Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par laquelle la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301705 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Donzel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 mai 2024 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour
- la décision méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnaît le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;
- elle méconnaît article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La procédure a été communiquée au préfet de la Gironde qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 12 septembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 13 janvier 2002, de nationalité ukrainienne, est entré en France mineur en janvier 2015, avec sa mère et son beau-père. M. B... a bénéficié d'un document de circulation pour étranger mineur valable du 15 janvier 2018 au 12 janvier 2020. Il a demandé, le 18 novembre 2019, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " à sa majorité. Par arrêtés du 6 juin 2023, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 23 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 6 juin 2023.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 mai 2024 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du même code dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Enfin, aux termes de l'article L. 432-13 de ce même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
3. M. B... soutient qu'il réside en France depuis le 8 janvier 2015, qu'il a fait sa scolarité en France et que sa mère et son beau-père résident régulièrement en France. Toutefois, il n'est pas contesté que M. B... n'est pas inséré professionnellement en France et n'a aucune relation sur le territoire français autre que celle avec sa mère et son beau-père. En outre, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Niort le 4 décembre 2020 à 105 heures de travail d'intérêt général pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, et vol commis le 29 novembre 2020. Il a également été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis simple par le même tribunal le 2 mars 2023 pour des faits, commis le 15 décembre 2020, de complicité de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours. Enfin, la commission du titre de séjour a émis un avis réservé le 4 octobre 2022 soulignant l'absence de volonté d'insertion socio-professionnelle. Au regard de ces éléments, malgré la durée de la présence en France de M. B..., le préfet n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 ni celle de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux premier lieu, aux termes du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déclaré être entré en France le 15 janvier 2015. Cette date d'entrée en France figure sur le fichier national des étrangers, sur les fichiers de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que sur les récépissés de demande de carte de séjour de M. B... et n'a fait l'objet d'aucune contestation jusqu'à l'arrêté du 6 juin 2023 en litige. La date du 15 janvier 2015 n'est pas utilement remise en cause par la production de deux attestations du mois de juin 2023 de deux personnes ayant organisé une fête le 9 janvier 2015, soit huit ans auparavant, et indiquant qu'une amie y avait convié la famille du requérant et que M. B... était présent. De même, l'attestation du 26 mars 2024 de la présidence de l'association l'Anneau de l'espoir indiquant qu'elle a consulté les registres des archives de l'association et que le requérant se serait présenté avec sa mère dans leur locaux pour solliciter une solution d'hébergement d'urgence et un colis alimentaire le 9 janvier 2015, ne suffit pas, en l'absence de production de l'extrait de ce registre ou de tout autre justificatif lié à la résidence en France du requérant ou au voyage qui aurait été effectué avant le 15 janvier 2015 pour se rendre sur le territoire français, à remettre en cause la date d'entrée en France figurant sur tous les documents liés au séjour du requérant, de sa mère et de son beau-père. Ainsi, M. B... justifie résider habituellement en France seulement depuis le 15 janvier 2015 alors qu'il avait atteint l'âge de treize ans le 13 janvier 2015. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait noué des relations personnelles stables et d'une certaine intensité depuis son entrée en France en janvier 2015. Il n'est pas davantage inséré professionnellement dès lors qu'il justifie depuis le 16 janvier 2020, n'avoir travaillé qu'au mois de décembre 2021 puis du 4 au 25 mars 2022 et du 15 au 30 décembre 2022 puis une unique journée de travail en mars 2023, soit environ trois mois en trois ans. En outre, comme il a été indiqué au point 3, M. B... a fait l'objet de condamnations pénales pour des faits commis à la fin de l'année 2020 et ne justifie d'aucune volonté d'insertion sociale. Dans ces circonstances, alors même qu'il résidait en France depuis plus de huit ans à la date de la décision en litige et qu'il est entré sur le territoire français à l'âge de treize ans avec sa mère et son beau-père qui y séjournent désormais régulièrement, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, ni n'a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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