La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2025 | FRANCE | N°24BX02665

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 03 avril 2025, 24BX02665


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A..., représentée par Me Guillout, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 12 novembre 2024 sous le n° 24BX02665, Mme C... A..., repr

sentée par Me Guillout, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement n° 2402397 du 15 octobre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A..., représentée par Me Guillout, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2024 sous le n° 24BX02665, Mme C... A..., représentée par Me Guillout, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2402397 du 15 octobre 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en se fondant uniquement sur les éléments antérieurs à son arrivée en France et en s'abstenant d'examiner les conditions de son séjour en France, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'appréciation ; il n'a pas pris en compte le fait qu'elle réside depuis quatre ans chez sa fille avec ses petits-enfants dont elle s'occupe quotidiennement, qu'elle n'a qu'une fille unique qui dispose, avec son époux, d'une carte de résident permanent et qu'elle serait isolée en Chine, son époux, ses parents et frères et sœur étant décédés ; le fait qu'elle ne maîtrise pas le français, ce qui n'est d'ailleurs pas exigé des étrangers de plus de 65 ans, ne permet pas de considérer à lui seul qu'elle ne serait pas intégrée en France ; elle suit par ailleurs des cours au sein d'une association pour apprendre la langue française ; compte tenu de son âge, elle ne pourrait rendre visite à sa famille en France plusieurs fois par an ;

- contrairement à ce qu'a indiqué le préfet pour justifier l'arrêté en litige, elle n'est pas démunie de ressources personnelles, ne bénéficie d'aucune prestation familiale et touche une pension de retraite ; le tribunal s'est abstenu de se prononcer sur l'erreur de fait qu'elle invoquait sur ce point ;

- elle n'a jamais entendu solliciter un titre de séjour pour raison de santé, de sorte que le tribunal n'avait pas à se prononcer sur ce point ;

- pour les motifs précédemment indiqués, cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en méconnaissance des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par mémoire enregistré le 27 janvier 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de Mme A....

Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures produites devant le tribunal administratif.

Par une décision du 21 novembre 2024, Mme A... a obtenu l'aide juridictionnelle totale.

Par ordonnance du 5 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2025 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 27 janvier 1954, est entrée régulièrement en France le 12 janvier 2020 munie d'un visa D valable jusqu'au 11 janvier 2021. Le 16 mars 2022, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté en date du 5 mars 2024, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 15 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 21 novembre 2024, Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Pour rejeter sa demande, les premiers juges ont estimé que Mme A... n'établissait pas l'intensité des liens familiaux qu'elle entretenait en France et qu'elle ne serait pas isolée dans son pays d'origine. Cependant, il résulte des certificats de décès produits par cette dernière et de son acte de naissance que son mari, ses parents, ses deux frères et sa sœur sont décédés. Par ailleurs, n'ayant eu qu'une seule fille, compte tenu de la politique alors en vigueur en Chine d'imposer un enfant unique par foyer, les attaches familiales dont dispose l'appelante se limitent à sa fille, laquelle séjourne en France sous couvert d'une carte de résident permanent, et à ses petits-enfants, dont l'aîné a acquis la nationalité française en 2023. En outre, l'intéressée, depuis son arrivée en France en janvier 2020, est hébergée gratuitement chez sa fille et son gendre à qui elle apporte un soutien indispensable en s'occupant de leurs enfants lorsque ces derniers exploitent leur restaurant. Elle entretient ainsi des relations proches et quotidiennes avec ses petits- enfants nés en 2009 et 2018, dont elle participe à l'équilibre affectif, en particulier concernant le cadet dont elle s'occupe quotidiennement depuis qu'il a atteint l'âge de seize mois. Par ailleurs, Mme A... dispose d'une pension de retraite et ne perçoit aucune prestation familiale. Si elle ne maîtrise pas encore la langue française, elle démontre en revanche qu'elle suit assidument des cours au sein d'une association. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu notamment de la durée de son séjour et de ses attaches en France, Mme A... est fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'elle avait sollicité, le préfet de la Gironde a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à Mme A... le titre de séjour sollicité dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991 :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de

l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me Guillout en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2402397 du 15 octobre 2024 et l'arrêté du 5 mars 2024 du préfet de

la Gironde sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme A... le titre de séjour sollicité dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Guillout une somme de 1 200 euros au titre des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur

et à Me Guillout et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

Sabrina B...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX02665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02665
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : GUILLOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24bx02665 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award