Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2402692 du 15 novembre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 15 mars 2024 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2024, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 novembre 2024 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A....
Il soutient que :
- entrant dans la catégorie des étrangers pouvant bénéficier du droit au regroupement familial, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée ne porte pas atteinte au respect de sa vie privée et familiale ni à l'intérêt supérieur de ses enfants dès lors qu'elle n'a pas vocation à les séparer définitivement de leur mère.
Par une ordonnance du 6 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 7 février 1987 à Rufisque (Sénégal), est entrée en France le 12 octobre 2019 munie d'un visa C valable jusqu'au 8 novembre 2019 pour une durée de séjour autorisée en France de 30 jours. Le 16 août 2023, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 mars 2024, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Par la présente requête, le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 15 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur le moyen retenu par les premiers juges :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté du 15 mars 2024, les premiers juges ont considéré que la décision refusant à Mme A... son admission au séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, respectivement nés en 2020 et 2023, qui risquent d'être séparés de leurs parents.
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. Il est constant que Mme A... a deux enfants respectivement nés les 16 août 2020 et 22 février 2023 de son union avec M. B..., ressortissant sénégalais, qu'elle a épousé le 15 juillet 2023 à Mérignac. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si M. B... est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 19 novembre 2029, ce dernier ne justifiait d'aucune insertion professionnelle à la date de l'arrêté en litige ni de moyens d'existence suffisants. Dans ces conditions, et alors que Mme A... a un fils né le 12 octobre 2008 qui réside au Sénégal, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Sénégal avec leurs deux enfants mineurs. Il s'ensuit que l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le préfet de la Gironde est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A... porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur les autres moyens invoqués devant les premiers juges :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, Mme A... soutient que la décision en litige n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle, faute pour le préfet d'avoir pris en compte son état de santé. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier réceptionné par le préfet le 18 décembre 2023, Mme A... a indiqué au préfet de la Gironde qu'elle souffrait d'un cancer du sein et lui a adressé en ce sens un certificat médical du Dr C..., oncologue au CHU de Bordeaux, du 13 septembre 2023. Ces éléments sont toutefois intervenus au soutien d'une demande d'information sur l'état d'avancement de l'instruction de sa demande de titre de séjour " vie privée et familiale ". Ainsi, en l'absence de toute demande complémentaire de titre de séjour en qualité d'étranger malade, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Gironde a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
8. Mme A... fait valoir qu'elle justifie d'une vie commune depuis l'année 2019 avec son époux, M. B..., titulaire d'une carte de résident, avec lequel elle a eu deux enfants. Elle soutient donc que le centre de ses intérêts se trouve en France. Quoique M. B... soit titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 19 novembre 2029, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle durable en France. Il ressort en effet des pièces du dossier que si M. B... établit avoir occupé un emploi d'agent de sécurité jusqu'en juillet 2023, il ne justifie d'aucun emploi postérieurement à cette date. En outre, les revenus perçus par l'exercice de son emploi, et plus particulièrement depuis le mois de septembre 2021, ne lui assurent pas des moyens d'existence suffisants. M. B... a ainsi perçu en janvier, février et mars 2023, une rémunération mensuelle de l'ordre de 250 euros. Par ailleurs, l'entrée sur le territoire français de Mme A... était récente à la date de la décision en litige et elle ne justifie ni même n'allègue d'une insertion sociale ou professionnelle en France. Il ressort enfin des pièces du dossier que Mme A... a un fils mineur au Sénégal, ainsi que son père et sa fratrie. Dans ces conditions, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en prenant la décision en litige doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 15 mars 2024. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... en première instance ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, sous astreinte, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2402692 du 15 novembre 2024 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Gironde à Mme A... et à Me Foucard.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02863