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17/04/2025 | FRANCE | N°23BX00235

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 17 avril 2025, 23BX00235


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de M. Mickaël Kauffmann, rapporteur

public,

- et les observations de Me Gonnot, représentant la commune de la Rivière-Salée, et de Me Deyris, représentant la SCI ...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de M. Mickaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Gonnot, représentant la commune de la Rivière-Salée, et de Me Deyris, représentant la SCI Syldimo..

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Syldimo a entrepris sans autorisation des travaux d'extension d'un bâtiment existant implanté sur la parcelle cadastrée section L n° 625, située dans la zone d'activités économiques de la Laugier, sur le territoire de la commune de Rivière-Salée. Elle a été destinataire, le 17 octobre 2019, d'un arrêté interruptif de travaux. Afin de régulariser la construction illégale, la société Syldimo a déposé, le 4 janvier 2021, une demande de permis de construire pour l'extension du bâtiment existant d'une surface de plancher de 82,60 mètres carrés. Par un arrêté du 4 mars 2021, le maire de Rivière-Salée a refusé la délivrance du permis de construire sollicité. Par courrier du 10 mai 2021, la société Syldimo a formé un recours gracieux contre cet arrêté, expressément rejeté le 22 juillet 2021. Sur saisine de la société Syldimo, le tribunal administratif de La Martinique a, par un jugement du 24 novembre 2022, annulé l'arrêté du 4 mars 2021, ensemble le rejet de son recours gracieux. Par la présente requête, la commune de Rivière-Salée relève appel de ce jugement.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune de Rivière-Salée relatif à la volumétrie et l'implantation des constructions : " 1. Implantation par rapport aux voies et emprises publiques / Règles générales : / Les constructions doivent s'implanter soit à l'alignement soit en respectant un recul minimum de 5m par rapport aux voies sur voie (publique ou privée) et emprises publiques. / 2. Implantation par rapport aux limites séparatives / Par rapport aux limites séparatives latérales/ Règles générales : / Les constructions doivent s'implanter en limite séparative ou en respectant un retrait d'un moins 3,5m par rapport aux limites séparatives. / Par rapport aux limites de fond de parcelle / Les règles d'implantation par rapport aux limites de fond de parcelle sont définies par l'article 4 de la partie " volumétrie et implantation de constructions " des dispositions générales du règlement. / (...) ". Aux termes de cet article 4 de la partie " volumétrie et implantation de constructions " des dispositions générales du règlement : " (...) / Les constructions doivent respecter un recul minimum de 3,5m vis-à-vis des limites de fond de parcelle. / (...). ". Le titre 1 relatif aux dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rivière-Salée indique que les limites séparatives désignent l'ensemble des limites d'une unité foncière, c'est-à-dire les limites latérales, les limites de fond de parcelle et les limites à l'alignement. Il définit les limites latérales comme " les limites qui aboutissent à la voie ", la limite de fond de parcelle comme " la limite opposée à la voie " et l'alignement comme étant " pour la voirie, la limite entre le domaine privé et le domaine public ". Il précise qu'il convient d'" assimiler toute forme parcellaire complexe à cette configuration en considérant comme limite séparative latérale tout côte de terrain aboutissant à la voie principale ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dans le cas particulier d'un terrain bordé de deux voies publiques, les limites séparant le terrain des parcelles voisines, qui aboutissent à la voie principale, doivent être qualifiées de limites séparatives latérales, tandis que les limites du terrain jouxtant lesdites voies, et qui n'y sont par nature pas opposées, ne peuvent être regardées comme des limites de fond de terrain et doivent être qualifiées de limites à l'alignement, sans que soit distingué selon que l'une ou l'autre de ces voies n'effectuerait pas la desserte de la construction.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet litigieux est bordé de deux voies publiques, la voie Isole Norbert au nord et la route départementale n° 8 au sud. Dans ces conditions, quand bien même la route départementale n° 8 ne constituerait pas la voie d'accès principale à la parcelle, ce qui ne pourrait avoir d'incidence que sur la qualification des limites séparatives latérales compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, la limite bordant cette route ne constitue pas une limite de fond de parcelle par rapport à la voie Isole Norbert, mais une limite à l'alignement pour laquelle les dispositions précitées du plan local d'urbanisme prévoient une alternative d'implantation des constructions soit à l'alignement, soit en respectant un recul minimum de 5 mètres par rapport aux voies et emprises publiques. Par suite, la commune de Rivière-Salée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle ne pouvait pas se prévaloir, concernant cette limite séparative jouxtant la route départementale n°8, des règles d'implantation des constructions par rapport aux limites de fond de parcelle imposant un retrait de 3,5 mètres par rapport à la limite séparative pour refuser le permis sollicité.

