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29/04/2025 | FRANCE | N°22BX00793

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 29 avril 2025, 22BX00793


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Saint Barth Essentiel a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré un permis de construire à la société par actions simplifiées (SAS) St Jean Beach Real Estate Invest, ensemble la délibération du 3 juin 2021 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a accordé un permis de construir

e modificatif à la même société.



Les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Saint Barth Essentiel a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré un permis de construire à la société par actions simplifiées (SAS) St Jean Beach Real Estate Invest, ensemble la délibération du 3 juin 2021 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a accordé un permis de construire modificatif à la même société.

Les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock sont intervenues au soutien de la requête de l'association Saint Barth Essentiel.

Par un jugement n° 200007 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy, après avoir admis l'intervention des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, a annulé les délibérations du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy des 19 décembre 2019 et 3 juin 2021.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 22BX00793, par une requête et des mémoires enregistrés les 10 mars 2022, et 30 mars 2023, 23 septembre 2024 et 8 janvier 2025, et un mémoire récapitulatif enregistré le 20 février 2025, la société St Jean Beach Real Estate Invest, représentée par Me Robbes et Me de Lesquen, demande à la cour :

1°) de ne pas admettre l'intervention des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ;

2°) d'annuler le jugement du 23 décembre 2021 du tribunal administratif de Saint Barthélemy ;

3°) de rejeter la demande présentée par l'association Saint Barth Essentiel devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy ainsi que les conclusions des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ;

4°) de mettre à charge des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ;

- le tribunal a refusé à tort d'accéder à sa demande de renvoi d'audience, alors que sa demande tendant à la délivrance d'un deuxième permis modificatif était en cours d'instruction ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'incomplétude de l'étude d'impact sur les points relatifs aux effets des travaux sur le milieu naturel et aux effets du projet sur l'érosion de la plage ; il a également insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 112-2 du code de l'urbanisme, de la construction et de l'habitation de Saint-Barthélemy ;

- c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité de l'intervention des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ; ces dernières ne justifient pas d'un intérêt suffisant à intervenir ;

- les vices retenus par le tribunal étaient régularisables, de sorte que c'est à tort qu'il a refusé de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; le permis de construire initial, qui n'a pas été obtenu par fraude, était régularisable ;

- le permis de construire initial et le premier permis de construire modificatif n'étaient entachés d'aucune illégalité externe ou interne ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 112 2 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ; le tribunal a opéré une confusion entre le risque d'inondation et le risque cyclonique ; l'hôtel Emeraude n'avait pas subi de dommages majeurs lors du passage de l'ouragan Irma ; le site est protégé par le grand récif corallien localisé en face des parcelles d'assiette du projet ; la prescription du permis initial imposant un aménagement des locaux en sous-sol prenant en compte le fait que ces locaux risquent d'être inondés en cas de cyclone n'a pas été supprimée par la délivrance du premier permis modificatif ; l'étude d'impact révèle la prise en compte du risque cyclonique, qui est qualifié de sérieux ; des mesures concrètes étaient prévues pour protéger et évacuer les clients et employés de l'hôtel en cas d'inondation par submersion marine, notamment du sous-sol ; un système d'alerte et d'alarme est aussi efficace que la construction d'une digue, laquelle porterait atteinte à l'environnement ; le risque de tsunami d'origine tectonique a également été pris en compte ; plusieurs hôtels de la baie Saint Jean comportent des sous-sols ;

- l'étude d'impact réalisée avant l'adoption du permis initial ne comportait aucune insuffisance ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le permis initial et le premier permis modificatif ne méconnaissaient pas les dispositions des articles U6, U7 et U9 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- les autres moyens invoqués en première instance par l'association Saint Barth Essentiel n'étaient pas fondés ;

- le dossier joint à la demande du deuxième permis modificatif indique précisément le volume de déblais et leur destination ; le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande doit donc être écarté ;

- l'étude d'impact a été revue et complétée, en particulier sur les travaux de fondation, la pollution en phase d'exploitation, le risque de soulèvement du fond de fouille, le risque d'érosion, le risque d'inondation, la puissance électrique, les effets du projet sur le trafic routier et les effets sur le paysage ; le moyen tiré des insuffisances de l'étude d'impact doit donc être écarté ;

- à l'occasion du deuxième permis de construire modificatif, la procédure d'information du public a été reprise et menée conformément aux dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de l'environnement de Saint-Barthélemy ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la charte de l'environnement doit donc être écarté ;

- le deuxième permis modificatif modifie les besoins en eau et en électricité et reprécise les modalités de desserte du projet ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 66 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy doit donc être écarté ;

- le deuxième permis modificatif respecte la règle de densité prévue à l'article U6 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le deuxième permis modificatif respecte la règle de hauteur prévue à l'article U7 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le deuxième permis modificatif respecte la règle de composition des toitures prévue à l'article U8 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le nouveau projet vise au respect de l'article 112-12 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy en matière de stationnement ;

- le deuxième permis modificatif respecte la règle relative à la part de terrain non imperméabilisé et végétalisé prévue à l'article U10 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- le nouveau projet ne méconnaît pas l'article 112-2 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ; l'emprise au sol du sous-sol a été réduite d'environ 50 %, son usage est désormais limité aux locaux techniques et à un parking de 83 places opéré par voituriers, de sorte qu'il n'est plus accessible à la clientèle et n'est plus occupé de façon constante par le personnel ; les modalités de protection d'un sous-sol ont été renforcées en cas de réalisation du risque de submersion ;

- le nouveau projet, eu égard à sa reconfiguration, ne comporte pas de risque d'atteinte à l'environnement, en particulier de pollution des eaux de la baie et d'érosion de la plage ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 112-7 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy doit donc être écarté ;

- le nouveau projet, eu égard à sa reconfiguration, ne comporte pas de risque d'atteinte au paysage ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 112-6 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy doit donc être écarté ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 90 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy doit être écarté comme inopérant ; en effet, à la date de délivrance du permis initial, la carte d'urbanisme n'avait délimité aucune zone dans laquelle la démolition des immeubles était soumise à une autorisation préalable ;

- le moyen, invoqué par les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, tiré de ce que le permis initial aurait été obtenu par fraude n'avait pas à être soulevé d'office par le tribunal et est irrecevable compte tenu de la cristallisation des moyens ; ce moyen est en outre infondé ;

- les conclusions des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock dirigées contre le deuxième permis modificatif sont irrecevables ; en leur qualité d'intervenantes, elles peuvent seulement s'associer aux conclusions d'une partie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que l'association St Barth Essentiel n'entend pas contester le deuxième permis modificatif ;

- les moyens invoqués par les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock pour contester le deuxième permis modificatif ne sont pas fondés ; contrairement à ce que soutiennent ces sociétés :

- le deuxième permis modificatif n'a pas pour effet de modifier l'assiette du projet, de sorte que le moyen tiré de ce qu'il aurait été obtenu par fraude est inopérant ; ce moyen est en tout état de cause infondé ;

- la nouvelle étude d'impact a été mise à la disposition du public du 8 avril au 3 mai 2024 et le bilan a été présenté au conseil exécutif le 14 août suivant ; les dispositions des articles 13-17 et 11-14 du code de l'environnement ont donc été respectées ;

- aucun élément ne permet de douter de la communication du dossier de permis de construire aux membres du conseil exécutif ;

- la nouvelle étude d'impact ne présente aucune insuffisance s'agissant de l'étude du trafic, des études sur les fondations, du nombre de clients et de membres du personnel de l'établissement hôtelier projeté, le risque d'érosion, l'utilisation du " jet groutting ", les risques de pollution des eaux, l'installation de traitement des eaux usées et l'unité de dessalement, le risque d'inondation et le risque de submersion marine et la consommation d'énergie ;

- le deuxième permis modificatif ne méconnaît pas les dispositions des articles U9, U10 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le deuxième permis modificatif ne présente aucun risque pour la sécurité et la salubrité publiques et ne méconnaît ainsi pas les dispositions de l'article 112-2 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- le deuxième permis modificatif améliore l'intégration du projet à son environnement paysager et ne méconnaît ainsi pas l'article 112-6 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- le deuxième permis modificatif ne méconnaît pas l'article 112-7 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy.

