Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016, avec les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 2100188 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 avril et 10 novembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me James, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 février 2023 ;
2°) de prononcer la décharge, en principal et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 et d'ordonner leur remboursement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils n'ont pas accepté les rectifications et, par conséquent, la charge de la preuve pèse sur l'administration ;
- les frais de déplacement sont déductibles lorsqu'ils sont nécessités par l'exercice de la profession, et l'administration, pour rejeter la majeure partie de ces frais, se contente d'arguments subjectifs ;
- l'administration a constaté des déductions en doublon avec la comptabilité de l'EURL Erelbat et a réintégré les sommes dans le résultat de la société, avant de les imposer dans la catégorie des revenus distribués ; ces sommes ne peuvent être réintégrées une seconde fois dans les revenus des époux A..., sauf à leur faire subir une double imposition ;
- le cabinet a travaillé sur un projet immobilier en Corse, les déplacements en Corse sont donc déductibles ;
- les frais de réception et frais de repas sont relatifs aux dépenses engagées aux fins d'organiser des repas avec les clients et prospects, les prescripteurs et les entreprises intervenant sur les différents chantiers de construction, ce qui est une pratique courante dans le secteur du Bâtiment, et ils ne présentent aucun caractère disproportionné ;
- les cotisations versées à l'autoclub, à l'ANCMP et à la Confrérie de la tête de veau s'inscrivent dans la stratégie commerciale de M. A... aux fins de trouver de nouveaux partenaires commerciaux et de nouveaux marchés ;
- l'administration ne démontre pas en quoi les cadeaux professionnels seraient excessifs ; s'agissant des dépenses relatives à l'achat de fleurs, chaque semaine, un nouveau bouquet était livré au cabinet d'architecte ;
- les pénalités de mauvaise foi ne sont pas justifiées en l'absence de preuve de leur mauvaise foi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 octobre 2023 et 31 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 février 2025 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... exerce à titre individuel l'activité d'architecte à Limoges. En 2017, il a fait l'objet, au titre de son activité professionnelle exercée à titre individuel, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle le service a remis en cause la déduction en charges de frais, au motif que leur caractère professionnel n'avait pas été établi. Les conséquences en matière d'impôt sur le revenu des rectifications retenues par le service sur les bénéfices non commerciaux ont été notifiées à M. et Mme A... par une proposition de rectification n° 2120 adressée le 26 décembre 2017 au titre de l'année 2014 et le 29 juin 2018 au titre des années 2015 et 2016.
2. M. A... est également le dirigeant et l'associé unique de l'EURL Erelbat, qui a son siège à son domicile à Panazol (Haute-Vienne), et dont l'activité est le conseil en agencements intérieurs et extérieurs et en bâtiment, immobilier et environnement. L'EURL Erelbat a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016, au terme de laquelle une proposition de rectification n° 3924 a été adressée le 29 juin 2018 en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Les conséquences de ces rehaussements ont été notifiées à M. et Mme A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, par la proposition de rectification n° 2120 du 29 juin 2018.
3. Par la présente requête, M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
4. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ".
5. Quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il a déduites de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession.
6. Il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité de l'activité d'architecte exercée à titre individuel par M. A..., le vérificateur a relevé que les déclarations de bénéfices non commerciaux déposées par le contribuable mentionnaient, au titre de l'année 2014, un montant de recettes nettes hors taxe de 468 059 euros pour un montant de charges de 403 403 euros, au titre de l'année 2015, un montant de recettes nettes hors taxe de 362 852 euros pour un montant de charges de 331 161 euros, et au titre de l'année 2016, un montant de recettes nettes hors taxe de 264 031 euros pour un montant de charges de 319 680 euros. Il a constaté qu'une partie importante de ces charges était comptabilisée avec la mention " réglé par la caisse " et que la majorité d'entre elles n'étaient appuyées d'aucune pièce justificative, à l'instar des frais de déplacement déduits de manière forfaitaire.
