La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2025 | FRANCE | N°24BX01524

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 08 avril 2025, 24BX01524


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour le 19 octobre 2023 et la décision par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour le 8 janvier 2024.



Par un jugement n° 2306865 du 5 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure deva

nt la cour :



Par une requête enregistrée le 24 juin 2024, M. B..., représenté par Me A..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour le 19 octobre 2023 et la décision par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour le 8 janvier 2024.

Par un jugement n° 2306865 du 5 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2024, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 avril 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour le 19 octobre 2023 et la décision par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour le 8 janvier 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision implicite de rejet de sa demande de titre du 19 octobre 2023 :

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette décision ;

- alors qu'il a sollicité la communication des motifs en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, par courrier recommandé réceptionné le 24 octobre 2023, le préfet de la Gironde n'a pas répondu dans le délai d'un mois qui lui était imparti de sorte que conformément à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision préfectorale de refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour du 8 janvier 2024 :

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'autorité préfectorale a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pourtant inapplicables à un étranger dont la demande d'asile ne relève pas de la France ; il a d'ailleurs fait l'objet d'un arrêté de transfert aux autorités espagnoles le 9 août 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le jugement doit être confirmé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Normand ;

- et les observations de Me A... représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., né en septembre 2001, de nationalité algérienne, est entré en France selon ses déclarations en juin 2022 pour y demander l'asile. Par un courrier du 16 juin 2023, réceptionné le 19 juin 2023, l'intéressé a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 19 octobre 2023, le préfet de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour. Le 8 janvier 2024, le préfet de la Gironde a informé M. B... qu'il refusait d'enregistrer sa demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit au motif qu'il ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 5 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 octobre 2023 et de la " décision " du 8 janvier 2024.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour juger qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision implicite du 19 octobre 2023 portant refus de titre de séjour, le tribunal a jugé que " la décision du 9 février 2024 portant refus d'enregistrement de sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pourtant considérée comme complète au regard des pièces exigées pour l'instruction du dossier, est de même portée que la décision implicite portant refus de délivrance du titre sollicité, née le 19 octobre 2023 du silence gardé sur sa demande pendant quatre mois par la préfecture " et que " Dès lors, la décision du 19 octobre 2023 a été implicitement mais nécessairement retirée et remplacée par cette dernière ". Toutefois, la prétendue " décision " par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour le 8 janvier 2024 ne constituait que la réponse apportée à la demande de M. B... de communication des motifs de la décision implicite de rejet du 19 octobre 2023. Par suite, en l'espèce, aucune décision expresse n'a implicitement mais nécessairement retiré la décision implicite de rejet du 19 octobre 2023 portant refus de délivrance du titre sollicité. C'est donc à tort que les premiers juges ont prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre celle-ci. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions du requérant dirigées contre la décision implicite de rejet du 19 octobre 2023 dont les motifs ont été régulièrement communiqués le 8 janvier 2024.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet du 19 octobre 2023 :

3. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ".

4. En refusant d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, au motif que sa situation ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que ces dispositions ne sont applicables qu'aux étrangers ayant présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, et non comme en l'espèce aux étrangers dont la demande d'asile relève d'un pays tiers, l'autorité préfectorale a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 19 octobre 2023 du préfet de la Gironde.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. D'une part, eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée au point 5 du présent arrêt de la décision préfectorale du 19 octobre 2023 n'implique pas la délivrance à M. B... d'un titre de séjour, mais seulement le réexamen par le préfet de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A..., de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 avril 2024 n° 2306865 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La décision du 19 octobre 2023 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me A..., avocate de M. B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Zuccarello, présidente,

M. Normand, président assesseur,

Mme Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

Le rapporteur,

N. Normand

La présidente,

F. Zuccarello

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24BX01524 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01524
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : SIROL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24bx01524 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award