Par des mémoires enregistrés les 24 mars 2023 et 8 novembre 2024, et un mémoire récapitulatif enregistré le 13 février 2025, l'association Saint Barth Essentiel, représentée par Me Hansen, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la " prise en compte " du permis de construire modificatif du 14 août 2024 issu de la médiation entre les parties et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête de la société St Jean Beach Real Estate Invest.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par la société St Jean Beach Real Estate Invest ne sont pas fondés ;

- elle n'entend pas contester le second permis modificatif délivré à la société le 14 août 2024.

Par des mémoires enregistrés les 28 mars 2023, 8 novembre 2024, 30 janvier 2025 et 28 février 2025, et un mémoire récapitulatif enregistré le 10 mars 2025, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, représentées par Me Moustardier, demandent à la cour de rejeter la requête de la société St Jean Beach Real Estate Invest, d'annuler la délibération du 14 août 2024 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré un deuxième permis de construire modificatif à la société St Jean Beach Real Estate Invest, de prononcer, sur le fondement de l'article L. 741-2, la suppression des passages injurieux des écritures de cette société et de mettre à la charge de cette dernière une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- le tribunal a admis à juste titre leur intervention ;

- le tribunal a estimé à juste titre que le vice tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article 112-2 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint Barthélemy n'était pas régularisable ;

- le tribunal a retenu à juste titre que le permis initial et le premier permis modificatif étaient entachés de vices de légalité externe et interne ;

- le premier permis modificatif a été pris à l'issue d'une procédure de participation du public insuffisante ;

- ce premier permis modificatif a été édicté sur la base d'une étude d'impact insuffisante s'agissant des risques de pollution des eaux lors de l'exploitation de l'hôtel, des risques d'inondation, de la consommation d'eau lors de l'exploitation de l'hôtel ;

- en méconnaissance de l'article 112-13 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy, aucune justification n'est produite s'agissant des places de stationnement prévues sur la parcelle AI 742 ;

- le premier permis modificatif méconnaît les articles U8 et U10 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le permis initial et le premier permis modificatif méconnaissent l'article 112-2 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy au regard du risque pour la sécurité publique à raison des conditions de circulation et au regard du risque pour la salubrité publique

- le permis initial et le premier permis modificatif méconnaissent l'article 112-7 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy eu égard au risque d'érosion de la plage et au risque de pollution des eaux lors de la construction puis lors de l'exploitation de l'hôtel ;

- le permis initial et le premier permis modificatif méconnaissent l'article 112-6 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- le permis initial ne peut pas être régularisé dès lors qu'il a été délivré au terme de manœuvres frauduleuses ;

- elles sont recevables à contester le deuxième permis modificatif octroyé à la société pétitionnaire ;

- le deuxième permis modificatif constitue un nouveau permis de construire ;

- ce permis été obtenu par fraude ;

- ce permis a été obtenu à l'issue d'une procédure irrégulière ; en méconnaissance des articles 11-2 et 13-17 du code de l'environnement de Saint-Barthélemy, aucune information n'a été faite sur la mise à disposition du public de la nouvelle étude d'impact ; en méconnaissance de l'article 11-3, aucune délibération du conseil exécutif n'a fixé les dates de cette mise à disposition ; en méconnaissance de l'article 11-4 du même code, aucune délibération du conseil exécutif n'est venue tirer les conséquences du bilan de la mise à disposition du public ;

- il n'est pas établi que les membres du conseil exécutif auraient reçu communication du deuxième permis modificatif ; la preuve de l'information des élus ne peut être apportée que par la collectivité de Saint-Barthélemy ;

- la nouvelle étude d'impact est insuffisante sur de nombreux aspects du projet, en particulier sur l'analyse des conditions de circulation sur la RD 209 ; elle reste imprécise sur l'utilisation de la technique de " jet grouting " et sur l'ampleur des fondations nécessaires ; l'étude d'impact repose sur une sous-évaluation systématique du nombre de clients et de membres du personnel qui seront présents sur le site, ce qui affecte les conclusions relatives au besoin en eau et en électricité, au dimensionnement de la STEP et à l'incidence sur les conditions de circulation ;

- l'étude d'impact minore le risque d'érosion ; l'étude d'impact est également insuffisante s'agissant des risques de pollution des eaux souterraines durant la construction puis une fois l'hôtel exploité ; elle est aussi insuffisante s'agissant de l'analyse des risques d'inondation et submersion marine en cas de cyclone ou de tsunami ; l'étude d'impact minimise enfin les besoins en énergie du projet ;

- le nouveau permis méconnaît les dispositions de l'article U9 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- il méconnaît les dispositions de l'article U10 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- il méconnaît l'article 112-2 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy au regard du risque pour la sécurité publique lié à l'existence d'un sous-sol et au regard du risque pour la salubrité publique ;

- il méconnaît l'article 112-6 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy en densifiant le projet :

- il méconnaît l'article 112-7 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- en admettant que ce permis constitue un permis modificatif, il est entaché des vices de légalité externe et interne ci-dessus relevés ;

- leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 742-1 du code de justice administrative sont recevables.

Par des mémoires enregistrés les 8 janvier 2025 et 7 mars 2025 et un mémoire récapitulatif enregistré le 18 mars 2025, la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par Me Destarac, conclut à l'annulation du jugement du 23 décembre 2021 du tribunal administratif de Saint-Barthélemy, au rejet de la demande présentée devant le tribunal par l'association Saint-Barth Essentiel et de l'intervention des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ou, à défaut, à la mise en œuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, au rejet des conclusions des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock dirigées contre le permis de construire modificatif délivré le 14 août 2024 et à la mise à la charge de ces sociétés d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ne justifiaient pas d'un intérêt à intervenir en première instance, et ne justifient pas davantage d'un tel intérêt en appel ; en leur qualité d'intervenantes, ces sociétés ne sont pas recevables à contester le dernier modificatif, lequel n'est pas contesté par l'association Saint Barth Essentiel ; les moyens qu'elles invoquent ne viennent pas au soutien de conclusions qui seraient présentées par ladite association ;

- les vices retenus par le tribunal étaient régularisables, de sorte que c'est à tort qu'il a refusé de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- le moyen tiré de ce que le permis aurait été obtenu par fraude est irrecevable à l'encontre du permis initial, inopérant à l'encontre des permis modificatifs et infondé.

Par une ordonnance du 13 février 2025, la date de cristallisation des moyens a, en application du 3ème alinéa de l'article R. 600-5 du code de justice administrative, été fixée au 10 mars 2025.

Par une lettre du 17 février 2025, la cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office.

Par une ordonnance du 11 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mars 2025.

Des notes en délibéré ont été produites pour la société St Jean Beach Real Estate Invest les 1er avril et 4 avril 2025 et pour la collectivité de Saint-Barthélemy le 7 avril 2025.

