Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite née le 7 février 2021 par laquelle l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) lui a d'abord refusé l'octroi du bénéfice de l'aide aux enfants d'anciens harkis, ainsi que la décision du 17 mai 2021 en tant que l'Office a limité à 12 000 euros le montant qui lui est attribué au titre de cette aide.
Par un jugement n° 2103902, 2206635 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 juillet 2023, 25 octobre et 22 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Rouget, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance enregistrée sous le n° 2206635 ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mai 2023 ;
3°) d'annuler la décision du 17 mai 2021 par laquelle l'ONACVG a limité à 12 000 euros le montant qui lui est attribué au titre de l'aide aux enfants d'anciens harkis ;
4°) d'enjoindre à l'ONACVG de prendre une nouvelle décision à son bénéfice lui accordant une aide ne pouvant être inférieure à la somme de 1 000 000 d'euros au regard de la spécificité de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui fournir un certificat de résidence correspondant à sa durée réelle de résidence au camp de Bias ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a refusé de lui octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire pour l'instance n°2206635 ;
- il remplit les conditions édictées par le décret du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, et il a également été recruté par la 3ème compagnie et a servi au sein de cette unité ; il a été présent dans les camps plus de 90 jours, puisque l'administration admet qu'il y est resté 5 296 jours ; en réalité, si le camp a fermé officiellement le 31 décembre 1976, il y demeure toujours ;
- le décret ne prévoyant pas de plafond au montant de l'aide, ce montant de l'aide a été fixé sans base légale ;
- il soulève, par voie d'exception l'illégalité de l'instruction n°2020-01/ARM/ONACGV, qui fixe notamment un plafond de 10 000 euros par personne ; le décret de 2018 n'autorise pas l'ONACVG à fixer un plafond de l'aide, mais se borne à lui indiquer qu'il convient d'utiliser le budget alloué ; l'imprécision de l'instruction conduit à une rupture du principe d'égalité qui doit être appliqué aux bénéficiaires, en ce que leur situation fondamentalement différente, se traduit par une indemnisation quasiment identique ; cette instruction conduit à allouer l'aide à des personnes qui n'entrent pas dans le champ ou à allouer des sommes plus importantes que celle qui lui a été attribuée ;
- le montant de l'aide octroyée est manifestement insuffisant ; dans la mesure où l'ONACVG ne justifie pas de l'épuisement de ses crédits, rien ne justifie que sa situation ait fait l'objet d'un traitement dans la limite de ce barème, alors qu'il justifie d'une situation particulière dont la réalité n'a pas été examinée ; quand bien même l'Office n'aurait pas une obligation de consommer l'entièreté des crédits qui lui sont alloués, la sous-consommation des crédits prive ceux qui en ont le plus besoin du bénéfice d'une aide ;
- il a subi des conditions de vie indigne dans le camp, victime de racisme post-colonialisme et de pratiques discriminatoires ; il a été victime d'un traitement injustifié dans l'application des lois et mesures sociales destinées aux anciens harkis et rapatriés ; l'ONACVG doit prendre en compte les souffrances subies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2024, l'ONACVG conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une décision n° 2023/008357 du 14 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par un courrier du 6 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'admission provisoire de M. A... à l'aide juridictionnelle dans l'affaire enregistrée en première instance sous le n° 2206635, dès lors que la décision par laquelle le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur cette demande n'est pas susceptible de recours.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 ;
- le décret n°2018-1320 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Rouget, représentant M. B... A....
Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 14 mars 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 octobre 2020, M. B... A..., né le 19 avril 1954 à Tifrit Nait Oumalek (Algérie), a demandé à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), en qualité d'enfant d'ancien harki ayant personnellement séjourné dans un camp à la suite du rapatriement en France de sa famille, à bénéficier du dispositif d'aide mis en place par le décret du 28 décembre 2018 à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés. Par une décision du 17 mai 2021, procédant au retrait d'une précédente décision implicite de rejet, la directrice générale de l'ONACVG a attribué une aide financière de 12 000 euros à M. A.... Celui-ci a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux de demandes tendant à l'annulation, d'abord de la décision implicite de rejet de sa demande, puis de la décision expresse du 17 mai 2021 en tant qu'elle ne fait que partiellement droit à sa demande en ne lui accordant qu'une somme de 12 000 euros. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal a rejeté lesdites demandes.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ". Aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...). La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la décision par laquelle tribunal a statué sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. A... n'est pas susceptible de recours. Par suite, ses conclusions d'appel dirigées contre le non-lieu à statuer prononcé par les premiers juges sur sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dans l'affaire enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 2206635 ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 1er du décret du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés, qui ont séjourné pendant au moins quatre-vingt-dix jours dans un camp ou un hameau de forestage à la suite du rapatriement de leur famille sur le territoire national, et qui résident en France de manière stable et effective, peuvent demander, jusqu'au 31 décembre 2022, une aide de solidarité lorsque leurs ressources ne leur permettent pas de s'acquitter de dépenses ayant un caractère essentiel dans les domaines de la santé, du logement ou de la formation et de l'insertion professionnelle. / La liste des camps ou hameaux de forestage mentionnés au premier alinéa figure en annexe au présent décret. / Nul ne peut bénéficier de plus d'une aide au titre de chacun des trois domaines mentionnés au premier alinéa. Le montant de chaque aide, qui fait l'objet d'un seul versement, ne peut être révisé. ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " La décision d'attribution de l'aide est prise, dans la limite des crédits prévus à ce titre au budget de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, par le directeur général de l'Office, après instruction du service départemental ou territorial compétent. / Pour attribuer l'aide et en déterminer le montant, le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre prend en compte, d'une part, la durée de séjour du demandeur dans le camp ou le hameau de forestage et les conditions de scolarisation qu'il y a connues, d'autre part, l'ensemble des éléments de sa situation personnelle en ce qui concerne la composition de son foyer, le niveau de ses revenus et de ses charges, ainsi que la nature et le montant des dépenses mentionnées au premier alinéa de l'article 1er demeurant à sa charge après prise en compte, le cas échéant, des dispositifs de droit commun existants susceptibles de les couvrir. ".
