Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions des 23 et 24 juillet 2020 par lesquelles le maire de la commune de Bellac a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle et de condamner la commune à lui verser les traitements non perçus, auxquels il avait droit ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 2001332 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé ces décisions, a enjoint à la commune de Bellac, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait et de droit, de procéder à la réintégration juridique et effective de M. C... et de reconstituer ses droits à pension de retraite et aux prestations de la sécurité sociale pour la période d'éviction illégale dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires et a condamné la commune de Bellac à verser à M. C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 23BX00203 du 4 février 2025, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la commune de Bellac tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 17 novembre 2022.
Procédure devant la cour :
Par des courriers, enregistrés les 22 février et 15 mai 2024, M. C... a demandé à la cour l'ouverture d'une procédure en exécution du jugement n° 2001332 du 17 novembre 2022.
Par une ordonnance du 3 juillet 2024, le président de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle sous le n° 24BX01624 en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures nécessaires à l'exécution du jugement du 17 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me Noël représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été recruté par la commune de Bellac au titre d'un contrat à durée déterminée courant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020 pour exercer des fonctions de " développeur de centre-ville". Le 11 mai 2020, M. C... a signé un nouveau contrat d'une durée de 3 ans, courant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2023, sur des fonctions de directeur général adjoint des services. Ce contrat de travail prévoyait, en son article 2, une période d'essai d'un mois destinée à permettre " à la collectivité d'évaluer les compétences de l'agent et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ". Par des décisions du 23 et du 24 juillet 2020, le maire de la commune a prononcé le licenciement de l'intéressé pour insuffisance professionnelle, avant le terme de la période d'essai prévue à son contrat. Par un jugement du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé ces décisions, a enjoint à la commune de Bellac, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait et de droit, de procéder à la réintégration juridique et effective de M. C... et de reconstituer ses droits à pension de retraite et aux prestations de la sécurité sociale pour la période d'éviction illégale dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires et a condamné la commune de Bellac à verser à M. C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un arrêt du 4 février 2025, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la commune de Bellac tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 17 novembre 2022. M. C... demande à la cour d'assurer l'exécution de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
En ce qui concerne l'exécution de l'article 2 du jugement n° 2001332 du 17 novembre 2022 :
3. Il appartient au juge, saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
4. Il résulte de l'instruction que la commune de Bellac n'a accompli aucune diligence utile à l'exécution du jugement. Dès lors, M. C... est fondé à soutenir que la commune de Bellac n'a pas exécuté le jugement du 17 novembre 2022 en dépit du large délai dont elle a disposé. Ce jugement implique l'édiction d'un arrêté de réintégration juridique à compter du 31 juillet 2020, date de prise d'effet des décisions d'éviction annulées par le tribunal, jusqu'au 30 juin 2023 date du terme du contrat de M. C.... Il implique aussi le règlement de la part salariale et de la part patronale des cotisations nécessaires à la reconstitution des droits à pension de retraite et aux prestations de la sécurité sociale du requérant pour cette période. Il y a lieu de prononcer à l'encontre de la commune une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et ce, jusqu'à la date à laquelle le jugement du 17 novembre 2022 aura reçu complète exécution. En revanche, contrairement à ce que soutient M. C... dans une correspondance du 15 décembre 2023 entre son avocat et celui de la commune, le jugement n'implique pas qu'il soit enjoint à la commune de Bellac de procéder au versement de la rémunération de M. C... au titre de la période d'éviction illégale.
En ce qui concerne l'exécution de l'article 3 du jugement n° 2001332 du 17 novembre 2022 :
5. Aux termes de l'article L. 4 du code de justice administrative : " Sauf dispositions législatives spéciales, les requêtes n'ont pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par la juridiction " et aux termes de l'article L. 11 du même code : "Les jugements sont exécutoires". Aux termes de l'article L. 911-9 du même code : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables. " Art. 1er. - (...) II. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. (...). IV. - L'ordonnateur d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local est tenu d'émettre l'état nécessaire au recouvrement de la créance résultant d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de justice. Faute de dresser l'état dans ce délai, le représentant de l'Etat adresse (...) à l'établissement public local une mise en demeure d'y procéder dans le délai d'un mois ; à défaut, il émet d'office l'état nécessaire au recouvrement correspondant (...) ". Aux termes enfin de l'article 1231-7 du code civil " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa. " et de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...) ".
6. Dès lors que les dispositions précitées du code de justice administrative permettent à M. C... d'obtenir le mandatement d'office de la somme que la commune a été condamnée à lui verser à défaut d'ordonnancement dans le délai prescrit, il n'y a pas lieu, en principe, de faire droit à sa demande tendant à ce que le juge prenne des mesures pour assurer l'exécution de cette décision. Il en va toutefois différemment lorsque le représentant de l'Etat, bien qu'il y soit tenu, ne procède pas au mandatement d'office prévu par les dispositions précitées du II de l'article 1-1 de la loi du 16 juillet 1980 reprises au II et IV de l'article L. 911-9 du code de justice administrative.
7. Il résulte de l'instruction que par courrier du 15 décembre 2023 dont le préfet de la Haute-Vienne a accusé réception le 18 décembre suivant, M. C... a demandé à cette autorité, en application des dispositions précitées, le mandatement d'office de la somme mise à la charge de la commune de Bellac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'article 3 du jugement du tribunal du 17 novembre 2022. Dès lors que le préfet est resté taisant sur la demande de M. C..., il y a lieu, pour la cour, d'ordonner à la commune de Bellac, en exécution du jugement du 17 novembre 2022, de verser à M. C... la somme de 1 500 euros, assortie des intérêts légaux entre le 17 novembre 2022, date de prononcé du jugement et le 20 janvier 2023, puis des intérêts légaux majorés de 5 points à compter du 21 janvier 2023, date à laquelle deux mois se sont écoulés depuis la notification du jugement. Il y a lieu d'assortir cette prescription d'une astreinte d'un montant de 250 euros par jour de retard s'il n'est pas justifié, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, du versement de la somme due.
D E C I D E :
Article 1er : Une astreinte de 100 euros par jour de retard, qui courra à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt jusqu'à la date à laquelle le jugement n° 2001332 du 17 novembre 2022 aura reçu complète exécution, est prononcée à l'encontre de la commune de Bellac dans les conditions prévues à l'article 4 du présent arrêt.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Bellac de procéder au paiement de la somme de 1 500 euros, assortie des intérêts légaux entre le 17 novembre 2022 et le 20 janvier 2023, puis des intérêts légaux majorés de 5 points à compter du 21 janvier 2023 en exécution du jugement du 17 novembre 2022. Une astreinte de 250 euros par jour de retard est prononcée à l'encontre de la commune de Bellac si elle ne justifie pas, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, avoir versé à M. C... la somme due.
Article 3 : La commune de Bellac communiquera au greffe de la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le jugement du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Limoges.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et à la commune de Bellac.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur.
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
Nicolas A...
La présidente,
Fabienne ZuccarelloLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01624