II) Sous le n° 22BX00957, par une requête et des mémoires enregistrés les 26 mars 2022, 8 janvier 2025 et 30 janvier 2025, un mémoire récapitulatif enregistré le 7 mars 2025, et un second mémoire récapitulatif enregistré le 18 mars 2025 (non communiqué), la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par Me Destarac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 décembre 2021 du tribunal administratif de Saint Barthélemy ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par l'association Saint-Barth Essentiel ainsi que l'intervention des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ou, à défaut, de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de rejeter les conclusions des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock dirigées contre le permis de construire modificatif du 14 août 2024 ;

4°) de mettre à la charge des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier ;

- les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ne justifiaient pas d'un intérêt à intervenir en première instance, et ne justifient pas davantage d'un tel intérêt en appel ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'étude d'impact n'est entachée d'aucune insuffisance ;

- le projet est conforme aux articles U6, U7, U9 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article 112-2 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy, lesquelles n'étaient au demeurant pas opposables au permis initial délivré le 19 décembre 2019 ;

- les vices retenus par le tribunal étaient régularisables, de sorte que c'est à tort qu'il a refusé de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- le second permis modificatif a régularisé l'ensemble des vices retenus par le tribunal ;

- en leur qualité d'intervenantes, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ne sont pas recevables à contester le dernier permis modificatif, lequel n'est pas contesté par l'association Saint Barth Essentiel ; les moyens qu'elles invoquent ne viennent pas au soutien de conclusions qui seraient présentées par ladite association ;

- le moyen tiré de ce que le permis initial aurait été obtenu par fraude est irrecevable à l'encontre du permis initial, inopérant à l'encontre des permis modificatifs et infondé ;

- le second permis modificatif n'est entaché d'aucun vice de légalité externe ou de légalité interne ;

- si un moyen était retenu, il conviendrait de mettre en œuvre les dispositions de articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires enregistrés les 24 mars 2023 et 8 novembre 2024, et un mémoire récapitulatif enregistré le 13 février 2025, l'association Saint Barth Essentiel, représentée par Me Hansen, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, à la " prise en compte " du permis de construire modificatif du 14 août 2024 issu de la médiation entre les parties et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête de la collectivité de Saint-Barthélemy.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par la collectivité de Saint-Barthélemy ne sont pas fondés ;

- elle n'entend pas contester le second permis modificatif délivré le 14 août 2024.

Par des mémoires enregistrés les 28 mars 2023, 8 novembre 2024 et 30 janvier 2025, et un mémoire récapitulatif enregistré le 10 mars 2025, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, représentées par Me Moustardier, demandent à la cour de rejeter la requête de la collectivité de Saint-Barthélemy, d'annuler la délibération du 9 septembre 2024 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré un deuxième permis de construire modificatif à la société St Jean Beach Real Estate Invest, et de mettre à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- le tribunal a admis à juste titre leur intervention ;

- le tribunal a estimé à juste titre que le vice tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article 112-2 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint Barthélemy n'était pas régularisable ;

- le tribunal a retenu à juste titre que le permis initial et le premier permis modificatif étaient entachés de vices de légalité externe et interne ;

- le premier permis modificatif a été pris à l'issue d'une procédure de participation du public insuffisante ;

- ce premier permis modificatif a été édicté sur la base d'une étude d'impact insuffisante s'agissant des risques de pollution des eaux lors de l'exploitation de l'hôtel, des risques d'inondation, de la consommation d'eau lors de l'exploitation de l'hôtel ;

- en méconnaissance de l'article 112-13 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy, aucune justification n'est produite s'agissant des places de stationnement prévues sur la parcelle AI 742 ;

- le premier permis modificatif méconnaît les articles U8 et U10 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le permis initial et le premier permis modificatif méconnaissent l'article 112-2 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy au regard du risque pour la sécurité publique à raison des conditions de circulation et au regard du risque pour la salubrité publique ;

- le permis initial et le premier permis modificatif méconnaissent l'article 112-7 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy eu égard au risque d'érosion de la plage et au risque de pollution des eaux lors de la construction puis lors de l'exploitation de l'hôtel ;

- le permis initial et le premier permis modificatif méconnaissent l'article 112-6 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- le permis initial ne peut pas être régularisé dès lors qu'il a été délivré au terme de manœuvres frauduleuses ;

- elles sont recevables à contester le deuxième permis modificatif octroyé à la société pétitionnaire ;

- le deuxième permis modificatif constitue un nouveau permis de construire ;

- ce permis été obtenu par fraude ;

- ce permis a été obtenu à l'issue d'une procédure irrégulière ; en méconnaissance des articles 11-2 et 13-17 du code de l'environnement de Saint-Barthélemy, aucune information n'a été faite sur la mise à disposition du public de la nouvelle étude d'impact ; en méconnaissance de l'article 11-3, aucune délibération du conseil exécutif n'a fixé les dates de cette mise à disposition ; en méconnaissance de l'article 11-4 du même code, aucune délibération du conseil exécutif n'est venue tirer les conséquences du bilan de la mise à disposition du public ;

- il n'est pas établi que les membres du conseil exécutif auraient reçu communication du deuxième permis modificatif ; la preuve de l'information des élus ne peut être apportée que par la collectivité de Saint-Barthélemy ;

- la nouvelle étude d'impact est insuffisante sur de nombreux aspects du projet, en particulier sur l'analyse des conditions de circulation sur la RD 209 ; elle reste imprécise sur l'utilisation de la technique de " jet grouting " et sur l'ampleur des fondations nécessaires ; l'étude d'impact repose sur une sous-évaluation systématique du nombre de clients et de membres du personnel qui seront présents sur le site, ce qui affecte les conclusions relatives au besoin en eau et en électricité, au dimensionnement de la STEP et à l'incidence sur les conditions de circulation ; l'étude d'impact minore le risque d'érosion ; l'étude d'impact est également insuffisante s'agissant des risques de pollution des eaux souterraines durant la construction puis une fois l'hôtel exploité ; elle est aussi insuffisante s'agissant de l'analyse des risques d'inondation et submersion marine en cas de cyclone ou de tsunami ; l'étude d'impact minimise enfin les besoins en énergie du projet ;

- le nouveau permis méconnaît les dispositions de l'article U9 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- il méconnaît les dispositions de l'article U10 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- il méconnaît l'article 112-2 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy au regard du risque pour la sécurité publique lié à l'existence d'un sous-sol et au regard du risque pour la salubrité publique ;

- il méconnaît l'article 112-6 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy en densifiant le projet ;

- il méconnaît l'article 112-7 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- en admettant que ce permis constitue un permis modificatif, il est entaché des vices de légalité externe et interne ci-dessus relevés.

Par des mémoires enregistrés les 31 mars 2022, 28 mars 2023 et 23 septembre 2024, et un mémoire récapitulatif enregistré le 20 février 2025, la société St Jean Beach Real Estate Invest, représentée par Me Robbes et Me de Lesquen, demande à la cour de rejeter l'intervention des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par l'association Saint Barth Essentiel devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy.

Elle soutient que :

- le second permis modificatif a régularisé les vices retenus par le tribunal ;

- le moyen tiré de l'absence de permis de démolir est inopérant.

Par une ordonnance du 13 février 2025, la date de cristallisation des moyens a, en application du 3ème alinéa de l'article R. 600-5 du code de justice administrative, été fixée au 10 mars 2025.

Par une ordonnance du 11 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mars 2025.

Une note en délibéré a été produite pour la collectivité de Saint-Barthélemy le 7 avril 2025.