5. Par une instruction n°2020-01/ARM/ONACVG du 19 mai 2020 relative au dispositif d'aide de solidarité à destination des enfants d'ex-membres des formations supplétives et assimilées ayant servi l'armée française pendant la guerre d'Algérie, l'ONACVG a défini les modalités de traitement des demandes au titre du dispositif institué par le décret du 28 décembre 2018. L'instruction précise d'une part, que ce dispositif est destiné à apporter une aide de solidarité à ses destinataires afin de prendre en charge des dépenses ayant un caractère essentiel, dans les domaines du logement, de la santé, de la formation et de l'insertion professionnelle et d'autre part, que les services doivent apprécier la situation et le besoin des demandeurs en prenant en compte trois critères liés au temps cumulé des séjours dans les camps, les conditions de scolarisation dérogatoires de droit commun, et la situation personnelle du demandeur. Son annexe, intitulée " Fiche d'aide à la décision ", fixe la méthode de modulation de ces critères en fonction d'éléments d'information et indique que, pour assurer une homogénéité dans le traitement des demandes, les montants d'aide peuvent varier, selon que le demandeur relève d'une priorité 1, 2, 3 ou 4, dans des limites indicatives fixées entre 500 euros et 10 000 euros.
6. Alors que l'article 3 du décret du 28 décembre 2018 précité prévoit que la décision d'attribution de l'aide est prise dans la limite des crédits prévus à ce titre au budget de l'ONACVG, et après appréciation de la situation du demandeur, l'instruction du 19 mai 2020 en cause n'a fait qu'encadrer l'action de l'administration, afin d'en assurer la cohérence dans la limite des crédits disponibles, en précisant, par la voie de lignes directrices, et sans édicter de condition nouvelle, ni à l'inverse étendre le champ d'application du dispositif, les critères applicables permettant de mettre en œuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation. Contrairement à ce que M. A... soutient, les modalités de traitement des demandes telles que précisément définies dans l'instruction du 19 mai 2020, qui conduisent à l'attribution d'une aide, comprise, en principe, entre 500 euros et 10 000 euros, en fonction du degré de priorité, de 1 à 4, du demandeur, résultant du nombre de points obtenus à chaque critère, garantissent le respect du principe d'égalité entre les bénéficiaires. D'ailleurs, l'appréciation particulière de la situation de M. A... a conduit l'ONACVG, au regard des éléments d'information en sa possession, à lui attribuer, au-delà du plafond indicatif de 10 000 euros, une aide de 12 000 euros. Par suite, et quand bien même les modalités de traitement des demandes définies par l'instruction du 19 mai 2020 ne conduiraient pas, dans les faits, à un épuisement des crédits prévus à ce titre, M. A... n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'exception, que l'instruction serait entachée d'illégalité.
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour déterminer le montant de l'aide attribuée à M. A..., la directrice générale de l'ONACVG a tenu compte des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, et notamment la circonstance qu'il a passé 5 296 jours dans les camps d'accueil de Bourg Lastic, la Rye le Vigeant et Bias entre le 1er octobre 1962 et le 31 décembre 1976, date de fermeture administrative du camp de Bias et qu'il est propriétaire d'une maison depuis 2011. Elle a également tenu compte des conditions de scolarisation dérogatoire des structures dans lesquelles il a vécu entre 1962 et 1975, ainsi que du niveau de ses ressources, évalué entre 0 et 300 euros par mois. Si M. A... produit des devis de rénovation de sa maison, datés du 11 janvier 2023, ils sont postérieurs à la date de la décision attaquée, à laquelle s'apprécie sa légalité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que M. A... présenterait, au niveau de son environnement social et de sa santé, une situation d'isolement géographique, familial ou social, ni qu'il aurait toujours ses enfants à charge ou même qu'il serait en situation de handicap ou de dépendance. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la directrice générale de l'ONACVG a évalué à la somme de 12 000 euros le montant de l'aide de solidarité mentionnée à l'article 1er du décret du 28 décembre 2018 attribuée à M. A....
8. Si M. A... soutient qu'il a subi des préjudices en lien avec l'indignité des conditions d'accueil et de vie dans les lieux où les harkis ont été hébergés en France, entre 1962 et 1975, cette circonstance qui serait, le cas échéant, de nature à engager la responsabilité de l'Etat dans le cadre du régime particulier d'indemnisation prévue par la loi du 23 février 2022 visée ci-dessus, est sans incidence sur la légalité de l'aide versée dans le cadre du dispositif instauré par le décret du 28 décembre 2018.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction sous astreinte et celles liées aux frais de l'instance doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andreo, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX01964