Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 suite à la proposition de rectification du 3 novembre 2016.
Par un jugement n° 2100101 du 16 février 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des majorations correspondantes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mai 2023 et 28 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 février 2023 ;
2°) de remettre à la charge de M. et Mme C..., en droits et pénalités, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2013, 2014 et 2015 à hauteur respective de 3 665 euros, 170 385 euros et 181 657 euros dont le tribunal a indûment ordonné la décharge, avec toutes ses conséquences en droit ;
3°) de réformer en ce sens le jugement entrepris.
Il soutient que :
- il renonce à la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rehaussements notifiés au titre des bénéfices non commerciaux saint-martinois, d'un montant total de 4 858 euros ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de l'irrégularité du rôle d'imposition dès lors que les rôles supplémentaires ont été homologués par une autorité compétente et qu'ils comportent des informations suffisantes ; les rôles produits, qui ne sont pas des documents destinés aux contribuables, permettent d'identifier clairement les redevables des impositions réclamées ;
- les cotisations supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige sont intervenues à l'issue d'une procédure régulière ;
- c'est à bon droit que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été assorties d'une majoration de 40 % dès lors que M. C... n'a pas donné suite à la mise en demeure de déposer la déclaration spéciale 2047 ;
- aucune procédure d'évaluation d'office n'a été mise en œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Bes, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable dès lors que leur adresse, qui y est mentionnée, est erronée ;
- les extraits des rôles supplémentaires afférents aux années visées par les propositions de rectification sont irréguliers tant au regard des dispositions du code général des impôts que de l'instruction administrative BOI-REC-PART-10-10-10 du 21 mars 2019 dès lors qu'aucune indication ne permet d'attester de l'authenticité de ces documents, qu'ils ne font pas référence à l'article 1658 du code général des impôts, que la formule d'homologation ne précise par les pouvoirs de signature du signataire, qu'ils ne comportent aucune indication permettant d'identifier les redevables des impositions, que l'arrêté de délégation de signature produit par le ministre est irrégulier et ne permet pas de fonder l'homologation des rôles d'imposition émis pour le compte de la collectivité de Saint-Martin ;
- les procédures de contrôle mises en œuvre sont entachées d'irrégularités dès lors que, d'une part, la proposition de rectification du 3 novembre 2016 ne comporte aucune mention expresse précisant sa limitation aux seuls revenus saint-martinois de A..., en excluant les résultats réalisés à Saint-Barthélémy, d'autre part, la proposition de rectification du 31 mai 2017, qui ne fait nullement référence à la proposition de rectification du 3 novembre 2016, procède des informations collectées dans le cadre de la vérification de comptabilité de A... au titre des revenus encaissés par M. C..., unique associé de A..., et non par A... elle-même, et atteste ainsi de la réouverture illégale des opérations de vérification de comptabilité de A..., closes le 3 novembre 2016 ; ce faisant, l'administration n'a pas motivé en droit les chefs de redressement et a méconnu les articles 16 et 16 A du Livre des procédures fiscales en procédant à un contrôle autonome des revenus de source étrangère ;
- la mise en demeure du 31 mars 2017 est irrégulière et ne peut par conséquent fonder la pénalité de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ;
- le service a procédé, à tort, à une évaluation d'office des revenus encaissés hors de la collectivité de Saint-Martin ; la mise en demeure du 31 mars 2017 n'est pas conforme aux prescriptions requises par la doctrine administrative pour la mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office.
Par ordonnance du 29 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er avril 2024 à 12h00.
Une demande de pièces pour compléter l'instruction a été adressée, le 16 janvier 2025, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; ce dernier a produit le jour même des pièces qui ont été communiquées.
Un mémoire de M. et Mme C..., représentés par Me Bes, a été enregistré le 17 janvier 2025, par lequel ils ont formulé des observations sur les pièces complémentaires produites.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique
- et les observations de Me Bes, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est associé unique de la société civile professionnelle (SCP) B... C... qui exerce une activité d'huissier de justice. A... dont le siège social est à Saint-Martin, et qui dispose d'un établissement secondaire à Saint-Barthélémy, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2013 au 31 décembre 2015. Par une proposition de rectification du 3 novembre 2016, l'administration a informé M. C..., en sa qualité de représentant légal de A..., de la remise en cause de la déductibilité d'amortissements et de la réintégration de sommes correspondant aux discordances constatées entre les bénéfices non commerciaux portés sur sa déclaration professionnelle et ceux déclarés au sein de son foyer fiscal. Par une proposition de rectification du 31 mai 2017, l'administration a informé M. C... de la réintégration aux revenus imposables de son foyer, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, des revenus tirés de son activité d'huissier exercée à Saint-Barthélémy. A la suite de ces vérifications, M. et Mme C... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015 et aux majorations correspondantes. Par la présente requête, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relève appel du jugement du 16 février 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé la décharge de ces impositions et majorations.
2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts de la collectivité de Saint-Martin : " Sous réserve de dispositions différentes, les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu de rôles. Ceux-ci sont rendus exécutoires par le représentant de l'État dans la collectivité. (...) ". En vertu de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales de Saint-Martin, le rôle constitue un titre exécutoire. Enfin, selon l'article 104 de ce même livre, les comptables chargés du recouvrement des impôts directs d'Etat et taxes assimilées délivrent aux personnes qui en font la demande, dans la mesure où ils concernent le contribuable lui-même, un extrait de rôle, qui ne saurait être constitué par l'avis d'imposition.
3. Il résulte de ces dispositions que le rôle homologué permettant le recouvrement de la créance fiscale doit comporter l'identification du contribuable, ainsi que le total par nature d'impôt et par année des sommes à acquitter.
4. Au soutien de ses conclusions, l'administration se borne à produire des avis d'imposition, en dépit de la demande qui lui a été adressée par la cour de produire les trois rôles d'imposition supplémentaires intervenus en 2019 au titre des années 2013 à 2015. Si l'administration fait valoir que le contribuable concerné est formellement identifiable, même s'il n'est pas nommément désigné, en procédant à un rapprochement entre la formule d'homologation, qui fait expressément référence au numéro de rôle porté sur l'avis d'imposition et le montant de ce dernier, et l'avis d'imposition correspondant, elle ne justifie pas de l'identification de M. et Mme C... sur les rôles supplémentaires, homologués par arrêtés du 3 septembre 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité des rôles d'imposition doit être accueilli.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la recevabilité de la requête, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la demande présentée par M. et Mme C... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme B... C....
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01439