III) Sous le n° 24BX03088, par une requête et des mémoires enregistrés les 6 et 10 décembre 2024, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, représentées par Me Moustardier, ont demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy :

1°) d'annuler la délibération n° 2024-1176 CE, en date du 9 septembre 2024 par laquelle le Conseil exécutif de la Collectivité de Saint-Barthélemy a accordé le permis de construire modificatif n° PC 971123 19 00052 M03 à la société St Jean Beach Real Estate Invest ;

2°) de mettre à la charge de la société St Jean Beach Real Estate Invest et de la collectivité de Saint-Barthélemy une somme de 5.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement de leur requête relève de la compétence du tribunal administratif ;

- leur requête est recevable ; le permis attaqué, délivré postérieurement à l'annulation contentieuse du permis initial et alors que le pétitionnaire et la collectivité n'ont pas sollicité le sursis à exécution du jugement, doit être requalifié en un nouveau permis de construire ; elles ont intérêt à agir, y compris le cas échéant pour contester les modifications résultant du permis en litige ; leurs parcelles sont à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet ; le nouveau projet, qui augmente la densité des constructions, porte atteinte au cadre de vie et aux paysages ; le projet sera visible depuis l'hôtel Eden Rock ; si la hauteur à l'égout a été réduite pour mettre le projet en conformité avec l'article U7 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy, la hauteur maximale au faîtage a été augmentée, ce qui entraine une augmentation du volume des constructions ; le nouveau projet porte atteinte à l'environnement de la baie de Saint-Jean en raison du risque d'érosion qui va être aggravé ; une telle érosion aura un impact sur les conditions d'utilisation de l'hôtel Eden Rock, implanté sur promontoire rocheux, et entrainera la disparition du trait de côte ; le projet présente un risque de pollution des eaux marines ; le projet présente un risque d'atteinte à la sécurité des personnes ; le projet porte atteinte aux conditions de circulation ;

- le permis initial a été obtenu par fraude, dans le but de dissimuler une densification du bâti en méconnaissance de l'article 6 de la carte communale et d'augmenter artificiellement la part des surfaces non imperméabilisées et végétalisées prévue à l'article U10 de la carte communale ;

- en méconnaissance des articles 11-2 et 13-17 du code de l'environnement de Saint Barthélemy, aucune information n'a été faite sur la mise à disposition du public de la nouvelle étude d'impact ;

- en méconnaissance de l'article 11-3, aucune délibération du conseil exécutif n'a fixé les dates de cette mise à disposition ;

- en méconnaissance de l'article 11-4 du même code, aucune délibération du conseil exécutif n'est venue tirer les conséquences du bilan de la mise à disposition du public ;

- il n'est pas établi que les membres du conseil exécutif auraient reçu communication de ce permis ; la preuve de l'information des élus ne peut être apportée que par la collectivité de Saint-Barthélemy ;

- la nouvelle étude d'impact est insuffisante sur de nombreux aspects du projet, en particulier sur l'analyse des conditions de circulation sur la RD 209 ; elle reste imprécise sur l'utilisation de la technique de " jet grouting " et sur l'ampleur des fondations nécessaires ; l'étude d'impact repose sur une sous-évaluation systématique du nombre de clients et de membres du personnel qui seront présents sur le site, ce qui affecte les conclusions relatives au besoin en eau et en électricité, au dimensionnement de la STEP et à l'incidence sur les conditions de circulation ; l'étude d'impact minore le risque d'érosion ; l'étude d'impact est également insuffisante s'agissant des risques de pollution des eaux souterraines durant la construction puis une fois l'hôtel exploité ; elle est aussi insuffisante s'agissant de l'analyse des risques d'inondation et submersion marine en cas de cyclone ou de tsunami ; l'étude d'impact minimise enfin les besoins en électricité du projet ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article U9 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- il méconnaît les dispositions de l'article U10 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- il méconnaît l'article 112-2 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy au regard du risque pour la sécurité publique lié à l'existence d'un sous-sol et au regard du risque pour la salubrité publique ;

- il méconnaît l'article 112-6 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy en densifiant le projet ;

- il méconnaît l'article 112-7 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy.

Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2024, la société St Jean Beach Real Estate Invest, représentée par Me Robbes et Me de Lesquen, a conclu à la transmission de la requête à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2024, la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par Me Destarac, a conclu à la transmission de la requête à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une ordonnance n° 2400060 du 20 décembre 2024, le président du tribunal administratif de Saint-Barthélemy a, sur le fondement de l'article R. 321-1 du code de justice administrative, transmis le dossier de la requête des sociétés à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par des mémoires enregistrés les 20 janvier 2025 et 16 février 2025 ainsi que deux autres mémoires enregistrés les 6 février et 18 mars 2025 mais non communiqués, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock concluent aux mêmes fins que leur requête et demandent en outre à la cour de transmettre le dossier de leur requête au tribunal administratif de Saint-Barthélemy ou, à titre subsidiaire, au président de la section du contentieux du Conseil d'État sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative.

Elles soutiennent en outre que :

- la cour n'est pas compétente pour juger leur requête ;

- la question sérieuse de compétence qui est soulevée doit être réglée par le président de la section du contentieux du Conseil d'État.

Par des mémoires enregistrés les 5 février et 7 mars 2025, la société St Jean Beach Real Estate Invest, représentée par Me Robbes et Me de Lesquen, conclut au rejet de la requête des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock et à la mise à la charge de ces sociétés d'une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de la requête relève de la compétence la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

- la requête des sociétés est irrecevable ; leur intérêt à agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis de construire en litige ;

- aucun des moyens invoqués par les sociétés requérantes n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 11 février et 7 mars 2025, la collectivité de Saint Barthélemy, représentée par Me Destarac, conclut au rejet de la requête des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock et à la mise à la charge de ces sociétés d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de la requête relève de la compétence la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

- la requête des sociétés est irrecevable ; elles ne justifient pas avoir procédé à la notification de leur requête dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; de plus, elles n'ont pas intérêt à agir ; leur intérêt à agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis de construire en litige ;

- aucun des moyens invoqués par les sociétés requérantes n'est fondé.

Par une ordonnance du 11 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mars 2025.

IV) Sous le n° 24BX03086, par une requête et des mémoires enregistrés les 6 et 10 décembre 2024, la société Lil'Rock Beach, représentée par Me Moustardier, a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy :

1°) d'annuler la délibération n° 2024-1176 CE, en date du 9 septembre 2024 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a accordé le permis de construire modificatif n° PC 971123 19 00052 M03 à la société St Jean Beach Real Estate Invest ;

2°) de mettre à la charge de la société St Jean Beach Real Estate Invest et de la collectivité de Saint-Barthélemy une somme de 5 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de sa requête relève de la compétence du tribunal administratif ;

- sa requête est recevable ; elle a la qualité de voisine immédiate du projet ; ce projet est de nature à affecter directement les conditions d'exploitation du restaurant Nao Beach ;

- le permis initial a été obtenu par fraude, dans le but de dissimuler une densification du bâti en méconnaissance de l'article U6 de la carte d'urbanisme et d'augmenter artificiellement la part des surfaces non imperméabilisées et végétalisées prévue à l'article U 10 de la carte d'urbanisme ;

- en méconnaissance des articles 11-2 et 13-17 du code de l'environnement de Saint-Barthélemy, aucune information n'a été faite sur la mise à disposition du public de la nouvelle étude d'impact ;

- en méconnaissance de l'article 11-3 de ce code, aucune délibération du conseil exécutif n'a fixé les dates de cette mise à disposition ;

