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09/04/2025 | FRANCE | N°24BX00585

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 09 avril 2025, 24BX00585


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par une ordonnance n° 2202815 du 9 février 2024, le président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour

administrative d'appel :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mars et 15 octobre 2024, M. B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 2202815 du 9 février 2024, le président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mars et 15 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Nauche, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Mayotte du 9 février 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 du préfet de Mayotte ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière ; la demande de première instance ne pouvait pas être rejetée sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence de sa signataire ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repose sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une ordonnance du 12 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les observations de Me Nauche, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant comorien né le 19 juillet 1991, est entrée en France en octobre 2018, selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 juillet 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 décembre 2021. Par un arrêté du 13 mai 2022, le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel de l'ordonnance du 25 avril 2024 par laquelle le président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...)peuvent, par ordonnance : / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".

3. Le premier juge a, par l'ordonnance attaquée, rejeté la demande de M. B... en relevant que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige était manifestement infondé et que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'étaient pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. D'une part, le premier juge a pu régulièrement se fonder sur un arrêté de délégation de signature qui n'avait pas été produit par le préfet dès lors que cet arrêté avait été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Mayotte, librement accessible sur internet. D'autre part, dans sa demande de première instance, M. B... s'est borné à soutenir qu'il encourait un risque de persécutions aux Comores en raison de ses opinions, sans donner aucune indication sur la nature de ses opinions et les circonstances l'ayant conduit à quitter son pays d'origine, et à produire un avis de recherche et deux convocations devant le tribunal de première instance de Mutsamudu datés d'octobre 2018. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'il soutient en appel, son moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'était pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, l'appelant ne conteste pas que son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de ladite convention, au soutien duquel il faisait état, sans aucun détail, d'attaches sur le territoire français, n'était pas davantage assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. Il résulte de ce qui précède que le président du tribunal administratif de Mayotte pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. B....

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-SG-DIIC-2108 du 2 décembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Mayotte du 8 décembre 2021, le préfet de Mayotte a donné délégation à M. C..., adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement, du contentieux, de la circulation et de l'asile, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, les décisions de refus de séjour, les obligations de quitter le territoire français, les décisions relatives aux délai de départ volontaire et les décisions fixant le pays de destination Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et indique que la demande d'asile de M. B... a été rejetée par des décisions de l'OFPRA et de la CNDA. Dans ces conditions, et bien qu'il ne comporte pas d'élément sur la situation familiale de l'intéressé en France, il est suffisamment motivé.

7. En troisième lieu, il ne ressort ni de la rédaction de l'arrêté en litige ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. B....

8. En quatrième lieu, le refus d'admission au séjour de M. B... n'a pas été pris sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. B... fait valoir qu'il réside à Mayotte depuis octobre 2018 et que son épouse et deux de ses enfants y résident également. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que son épouse serait en situation régulière sur le territoire français. De plus, le requérant ne donne aucune précision sur l'âge de ses enfants et ne produit aucune pièce attestant de leur scolarisation en France. Il ne soutient enfin pas être dépourvu d'attaches aux Comores, où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, et eu égard en particulier à l'absence d'obstacle avéré à une reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance, par le refus de séjour en litige, des stipulations citées au point précédent, doit être écarté.

11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

12. En septième lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

13. En huitième lieu, eu égard à la situation personnelle et familiale de M. B... telle que décrite ci-dessus, les moyens, invoqués à l'appui de sa contestation de l'obligation le territoire français, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent être écartés.

14. En neuvième lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

16. M. B... indique qu'il a intégré en 2012 le peloton d'intervention de la gendarmerie nationale comorienne et été dépêché, le 16 octobre 2018, sur l'île d'Anjouan, où une rébellion avait éclaté. Il explique que, lors de cette intervention, il a reçu l'ordre de tirer sur les rebelles, ce qui l'a conduit à déserter la gendarmerie. Selon lui, du fait de cette désertion, il a été considéré comme appartenant aux rebelles anjouanais, et poursuivi pour ce motif. Il se prévaut, à ce titre, d'un avis de recherche et de deux convocations devant le tribunal de première instance de Mutsamudu datés d'octobre 2018. Toutefois, ces seuls éléments relativement anciens et qui avaient été déjà produits par l'intéressé devant l'OFPRA et la CNDA ne sont pas de nature à démontrer qu'il encourait, à la date d'édiction de l'arrêté en litige, un risque de subir des traitements graves et inhumains en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00585
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : NAUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;24bx00585 ?
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