à juste titre le préfet de la Gironde dans la décision attaquée, une menace à l'ordre public. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans charge de famille. S'il résidait jusqu'à son interpellation chez sa mère, titulaire d'une carte de résident, avec ses deux sœurs titulaires de documents de circulation pour étranger mineur, il n'établit pas que sa présence en France à leur côté serait indispensable, notamment pour la plus jeune de ses sœurs âgée de 9 ans à la date de l'arrêté attaqué, en se bornant à produire une attestation en ce sens de sa mère. Il n'établit pas davantage qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel il s'est rendu à deux reprises en 2020 et 2021 pour des courts séjours, à la suite du décès de son père. Enfin, la promesse d'embauche du 5 octobre 2024 dans un garage automobile dont il se prévaut est postérieure à l'arrêté attaqué. Par suite, alors même qu'il est entré sur le territoire français dans le cadre d'une procédure de regroupement familial à l'âge de six ans, a bénéficié, ainsi qu'il a été dit au point 1, de documents de circulation pour étranger mineur entre le 30 mars 2006 et le 16 janvier 2018 puis de titres de séjour entre le 25 juin 2020 et le 7 juillet 2022, était, à la date de l'arrêté en litige, présent en France depuis dix-huit ans, et que selon l'attestation d'une association de prévention spécialisée de Bègles " il a su trouver sa place [en France] ", la décision du préfet de la Gironde portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 5 années :
6. En se bornant, dans son mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal le 16 mai 2024, à soutenir que " Les éléments mentionnés supra doivent emporter également l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire national ", le requérant n'a soulevé aucun moyen à l'encontre de cette décision. M. A... n'ayant ainsi soulevé en première instance, aucun moyen de légalité externe et interne, les moyens tirés du caractère insuffisamment motivé et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision, fondés sur des causes juridiques jusqu'alors non soulevées, constituent des demandes nouvelles irrecevables en appel.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02971