- en méconnaissance de l'article 11-4 du même code, aucune délibération du conseil exécutif n'est venue tirer les conséquences du bilan de la mise à disposition du public ;

- il n'est pas établi que les membres du conseil exécutif auraient reçu communication de ce permis ; la preuve de l'information des élus ne peut être apportée que par la collectivité de Saint-Barthélemy ;

- la nouvelle étude d'impact est insuffisante sur de nombreux aspects du projet, en particulier sur l'analyse des conditions de circulation sur la RD 209 ; elle reste imprécise sur l'utilisation de la technique de " jet grouting " et sur l'ampleur des fondations nécessaires ; l'étude d'impact repose sur une sous-évaluation systématique du nombre de clients et de membres du personnel qui seront présents sur le site, ce qui affecte les conclusions relatives au besoin en eau et en électricité, au dimensionnement de la STEP et à l'incidence sur les conditions de circulation ; l'étude d'impact minore le risque d'érosion ; l'étude d'impact est également insuffisante s'agissant des risques de pollution des eaux souterraines durant la construction puis une fois l'hôtel exploité ; elle est aussi insuffisante s'agissant de l'analyse des risques d'inondation et submersion marine en cas de cyclone ou de tsunami ; l'étude d'impact minimise enfin les besoins en électricité du projet ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article U9 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- il méconnaît les dispositions de l'article U10 de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy ;

- il méconnaît l'article 112-2 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy au regard du risque pour la sécurité publique lié à l'existence d'un sous-sol et au regard du risque pour la salubrité publique ;

- il méconnaît l'article 112-6 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy en densifiant le projet ;

- il méconnaît l'article 112-7 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy.

Par un mémoire enregistré les 16 décembre 2024, la société St Jean Beach Real Estate Invest, représentée par Me Robbes et Me de Lesquen, a conclu à la transmission de la requête à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2024, la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par Me Destarac, a conclu à la transmission de la requête à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une ordonnance n° 2400059 du 20 décembre 2024, le président du tribunal administratif de Saint-Barthélemy a, sur le fondement de l'article R. 321-1 du code de justice administrative, transmis le dossier de la requête de la société Lil'Rock Beach à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par des mémoires enregistrés les 20 janvier 2025 et 16 février 2025, ainsi que deux autres mémoires enregistrés les 6 février et 18 mars 2025 mais non communiqués, la société Lil'Rock conclut aux mêmes fins que sa requête et demande en outre à la cour de transmettre le dossier de la requête au tribunal administratif de Saint-Barthélemy ou, à titre subsidiaire, au président de la section du contentieux du Conseil d'État sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cour n'est pas compétente pour juger sa requête ;

- la question sérieuse de compétence qui est soulevée doit être réglée par le président de la section du contentieux du Conseil d'État.

Par des mémoires enregistrés les 5 février et 7 mars 2025, la société St Jean Beach Real Estate Invest, représentée par Me Robbes et Me de Lesquen, conclut au rejet de la requête de la société Lil'Rock Beach et à la mise à la charge de cette société d'une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de cette requête relève de la compétence la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

- la requête est irrecevable ; cette recevabilité doit être appréciée au regard de la portée des modifications apportées par le permis de construire en litige ;

- aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 11 février et 7 mars 2025, la collectivité de Saint Barthélemy, représentée par Me Destarac, conclut au rejet de la requête de la société Lil'Rock Beach et à la mise à la charge de cette société d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient en outre que :

- le jugement de la requête relève de la compétence la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

- la requête de la société est irrecevable ; elle ne justifie pas avoir procédé à la notification de sa requête dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; de plus, elle n'a pas intérêt à agir ; son intérêt à agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis de construire en litige ;

- aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Par une ordonnance du 11 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mars 2025.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'environnement de Saint-Barthélemy ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- et les observations de Me De Lesquen, représentant la société St Jean Beach Real Estate Invest , de Me Moustardier et Me Crottet, représentant les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea, Eden Rock et Lil'Rock Beach, ainsi que celle de Me Destarac, représentant la collectivité de Saint-Barthélemy.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 17 janvier 2020, le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a accordé à la société SAS St Jean Beach Real Estate Invest un permis de construire pour l'édification dans la baie de Saint-Jean, sur un terrain constitué des parcelles cadastrées section AI n°s 58, 21 et 22, d'une superficie totale de 12 254 m², d'un hôtel de 25 clés et 50 chambres avec plusieurs piscines, un restaurant, un spa, une boutique, des locaux techniques, des locaux utilisés par le personnel et un parking souterrain. Par une délibération du 8 juin 2021, le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a accordé à la société un permis de construire modificatif prévoyant la suppression d'un niveau sur deux bâtiments en front de mer, la réorganisation de six corps de bâtiments, la suppression d'une des deux piscines communes situées au cœur du projet, des modifications mineures sur trois bâtiments et sur une construction, l'ajout d'un corps de bâtiment à usage technique et l'adaptation de la station d'épuration et du niveau en sous-sol. L'association Saint-Barth Essentiel a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler ces délibérations. Par un jugement du 23 décembre 2021, le tribunal, après avoir admis la recevabilité de l'intervention volontaire des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock au soutien de la demande de l'association Saint Barth Essentiel, a considéré que ces délibérations étaient notamment entachées d'un vice tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 112-2 du code de l'urbanisme qui n'était pas susceptible d'être régularisé et a en conséquence annulé ces délibérations. Par leurs requêtes enregistrées sous les n°s 22BX00793 et 22BX00957, la société St Jean Beach Real Estate Invest et la collectivité de Saint-Barthélemy relèvent appel de ce jugement.

2. A l'issue d'une médiation entre les appelantes et l'association Saint-Barth Essentiel, la collectivité de Saint-Barthélemy a, par une délibération du 14 août 2024, délivré à la société St Jean Beach Real Estate Invest un second permis de construire modificatif qui, notamment, ramène à 38 le nombre de chambres de l'hôtel, supprime une partie des constructions sous-terraines, prévoit le recul de l'implantation des bâtiments en front de mer et la réduction de leur hauteur ainsi que la réduction de la hauteur à l'égout des autres constructions. Si l'association Saint-Barth Essentiel a indiqué qu'elle n'entendait pas contester ce second permis modificatif, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, sociétés intervenantes, font valoir qu'il ne régularise pas le permis de construire initial.

3. Par ailleurs, la société Lil'Rock Beach d'une part, et les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Saint Barthélemy d'annuler la délibération du 14 août 2024 par laquelle la collectivité de Saint Barthélemy a délivré à la société St Jean Beach Real Estate Invest un second permis de construire modificatif. Par des ordonnances du 20 décembre 2024, le président du tribunal administratif de Saint-Barthélemy a, sur le fondement de l'article R. 321-1 du code de justice administrative, transmis le dossier de ces requêtes à la cour administrative d'appel de Bordeaux, lesquelles ont été registrées sous les n° 21BX03086 et 24BX03088.

4. Les requêtes enregistrées sous les n°s 22BX00793, 22BX00957, 24BX03086 et 24BX03088 concernent le même projet de construction d'un hôtel par la société St Jean Beach Real Estate Invest sur le terrain constitué des parcelles cadastrées section AI n°s 58, 21 et 22 à Saint-Barthélemy et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre et d'y statuer par un seul arrêt.

Sur la compétence de la cour :

5. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ".

