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25/03/2025 | FRANCE | N°23BX01660

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 25 mars 2025, 23BX01660


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2023 et 13 décembre 2024, la société PE des Gours, représentée par Me Gelas, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 avril 2023 par lequel la préfète de la Charente a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter un parc éolien de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune des Gours ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Charente de reprendre l'instruction de

la demande d'autorisation environnementale dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2023 et 13 décembre 2024, la société PE des Gours, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 avril 2023 par lequel la préfète de la Charente a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter un parc éolien de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune des Gours ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Charente de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation environnementale dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu'à la parution d'un décret qui doit être pris en application de l'article L. 515-45 du code de l'environnement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué qui se borne à viser l'avis du 17 février 2022 de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat du ministère des armées, est entaché d'une insuffisance de motivation ; ce défaut de motivation révèle un défaut d'appréciation personnelle de la situation par l'autorité administrative ;

- la préfète de la Charente a entaché sa décision d'une erreur de fait en se fondant sur l'avis de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat du ministère des armées du 17 février 2022 alors que l'exposante a déposé sa demande d'autorisation environnementale le 9 décembre 2022 ;

- l'autorité administrative a commis une erreur de droit en s'estimant en compétence liée par l'avis du ministre des armées ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le projet se situe en dehors d'une zone de coordination d'un radar ; la préfète ne démontre pas que le projet créerait un risque pour la sécurité publique ; elle a adapté le gabarit des aérogénérateurs afin que la côte sommitale des quatre éoliennes projetées respecte le plafond imposé et a donc pris en compte les contraintes liées aux procédures en vigueur au droit de la base aérienne 709 de Cognac ; l'instruction du 16 juin 2021, postérieure à l'avis de 2020 ne saurait permettre de justifier d'un risque pour la sécurité publique alors qu'aucun élément factuel n'a évolué pour modifier le profil de risque du projet entre 2020 et 2023 ; en méconnaissance de la réponse ministérielle publiée au Journal Officiel le 15 mars 2022 à la question n°42786 quant à l'instruction n° 1050 DSAE/DIRCAM du 16 juin 2021 aujourd'hui abrogée, du principe de proportionnalité et de l'illégalité d'une interdiction générale et absolue, la décision attaquée considère de manière générale et sans apporter le moindre élément circonstancié, que les éoliennes situées à 38 km d'un radar peuvent générer des perturbations justifiant le refus d'implantation alors même qu'elles sont situées à l'extérieur de toute zone d'exclusion.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société PE des Gours d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2024, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Kerjean-Gauducheau représentant la société PE des Gours, et de Mme B... représentant le ministre des armées et des anciens combattants.

Considérant ce qui suit :

1. La société PE des Gours a déposé, le 9 décembre 2022, auprès de la préfecture de la Charente, une demande tendant à la délivrance d'une autorisation environnementale relative à l'implantation du parc éolien des Gours en vue de créer et d'exploiter, sur le territoire de la commune du même nom, une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, comprenant 4 aérogénérateurs d'une hauteur de 200 mètres et des postes de livraison. Par un arrêté du 26 avril 2023, la préfète de la Charente a rejeté sa demande. La société PE des Gours demande à la cour l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2023 :

2. Aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases :1° Une phase d'examen ; 2° Une phase de consultation du public ; 3° Une phase de décision. Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande au cours de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. [...] ". Aux termes de l'article R. 181-32 du même code dans sa rédaction applicable à l'arrêté en litige : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme [...] 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code dans sa rédaction applicable à l'arrêté en litige : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : [...] 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable [...] La décision de rejet est motivée ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dont certaines des dispositions ont été abrogées pour être reprises en substance à l'article L. 6352-1 du code des transports : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " L'installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale.

En outre, les perturbations générées par l'installation ne remettent pas en cause de manière significative les capacités de fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés dans le cadre des missions de sécurité à la navigation aérienne civile et les missions de sécurité militaire [...] Art. 4-3.-Les règles applicables aux avis conformes du ministre chargé de l'aviation civile sont fixées par arrêté pris pour l'application de l'article R. 181-32 ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque l'installation envisagée est susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison de son emplacement et de sa hauteur, saisir le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense et que cette autorité est tenue, à défaut d'accord de l'un des ministres dont l'avis est ainsi requis, de refuser l'autorisation demandée. Par suite, pour refuser, sur le fondement de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, la délivrance de l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur la commune de Gours, la préfète de la Charente pouvait sans commettre d'erreur de droit se fonder, dans l'arrêté attaqué, sur l'avis défavorable du 17 février 2023 rendu par la direction de la sécurité aéronautique d'Etat du ministère des armées. En se bornant à faire référence à cet avis défavorable pour rejeter la demande d'autorisation, la préfète de la Charente n'a pas entaché sa décision d'un défaut de motivation ni d'un défaut d'examen de la situation particulière de la requérante.