En ce qui concerne les frais de déplacement :
7. Lors du contrôle, le service a constaté que M. A... avait déduit des indemnités kilométriques au titre des trois exercices en cause pour des montants respectifs de 67 040 euros, 53 825 euros et 52 403 euros. Il a remis ces déductions en cause en considérant que la réalité du kilométrage parcouru avec les véhicules Mercedes et Clio n'était pas justifiée, que certains trajets étaient comptabilisés en doublon dans la comptabilité de l'activité individuelle de M. A... et dans celle de l'EURL Erelbat et que des incohérences existaient au regard de déplacements effectués dans la même journée. Il n'a ainsi retenu que 60 000 km pour l'année 2015 et 50 000 km pour l'année 2016. En se bornant à produire des tableaux faisant état de déplacements, qui sont dépourvus de tout caractère probant, ainsi que de dossiers de permis de construire, les requérants n'apportent pas la preuve de l'insuffisance du nombre de kilomètres retenus par l'administration.
8. S'agissant des frais de déplacements qui ont été comptabilisés deux fois, dans la comptabilité de l'activité individuelle de M. A... et dans celle de l'EURL Erelbat, les requérants soutiennent que l'administration ne pouvait les réintégrer dans les résultats de l'EURL et dans ceux de l'activité individuelle de M. A..., sous peine de procéder à une double imposition des mêmes sommes. Toutefois, ces frais n'étant pas justifiés, ils ne peuvent être admis en déduction du résultat d'aucune des deux entreprises.
9. S'agissant des déplacements vers la Corse, M. A... produit un contrat de maitrise d'œuvre daté du 8 septembre 2015, portant sur la construction de deux immeubles d'habitation à Calvi et une demande de permis de construire déposée le 23 septembre 2015. Toutefois l'administration a constaté lors de la vérification de comptabilité que des déplacements vers la Corse avaient été comptabilisés les mêmes jours que des déplacements en voiture vers Royan ou Paris. En outre, aucun élément ne vient justifier du caractère professionnel des déplacements vers la Corse effectués les 26 janvier 2015, 12 et 20 février 2015 et 30 mars 2015. C'est par conséquent à bon droit que l'administration a refusé la déduction de ces frais des résultats de l'entreprise de M. A....
En ce qui concerne les autres frais :
10. En premier lieu, s'agissant des frais de réception, l'administration relève que les achats de viande, de charcuterie et de poissonnerie ont été justifiés par la production d'un ticket de caisse et d'une facture globale, lesquels ne mentionnaient pas le détail des achats et ne permettaient pas d'identifier les bénéficiaires. En se bornant à soutenir qu'il s'agissait d'organiser des repas avec les clients, les prescripteurs et les entreprises intervenant sur les différents chantiers de construction, ce qui est une pratique courante dans le secteur du Bâtiment, les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, du caractère professionnel de ces dépenses.
11. En deuxième lieu, s'agissant des cadeaux professionnels, fleurs, chocolats, bouteilles de champagne (au nombre de 292), le service a relevé qu'ils avaient été comptabilisés sans l'indication des bénéficiaires et réglés en espèce et, qu'ainsi, rien ne permettait de démontrer leur réalité et leur caractère professionnel. En se bornant à affirmer qu'un bouquet de fleurs était livré chaque semaine au cabinet, M. et Mme A... ne justifient pas de la nécessité de ces dépenses pour l'exercice de la profession.
12. En dernier lieu, s'agissant des cotisations versées à l'auto-club, à l'Association nationale des collaborateurs de ministres et de parlementaires (ANCMP) et à la Confrérie de la tête de veau, M. et Mme A... se bornent à soutenir qu'elles s'inscrivent dans une stratégie commerciale destinée à trouver de nouveaux partenaires commerciaux et de nouveaux marchés. Ce faisant, ils n'apportent pas la preuve du lien entre ces cotisations et l'exercice de la profession.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
14. M. et Mme A... reprennent en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que l'administration n'apporterait pas la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements constatés. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01109