6. Il résulte des dispositions citées au point précédent que lorsque le juge d'appel est saisi d'un appel contre un jugement d'un tribunal administratif ayant annulé un permis de construire en retenant l'existence d'un ou plusieurs vices entachant sa légalité et qu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d'appel est compétent pour connaître de sa contestation dès lors que ce permis, cette décision ou cette mesure lui a été communiqué ainsi qu'aux parties. Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé, y compris par un tiers, contre ce permis, cette décision ou cette mesure devant le tribunal administratif, il incombe à ce dernier de le transmettre, en application des articles R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 du code de justice administrative, à la cour administrative d'appel saisie de l'appel contre le jugement relatif au permis initial.

7. En l'espèce, la délibération du 14 août 2024 du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy portant délivrance à la société St Jean Beach Real Estate Invest d'un second permis de construire modificatif a été communiquée à la cour ainsi qu'aux parties dans les instances enregistrées sous les n°s 22BX00793 et 22BX00957. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la cour est ainsi seule compétente pour connaître de la contestation de ce permis et, par suite, pour statuer sur les recours pour excès de pouvoir présentés contre cette décision par la société Lil'Rock Beach d'une part, et par les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock d'autre part. L'exception d'incompétence soulevée par ces sociétés doit, dès lors, être écartée.

Sur la recevabilité :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête n° 24BX03086 de la société Lil'Rock Beach tendant à l'annulation de la délibération du 14 août 2024 du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy :

8. D'une part, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.

11. Par ailleurs, en dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d'exploitation d'un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d'un intérêt à contester devant le juge de l'excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité.

12. En l'espèce, il est constant qu'à la date du 14 août 2024 à laquelle un permis de construire a été délivré à la société St Jean Beach Real Estate Invest, la construction d'un hôtel autorisée par le permis de construire du 19 décembre 2019 n'était pas achevée. Le permis de construire du 14 août 2024 autorise la société à édifier, sur le même terrain d'assiette, des bâtiments à destination d'hôtel, et vise à régulariser les vices retenus par le jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 23 décembre 2021. Les modifications envisagées, qui consistent en particulier à ramener la surface des constructions souterraines de 5 341 m² à 2 800 m² et, corrélativement, à augmenter l'emprise au sol en surface par une densification des constructions, modifient profondément l'économie générale du projet. Toutefois, ces modifications n'apportent pas au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Par suite, le permis de construire du 14 août 2024 a la nature, non pas d'un nouveau permis de construire, mais d'un permis modificatif du permis initial du 19 décembre 2019. Est à cet égard sans incidence la circonstance que ce permis modificatif ait été délivré au cours de l'instance d'appel, postérieurement à l'annulation par le tribunal du permis de construire initial. Il s'ensuit que l'intérêt à agir de la société Lil'Rock Beach doit être apprécié exclusivement au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif du 14 août 2024.

13. La société Lil'Rock Beach, qui exploite depuis le 9 septembre 2022 un restaurant de plage sous l'enseigne " Nao Beach " sur les parcelles cadastrées section AI n°s 224 et 229, jouxtant la parcelle cadastrée section AI n°58 sur laquelle doit être implanté le projet d'hôtel litigieux, fait état de l'incidence de ce projet sur les conditions de circulation sur la route départementale (RD) n° 209 qui dessert à la fois le restaurant qu'elle exploite et le projet en cause. Toutefois, et contrairement à ce qu'elle indique, il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice explicative du permis modificatif du 14 août 2024, que ce permis a pour objet de ramener le nombre de chambres de l'hôtel de 50 à 38 et de réduire corrélativement la capacité du restaurant, qui passe de 90 à 60 couverts. Par ailleurs, si le premier permis modificatif avait porté le nombre de places de stationnement à 188, ce second permis modificatif revient au nombre de places de stationnement prévu par le permis initial, soit 95, ce qui a pour effet, eu égard à la réduction de la taille de l'hôtel, d'améliorer la capacité de stationnement par rapport au permis initial. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis modificatif en litige aurait pour effet d'aggraver les conditions de circulation sur la RD n° 209.

14. La société Lil'Rock Beach invoque ensuite l'impact visuel du projet. Toutefois, si le permis modificatif en litige prévoit une augmentation de la hauteur au faîtage de certains bâtiments, il prévoit également une réduction de leur hauteur à l'égout. De plus, ce permis prévoit la suppression d'un étage de l'ensemble des bâtiments situés en première ligne, dont l'implantation par rapport à la mer est en outre reculée. Enfin, si le permis en cause prévoit une densification des constructions, celle-ci ne sera pas directement visible depuis le restaurant exploité par la société requérante. Dans ces conditions, les modifications apportées au projet initial sont, en termes d'impact visuel, dépourvues d'incidence sur les conditions d'exploitation du restaurant en cause.

15. La société Lil'Rock Beach fait aussi valoir que les modifications vont majorer le risque d'érosion de la plage de la baie Saint-Jean, entrainant un retrait du trait de côte qui aura un impact sur l'exploitation de son restaurant de plage. Toutefois, si le permis modificatif du 14 août 2024 maintient un niveau souterrain, il en réduit considérablement la superficie. Par ailleurs, l'allégation selon laquelle l'augmentation des fondations, liée à la densification des constructions, et l'extension limitée de la technique du " jet-grouting ", auraient, en elles-mêmes, un effet sur l'érosion tel qu'elles pourraient entrainer une réduction de la taille de la plage, n'est nullement étayée.

16. La société Lil'Rock Beach se prévaut enfin d'un risque de pollution des eaux souterraines et marines. Elle fait valoir à cet égard que la station d'épuration prévue par le projet autorisé est sous-dimensionnée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire initial prévoyait, pour un hôtel de 50 chambres, une station d'épuration d'une capacité de 250 EH (équivalent humain) en se basant sur un taux de remplissage de 56 %. Le permis modificatif du 14 août 2024 prévoit une station d'épuration d'une capacité de 200 EH pour un hôtel de 38 chambres en se basant sur un taux de remplissage de 70 %, de sorte que la modification ainsi apportée, qui conduit à augmenter la capacité de la station d'épuration au regard de la capacité d'accueil de l'hôtel, n'aggrave pas le risque de pollution allégué, en admettant même que sa réalisation puisse avoir une incidence sur les conditions d'exploitation de la société. Par ailleurs, le permis modificatif du 14 août 2024 maintient la construction d'une unité de dessalement telle que prévue par le permis initial, sans modifier son dimensionnement, et prévoit la mise en place d'un second puits de rejet à proximité de la plage. Il n'est aucunement démontré que la création de ce second puits de rejet impliquerait une augmentation du rejet des eaux de saumure, ainsi que le soutient la société requérante, ni même d'ailleurs qu'une telle augmentation de ce rejet pourrait occasionner une pollution des eaux de baignade telle qu'elle affecterait les conditions d'exploitation du restaurant.

17. Ainsi, au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif en litige au projet de construction initialement autorisé, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces modifications seraient de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de la société Lil'Rock Beach. Par suite, cette dernière ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire modificatif délivré le 14 août 2024 à la société St Jean Beach Real Estate Invest.

18. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Lil'Rock Beach doit être rejetée.

