Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler les deux arrêtés du 20 octobre 2023 par lesquels le préfet de La Réunion leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n°s 2301592, 2301593 du 17 juillet 2024, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 octobre, 21 octobre 2024 et 24 mars 2025, M. A... et Mme D..., représentés par Me Rabearison, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2024 du tribunal administratif de La Réunion en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2°) d'annuler les décisions du 20 octobre 2023 du préfet de La Réunion leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer leur situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut d'examen sérieux de leur situation ;
- il est entaché d'une erreur de fait, dès lors que leur enfant n'est pas en rémission ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2025, le préfet de la Réunion conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.
M. A... et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 19 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme D..., ressortissants mauriciens nés respectivement le 8 juin 1984 et le 30 décembre 1985 à Maurice, sont entrés en France le 23 août 2019 sous couvert d'un visa de moins de trois mois. Ils ont obtenu une autorisation provisoire de séjour en qualité de parents d'enfant malade. Ils ont sollicité, le 15 mars 2023, un changement de statut sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 20 octobre 2023, le préfet de La Réunion a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... et Mme D... relèvent appel du jugement du 17 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si les requérants soutiennent que le tribunal administratif de La Réunion a entaché son jugement d'un défaut d'examen sérieux de leur situation, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont donc pas de nature à affecter la régularité du jugement et ne peuvent qu'être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés à La Réunion en 2019 pour que leur enfant C..., atteint d'un cancer, soit pris en charge thérapeutiquement. Ils ont à ce titre bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour en qualité de parent d'enfant malade. Il ressort toutefois de leurs écritures de première instance que C... " a vaincu son cancer ", ce qui a motivé leur demande de changement de statut sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils ne justifient d'aucune réelle insertion professionnelle par la seule promesse d'embauche produite pour M. A..., au demeurant postérieure aux décisions attaquées. Les attestations versées à l'instance, émanant de leurs voisins, ne suffisent pas à établir l'intensité et la stabilité des liens privés et personnels du couple en France. Par ailleurs, ils ne sont pas dépourvus de tout lien à Maurice, où ils ont vécu jusqu'à 37 ans pour Madame et 39 ans pour Monsieur. Enfin, si leurs quatre enfants, dont l'un né en France en 2022, ont entamé leur scolarité à la date des décisions en litige, rien n'indique qu'ils ne pourront la poursuivre à Maurice. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Si, comme il a été dit, trois des enfants des requérants ont entamé leur scolarité en France, rien n'indique qu'ils ne pourraient la poursuivre dans le pays d'origine de leurs parents. Par ailleurs, la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Ainsi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en refusant de délivrer un titre de séjour aux requérants.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. Les moyens dirigés contre les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour étant écartés, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions les obligeant à quitter le territoire français sont dépourvues de base légale.
10. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 20 octobre 2023 du préfet de La Réunion leur refusant la délivrance de titres de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions de M. A... et Mme D... dirigées contre les décisions du 20 octobre 2023 du préfet de La Réunion leur refusant la délivrance de titres de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. A... et Mme D... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera donnée pour information au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
M. Vincent Bureau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02449