4. En deuxième lieu, en se fondant sur l'avis de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat du ministère des armées du 17 février 2022 pour une demande d'autorisation environnementale déposée le 9 décembre 2022, alors que cet avis est intervenu le 17 février 2023, la préfète de la Charente n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait mais d'une simple erreur matérielle sans influence sur la régularité de sa décision.

5. En dernier lieu, si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

6. Selon l'avis défavorable du 17 février 2023, rendu par le ministre des armées, le projet se situe à 38 km du radar des armées de Cognac et présente une gêne avérée pour ce radar qui n'est pas acceptable en l'état, les éoliennes pouvant générer des perturbations de nature à dégrader la qualité de la détection et l'intégrité des informations transmises par les radars alors que, dans le cadre de la posture permanente de sûreté (pps), et en matière de sécurité des vols, le fonctionnement des radars utilisés par les armées exige de réduire au minimum les perturbations. L'avis du ministre précise qu'en dépit des adaptations proposées en vue de respecter la hauteur minimale liée aux procédures sur le terrain de cognac, le projet reste de nature à remettre en cause les missions des armées, au regard des contraintes radioélectriques qu'il induit.

7. Il résulte de l'instruction que contrairement à ce que soutient la requérante, le ministre n'a pas fait application de l'instruction n° 1050 DSAE/DIRCAM du 16 juin 2021 qui, à la date à laquelle l'avis a été rendu, était abrogée par une instruction n° 1629/ARM/DSAE/DIRCAM/NP du 2 juin 2022. Le ministre, qui explique d'ailleurs qu'il ne rend ses avis que sur la base de dispositions législatives et réglementaires, n'a donc pas rendu son avis sur la base de cette instruction qui déterminait des zones d'exclusion et de coordination. Il indique au contraire, à l'appui d'une note technique du 18 août 2023 rendue pour ce projet d'éolienne, avoir fait usage du logiciel des ondes électromagnétiques des radars dit A... qui permet désormais de calculer, pour chaque éolienne, son impact électromagnétique sur un radar militaire, méthode qui permet en son principe d'accepter un projet en deçà de 30 km s'il ne cause aucune perturbation électromagnétique. Or, selon cette note technique, les éoliennes E1 à E4 sont en intervisibilité électromagnétique avec un radar militaire (GM403 de COGNAC) et la présence de ces obstacles est de nature à dégrader les performances de ce radar et constitue un risque non acceptable dans le cadre de la posture permanente de sureté aérienne sur le plan de la surveillance aérienne. Des schémas révèlent notamment que l'onde radioélectrique du radar matérialisée par une ligne en pointillés bleus est arrêtée par des obstacles en jaune (les éoliennes). La requérante n'apporte, pour sa part, aucun élément de nature à démontrer que le projet ne créerait pas un risque pour la sécurité publique pourtant parfaitement identifié par l'emploi de cette nouvelle technique à la précision accrue. C'est donc sans portée utile que la requérante se prévaut d'un avis du même ministre, antérieur du 27 février 2020, intervenu dans le cadre d'une pré-consultation qui avait conduit la société à adapter le gabarit des quatre aérogénérateurs afin que leur côte sommitale respecte le plafond imposé et dans lequel le ministre précisait d'ailleurs que le porteur de projet devra respecter les contraintes radioélectriques en vigueur lors du dépôt de sa demande d'autorisation environnementale unique. Enfin, la requérante ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, de la réponse ministérielle publiée au Journal Officiel le 15 mars 2022 à la question n°42786 quant à l'instruction n° 1050 DSAE/DIRCAM du 16 juin 2021 dès lors qu'ainsi qu'il a été indiqué, cette instruction était abrogée à la date à laquelle l'avis critiqué a été rendu. Dans ces conditions, le ministre des armées n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet constituait un obstacle de nature à compromettre la qualité de la détection et l'intégrité des informations transmises par les radars. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée ne porte pas atteinte au principe de proportionnalité.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il besoin de surseoir à statuer, que la société PE des Gours n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel la préfète de la Charente a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter un parc éolien de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune des Gours. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions du ministre des armées et des anciens combattants tendant au versement d'une somme au titre des frais de justice doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de la société PE de Gours est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre des armées et des anciens combattants tendant au versement d'une somme au titre des frais de justice sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société PE des Gours, au ministre des armées et des anciens combattants et au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente.

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur,

Nicolas C...

La présidente,

Fabienne Zuccarello La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01660
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : CABINET JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;23bx01660 ?
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