En ce qui concerne la recevabilité de l'intervention des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock tendant à l'annulation de la délibération du 14 août 2024 du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy dans les instances enregistrées sous les n° 22BX00793 et 22BX00957 :

19. Il ressort des pièces du dossier que la société Solid Rock Property est propriétaire de l'hôtel Eden Rock, implanté sur les parcelles cadastrées section AP n°s 400, 329, 398, 399, 670 et 671 à Saint-Barthélemy. La société Afernoontea, filiale de la société Solid Rock Property, est propriétaire ou locataire des parcelles cadastrées section AI n°s 666, 709, 710, 711, 712, 125, 177 et 178, sur lesquelles sont édifiées des installations et annexes de l'hôtel Eden Rock. La société Eden Rock, qui est également une filiale de la société Solid Rock Property, est locataire de la parcelle cadastrée AI n° 25 accueillant les places de stationnement du même complexe hôtelier. Les parcelles de ces sociétés sont situées à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet d'hôtel de la société St Jean Beach Real Estate Invest. Ces parcelles et le terrain d'assiette dudit projet sont desservis par la RD n° 209, laquelle supporte déjà, selon les relevés produits, un trafic routier intense sur différentes plages horaires de la journée. Le projet d'hôtel en litige, par son incidence sur la circulation sur cette route, est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de la propriété des sociétés intervenantes. Dès lors, et ainsi que l'a relevé le tribunal par un jugement qui est suffisamment motivé sur ce point, ces dernières justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour intervenir au soutien de la demande de l'association Saint Barth Essentiel tendant à l'annulation des délibérations du 19 décembre 2019 et du 3 juin 2021 par lesquelles le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré à la St Jean Beach Real Estate Invest un permis de construire et un permis de construire modificatif.

20. Eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock ont intérêt au maintien du jugement attaqué lequel, rendu conformément aux conclusions de leur intervention, a annulé le permis de construire délivré à la société St Jean Beach Real Estate Invest. Leur intervention en appel, en défense, est donc recevable.

21. Enfin, en cas de production en cours d'instance d'un permis de construire modificatif, il appartient à la partie qui poursuit l'annulation du permis initial, si elle s'y croit fondée, de contester la légalité du permis modificatif, ce qu'elle peut faire utilement par des moyens propres et au motif que le permis initial n'était pas régularisable. Il s'ensuit que les sociétés intervenantes, qui ont intérêt au maintien de l'annulation prononcée par le tribunal, sont recevables à contester la légalité du second permis de construire modificatif délivré le 14 août 2024 à la société St Jean Beach Real Estate Invest. Les moyens invoqués par ces sociétés contre ce second permis modificatif viennent au soutien des conclusions d'appel en défense de l'association Saint Barth Essentiel, qui ne saurait renoncer au bénéfice du jugement attaqué, et ne soulèvent pas une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposent les conclusions de l'association Saint Barth Essentiel. Par suite, la circonstance que l'association Saint Barth Essentiel n'ait pas soulevé de moyens à l'encontre de ce second permis modificatif ne fait pas obstacle à la recevabilité des moyens invoqués par les sociétés intervenantes à l'encontre de ce même permis.

En ce qui concerne la recevabilité de la requête n° 24BX03088 des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock tendant à l'annulation de la délibération du 14 août 2024 du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy :

22. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme que les parties à une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue sont recevables à contester la légalité d'un permis modificatif, d'une décision modificative ou d'une mesure de régularisation intervenue au cours de cette instance, lorsqu'elle leur a été communiquée, tant que le juge n'a pas statué au fond, sans condition de forme ni de délai. Si cette contestation prend la forme d'un recours pour excès de pouvoir présenté devant la juridiction saisie de la décision initiale ou qui lui est transmis en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, elle doit être regardée comme un mémoire produit dans l'instance en cours. La circonstance qu'elle ait été enregistrée comme une requête distincte est toutefois sans incidence sur la régularité du jugement ou de l'arrêt attaqué, dès lors qu'elle a été jointe à l'instance en cours pour y statuer par une même décision.

23. En l'espèce, compte tenu de ce qui a été dit au point 19, les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock, recevables à intervenir au soutien des conclusions de l'association Saint Barth Essentiel, auraient été recevables à faire appel du jugement s'il avait été rendu contrairement aux conclusions de leur intervention. Dans ces conditions, elles doivent être regardées, pour l'application des principes rappelés au point précédent, comme parties dans le litige relatif à la contestation du permis de construire initialement délivré à la société St Jean Beach Real Estate Invest. Il en résulte que leur recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de la délibération du 14 août 2024 du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy portant délivrance à la société St Jean Beach Real Estate Invest d'un second permis de construire modificatif doit être regardé comme un mémoire produit dans l'instance d'appel relative au permis de construire initial. Les fins de non-recevoir opposées à cette demande par la collectivité de Saint-Barthélemy et la société St Jean Beach Real Estate Invest ne peuvent donc qu'être écartées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

24. En premier lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie.

25. En l'espèce, par un courrier du 29 octobre 2021, la société St Jean Beach Real Estate Invest a sollicité auprès du greffe du tribunal administratif de Saint-Barthélemy le report de deux mois de l'audience, qui était alors fixée au 23 novembre 2021, en faisant valoir qu'elle avait sollicité le 5 octobre 2021 un second permis modificatif dont la délivrance était attendue pour la fin du mois de janvier 2022. Toutefois, une telle circonstance ne constitue pas un motif exceptionnel tiré des exigences du débat contradictoire qui aurait imposé au tribunal de faire droit à la demande de report de l'audience. Au demeurant, il était loisible à la société de solliciter un deuxième permis modificatif sans attendre le 5 octobre 2021. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, le tribunal, en refusant de reporter l'audience à la fin du mois de janvier 2022, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure.

26. En deuxième lieu, si la collectivité de Saint-Barthélemy soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.

27. En troisième lieu, la circonstance, invoquée par la collectivité de Saint-Barthélemy, que le tribunal aurait fait application de dispositions du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy inapplicables à la date de délivrance du permis de construire initial du 19 décembre 2019 est relative au bien-fondé du jugement attaqué, et non à sa régularité.

28. En quatrième lieu, la collectivité de Saint-Barthélemy et la société St Jean Beach Real Estate Invest reprochent au tribunal d'avoir accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 112-2 du code du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy sans expliciter les motifs le conduisant à considérer que les mesures d'alarme, d'alerte et d'évacuation prévues par le projet ne suffisaient pas à prévenir le risque de submersion des locaux en sous-sol en cas de cyclone. Cependant, le tribunal, après voir relevé que la société pétitionnaire n'avait pas prévu de dispositif de barrage malgré le risque avéré d'inondation du sous-sol en cas de cyclone, a apprécié le danger au regard, notamment, de la configuration du projet prévoyant la création d'un vaste sous-sol de 5 341 m² accessible au public et au personnel, et de l'absence de reprise, dans le permis modificatif, de la prescription relative à un aménagement des locaux en sous-sol tenant compte du risque de submersion. Il a ainsi suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susmentionnées.

29. En cinquième lieu, la collectivité de Saint-Barthélemy et la société St Jean Beach Real Estate Invest soutiennent que le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sans expliciter suffisamment, sur certains points, sa réponse à ce moyen. Toutefois, d'une part, le tribunal a relevé que l'étude d'impact ne comportait aucune analyse sur les risques de pollution des eaux liés à l'utilisation de la technique de " jet-grouting " entrainant des rejets de " spoil " à proximité de la nappe phréatique et de la baie de Saint-Jean, et en a déduit que cette incomplétude avait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. Sur ce point, il a ainsi suffisamment motivé sa réponse. D'autre part, le tribunal a estimé que l'étude d'impact était incomplète s'agissant de l'absence d'analyse précise de l'incidence attendue de la construction sur le phénomène d'érosion de la plage de Saint-Jean en relevant, notamment, qu'il était constant que l'urbanisation du littoral accélérait le processus d'érosion. Le tribunal s'étant ainsi fondé sur une donnée constante, il n'avait pas à indiquer sur quelles pièces ou données il s'appuyait.

