Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du
13 juin 2024 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2401571 du 8 juillet 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 août et
25 septembre 2024, M. C..., représenté par Me Vasconi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2024 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2024 du préfet de la Vienne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées et entachées d'une erreur de fait, et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, dès lors qu'elles sont libellées en terme généraux et qu'elles n'indiquent notamment pas qu'il pourrait être français ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il justifie être français car né d'un père français ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions des 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde dès lors que son maintien irrégulier sur le territoire en inexécution d'une précédente mesure d'éloignement est consécutif à son incarcération et qu'il ne représente plus une menace à l'ordre public ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis plus de 10 ans et qu'il y a l'intégralité de sa vie privée et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'elle aura un impact non négligeable sur ses sœurs mineurs ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'étant détenu, il n'y a aucune urgence à son éloignement, il ne représente pas non plus une menace à l'ordre public ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est illégale dès lors qu'il est français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires du fait qu'il a toute sa vie privée et familiale en France ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'elle aura un impact non négligeable sur ses sœurs mineurs.
Par une ordonnance du 22 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au
12 décembre 2024.
Un mémoire en défense a été enregistré pour le préfet de la Vienne le 11 février 2025, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du
19 septembre 2024.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ;
- les observations de Me Vasconi Maria-Kim, représentant M. C....
Une note en délibéré a été enregistrée pour M. C... le 6 mars 2025 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant comorien né le 24 avril 2002, est entré régulièrement en France, le 30 juin 2015, à l'âge de 13 ans et deux mois, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial initiée par sa mère. Le 19 août 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 19 octobre 2022, devenu définitif, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Cette décision n'a pas été exécutée. Incarcéré au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne à compter du 1er août 2023, il a fait l'objet, par l'arrêté contesté du 13 juin 2024 du préfet de la Vienne, d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et d'une décision fixant le pays de destination. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 22 novembre 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2024.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 110-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité. ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Aux termes de l'article 20 du même code : " L'enfant qui est français en vertu des dispositions du présent chapitre est réputé avoir été français dès sa naissance, même si l'existence des conditions requises par la loi pour l'attribution de la nationalité française n'est établie que postérieurement (...) ". L'article 20-1 du même code dispose : " La filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ". Aux termes de l'article 30 du même code : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel ". Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ". Il s'ensuit que le juge administratif peut connaître d'une exception de nationalité opposée par l'une des parties à un litige relevant de sa compétence à condition qu'elle ne présente pas de difficulté sérieuse.
4. M. C... soutient nouvellement en appel qu'il est français dès lors qu'il est né d'un père français. Il produit à l'appui de ses dires une copie de son acte de naissance justifiant de sa filiation, la carte nationale d'identité française de son père M. B... C... ainsi que le certificat de nationalité française de ce dernier établi par le tribunal d'instance de Cahors le
29 janvier 1988, justifiant de l'acquisition de la nationalité française par ce dernier bien avant la naissance de son fils. Il soutient qu'il est en " cours de régularisation " et de " demande de reconnaissance de sa nationalité française ". Compte tenu des éléments produits, il ressort des pièces du dossier que l'exception de nationalité soulevée par M. C... doit être regardée comme posant une difficulté sérieuse. Ainsi, il y a lieu de saisir le tribunal judiciaire de Poitiers compétent en application des articles 42 et 1038 du code de procédure civile, d'une question préjudicielle sur ce point en application de l'article R. 771-2 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. C... dirigée contre l'arrêté du préfet de la Vienne du 13 juin 2024 jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Poitiers se soit prononcé sur la question de savoir si le requérant est de nationalité française.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au président du tribunal judiciaire de Poitiers.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 20 février 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2025.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01964