En ce qui concerne la substitution de motifs sollicitée par la commune de Rivière-Salée en appel :

5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. Aux termes de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. / Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l'établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel. ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur, et devenu l'article L. 122-3 du même code à compter du 1er juillet 2021 : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / (...) ". Aux termes de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-30 du même code : " Lorsque les travaux projetés portent sur un établissement recevant du public, la demande est accompagnée des dossiers suivants, fournis en trois exemplaires : / a) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées, comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du code de la construction et de l'habitation ; / b) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité, comprenant les pièces mentionnées à l'article R. 123-22 du même code. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet contesté comporte un bâtiment principal, loué à la société Alima Sud, qui y exploite un commerce. A ce titre, les travaux en cause, qui portent sur l'extension du bâtiment existant à usage d'entrepôt, ont pour objet de modifier un établissement recevant du public au sens des dispositions de l'article L. 111-8 précité du code de la construction et de l'habitation. Or, il est constant que le dossier de demande de permis de construire déposé par la société Syldimo ne comportait pas les pièces spécifiques exigées en cas de travaux portant sur un établissement recevant du public. Dès lors, le maire de la commune de Rivière-Salée n'était pas en mesure d'apprécier, s'agissant de cette partie de l'édifice, la conformité du projet aux règles précitées du code de la construction et de l'habitation. Par suite, la commune de Rivière-Salée est fondée à soutenir que le maire pouvait légalement fonder son refus de permis de construire sur ce motif. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le maire aurait pris la même décision de refus s'il s'était initialement fondé sur ce motif, lequel suffisait à justifier légalement ledit refus.

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif de substitution présenté par la commune de Rivière-Salée que la demande de substitution de motifs sollicitée doit être accueillie.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Syldimo tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par la SCI Syldimo devant le tribunal :

10. Si la SCI Syldimo soutient que son projet respecte l'article 5 des dispositions générales du plan local d'urbanisme, dans la mesure où l'extension créée s'intègrerait harmonieusement avec le bâti environnant, le refus de permis qui lui a été opposé n'est pas fondé sur la méconnaissance de ces dispositions. Par suite, le moyen est inopérant.

11. La SCI Syldimo ne peut davantage utilement se prévaloir de son droit à régularisation prévu, dans l'hypothèse de sanctions pécuniaires ou de privation de tout ou partie d'une prestation due, par les dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration, au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 4 mars 2021 portant refus de permis de construire et de la décision du 22 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et sur la recevabilité de la demande de première instance, que la commune de Rivière-Salée est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Martinique a annulé l'arrêté du 4 mars 2021 et la décision du 22 juillet 2021 portant rejet du gracieux formé contre cet arrêté.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rivière-Salée, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande la SCI Syldimo au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SCI Syldimo le versement de la somme de 1 500 euros à la SCI Syldimo sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Martinique du 24 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Syldimo devant le tribunal administratif de La Martinique est rejetée.

Article 3 : La SCI Syldimo versera à la commune de Rivière-Salée la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI Syldimo en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rivière-Salée et à la société civile immobilière (SCI) Syldimo.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 avril 2025.

La rapporteure,

Béatrice Molina-AndréoLa présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00235
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : KEITA-CAPITOLIN YASMINA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;23bx00235 ?
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