30. En dernier lieu, pour estimer que la réalisation de 39 places de stationnement sur la parcelle cadastrée section AI n° 742 n'était pas établie, le tribunal s'est fondé sur l'absence de tout aménagement spécifique de cette parcelle permettant le stationnement de véhicules. Ce faisant, il s'est fondé sur une circonstance de fait et n'a pas entendu opposer à la société pétitionnaire une norme d'urbanisme qu'il aurait omis de citer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :

31. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

32. Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

33. Le tribunal a estimé que la régularisation du manquement aux règles fixées par l'article 112-2 du code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint Barthélemy impliquait, a minima, la suppression de tout accès au sous-sol qui, eu égard à la structuration du projet autour de ce sous-sol de 5 341 m², entrainerait une reconfiguration générale des constructions sur le terrain d'assiette afin de satisfaire aux obligations en termes de stationnement et de perméabilité prévues par le règlement de la carte d'urbanisme de Saint Barthélemy. Toutefois, une telle régularisation, si elle impliquait certes de modifier l'économie générale du projet et, en particulier, de réduire la taille de l'hôtel projeté, n'aurait pas apporté au projet un bouleversement tel qu'il en aurait changé la nature même.

34. Il résulte de ce qui précède, comme le soutiennent la collectivité de Saint Barthélemy et la société St Jean Beach Real Estate Invest, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leurs conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, par voie de conséquence, a pour ce motif annulé le permis de construire initial délivré le 19 décembre 2019 et le permis de construire modificatif délivré le 3 juin 2021 à ladite société.

35. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués tant en appel qu'en première instance par l'association Saint Barth Essentiel et par les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock à l'appui de leur contestation du permis de construire initial délivré le 19 décembre 2019 à la société St Jean Beach Real Estate Invest ainsi que des permis de construire modificatifs délivrés à cette société les 3 juin 2021 et 14 août 2024.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire initial du 19 décembre 2019 :

36. Aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (...) Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie (...) ".

37. Les sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock soutiennent, par un mémoire enregistré le 8 novembre 2024, que le permis de construire initial délivré le 19 décembre 2019 à la société St Jean Beach Real Estate Invest a été obtenu par fraude. Ladite société fait valoir que ce moyen, invoqué plus de deux mois après la production du premier mémoire en défense, est irrecevable. Toutefois, le président de la formation de jugement a, par une ordonnance du 13 février 2025, fixé au 10 mars 2025 la date de cristallisation des moyens. Le moyen invoqué par les sociétés intervenantes est, par suite, recevable.

38. Aux termes de l'article R. 423-1 du même code : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ".

39. Il ressort des pièces du dossier que la société St Jean Beach Real Estate Invest a conclu avec la société civile immobilière Emeraude Investissement, par acte notarié du 30 octobre 2018, un bail à construction sur un terrain appartenant à la bailleresse, constitué des parcelles cadastrées section AI n°s 21, 22 et 58 à Saint-Barthélemy. Le contrat stipule que : " A titre de condition déterminante sans laquelle les parties n'auraient pas contracté, aucune construction ne pourra être édifiée par le preneur, pendant toute la durée du présent bail à construction, sur la partie figurant en couleur verte sur plan en annexe (annexe n°4), dont le bailleur se réserve la jouissance exclusive, ni sur celle figurant en couleur rose sur le même plan, dont la jouissance exclusive est attribuée au preneur ". Il ressort du plan figurant à l'annexe 4 du contrat que la parcelle cadastrée section AI n° 22 est comprise dans le champ de l'interdiction de construire faite au preneur et, pour l'essentiel, est affectée à la jouissance exclusive du bailleur. Ce contrat, par lequel le preneur s'engage à édifier des constructions sur une partie seulement de l'unité foncière dont le bailleur est propriétaire, emporte ainsi division de jouissance de cette unité foncière, et ne confère aucun droit à construire à la société St Jean Beach Real Estate Invest sur la parcelle cadastrée section AI n° 22. Cette division en jouissance, qui n'a pas donné lieu à une déclaration préalable ou à une demande de permis d'aménager, a abouti à la création d'une nouvelle unité foncière constituée des seules parcelles AI n°s 21 et 58 sur lesquelles la société St Jean Beach Real Estate Invest détenait des droits à construire.

40. Or, la société St Jean Beach Real Estate Invest, qui ne pouvait ignorer la portée des stipulations contractuelles ci-dessus analysées, a sollicité un permis de construire portant sur un terrain d'assiette de 12 254 m² incluant, à tort, la parcelle cadastrée section AI n° 22 relevant d'une unité foncière distincte. En attestant remplir les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme et en présentant sa demande de permis sur un terrain d'assiette comprenant la parcelle cadastrée section AI n° 22 non incluse dans l'unité foncière, la société doit être regardée comme s'étant livrée à une manœuvre de nature à induire l'administration en erreur, en particulier, sur la satisfaction des règles de densité des constructions prévues à l'article U6 de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy. Le moyen tiré de ce que le permis de construire du 19 décembre 2019 a été obtenu par fraude doit, dès lors, être accueilli.

En ce qui concerne la légalité des permis de construire modificatifs des 3 juin 2021 et 14 août 2024 :

41. Lorsqu'un permis de construire initial a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial. Toutefois, lorsqu'un permis de construire a été obtenu par fraude, l'illégalité qui en résulte n'est pas de nature à être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif.

42. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le permis de construire initial délivré le 19 décembre 2019 à la société St Jean Beach Real Estate Invest a été obtenu par fraude. Cette illégalité n'étant pas de nature à être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif, les permis de construire modificatifs délivrés à ladite société les 3 juin 2021 et 14 août 2024 ne peuvent qu'être annulés par voie de conséquence.

43. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la collectivité de Saint Barthélemy et la société St Jean Beach Real Estate Invest ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé le permis de construire initial délivré le 19 décembre 2019 et le permis de construire modificatif délivré le 3 juin 2021 à ladite société, d'autre part, que le second permis de construire modificatif délivré le 14 août 2024 à cette même société ne peut qu'être annulé par voie de conséquence.

Sur les autres conclusions des parties :

44. En premier lieu, la requête d'appel de la société St Jean Beach Real Invest enregistrée sous le n° 22BX00957, si elle fait état de comportements déplacés adoptés par des personnes physiques membres du personnel des sociétés Solid Rock Property et Eden Rock, par renvoi à des écritures relevant d'une instance distincte, ne comporte pas de propos diffamatoires à l'égard des sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock. Les conclusions de ces dernières tendant à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.

45. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 24BX03086 présentée par la société Lil'Rock Beach est rejetée.

Article 2 : Les requêtes n° 22BX00793 et 22BX00957 présentées par la société St Jean Beach Real Estate Invest et la collectivité de Saint-Barthélémy sont rejetées.

Article 3 : La délibération du 14 août 2024 par laquelle la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré à la société St Jean Beach Real Estate Invest un permis de construire modificatif est annulée.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité de Saint-Barthélemy, à la société St Jean Beach Real Estate Invest, à l'association Saint Barth Essentiel, aux sociétés Solid Rock Property, Afternoontea et Eden Rock et à la société Lil'Rock Beach.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Madame Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, représentant de l'État dans les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00793, 22BX00957, 24BX03086, 24BX03088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00793
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : CABINET ADDEN PARIS;SELARL CLOIX & MENDES-GIL;CABINET ADDEN PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;22bx00793 ?
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