Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de le décharger de l'obligation de payer la somme de 214 123,88 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu, de taxes foncières, de taxes professionnelles, de taxes d'habitation et de contributions à l'audiovisuel public sur la période de 2004 à 2015.
Par un jugement n° 2001068 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de la Guyane a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme de 19 320,86 euros et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier 2023 et 6 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Taiebi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001068 du 27 octobre 2022 du tribunal administratif de la Guyane en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer l'ensemble des créances poursuivies (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, taxe foncière, taxe professionnelle, taxe d'habitation et contribution à l'audiovisuel public) sur le fondement des quatre saisies à tiers détenteurs, émises par le comptable public le 11 mars 2020, pour une montant total de 214 123,88 euros ;
3°) d'ordonner la restitution des sommes prélevées à la suite des quatre sursis à tiers détenteurs (SATD) ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'agissant de l'impôt sur le revenu au titre des années 2005, 2006 à hauteur de 35 746 euros et 2007, de la taxe foncière au titre des années 2009, 2011, 2012 et 2014, de la taxe professionnelle au titre de l'année 2009 et de la taxe d'habitation au titre des années 2011, 2012 et 2014 :
- la notification des quatre saisies administratives à tiers détenteur (SATD) émises le 15 octobre 2019, est entachée d'irrégularité et l'a privé d'une garantie substantielle ; les mentions indiquées sur le pli sont contradictoires et illisibles quant à la date de présentation ; l'avis de passage joint ne mentionne pas la date de présentation, et ne l'informe pas de la date à partir de laquelle le pli peut être retiré, ni même l'adresse du bureau de poste dans lequel le pli est en attente ; le second avis de réception joint est totalement vierge de toute date de présentation du pli ;
- à la date supposée de l'envoi des SATD en date du 15 octobre 2019, les impositions dont le recouvrement était poursuivi étaient prescrites ; l'action en recouvrement à l'encontre du premier acte de poursuite régulièrement notifié, à savoir les SATD en date 11 mars 2020, réceptionnées le 23 mai 2020, est prescrite ;
- s'agissant de la taxe foncière et de la taxe d'habitation au titre de l'année 2015 :
- la SATD en date du 15 octobre 2019 n'a pas été régulièrement notifiée ; il pouvait invoquer la prescription de l'action en recouvrement ;
- dans le cadre d'une instance en saisie des rémunérations, l'administration fiscale a reconnu devant le juge judiciaire la prescription d'une partie de la créance poursuivie ; il n'existe aucun acte interruptif de prescription pour les créances dont le recouvrement est poursuivi ;
- le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que l'action en recouvrement de ces impositions puisse être poursuivie sur une période de plus de 15 ans ;
- sur la SATD portant sur une somme de 5 382,43 euros, l'action en recouvrement est prescrite depuis le 31 août 2018 pour les plus anciennes, et depuis le 31 octobre 2019, pour les plus récentes ;
- sur la SATD portant sur une somme de 19 320, 86 euros, l'action en recouvrement de ces créances est prescrite depuis le 30 septembre 2011 pour les plus anciennes, et depuis le 31 octobre 2012, pour les plus récentes ;
- sur la SATD portant sur une somme de 5 056,83 euros, l'action en recouvrement de ces créances est prescrite depuis le 31 août 2015 pour les plus anciennes, et depuis le 31 octobre 2016, pour les plus récentes ;
- sur la SATD portant sur une somme de 184 363, 76 euros, l'action en recouvrement de ces créances est prescrite depuis le 31 août 2013 pour les plus anciennes, et depuis le 31 août 2015, pour les plus récentes ;
- la mise en demeure du 22 octobre 2019 n'a pas été notifiée régulièrement, compte tenu des conditions de distribution du pli ;
- les ATD en date du 2 septembre 2016 et du 25 octobre 2017 ainsi que la SATD en date du 5 février 2020 ne lui ont pas été notifiés ; ils ne comportent pas la mention des voies et délais de recours ;
- aucune mise en demeure ou commandement de payer n'a été notifiée avant l'expiration du délai de prescription de 4 ans ; l'envoi de mises en demeure n'a eu aucun effet sur le délai de prescription ;
- il n'est pas le signataire de l'accusé de réception relatif à la SATD du 19 février 2013 ; la date de distribution du pli n'est pas mentionnée ;
- sur la SATD du 12 octobre 2016, aucune indication relative au bureau de poste de retrait de ce pli n'est mentionnée, ni même le délai de garde de 15 jours ;
- la notification de la SATD du 15 juillet 2019 était irrégulière ; aucune indication relative au bureau de poste de retrait de ce pli n'est mentionnée, ni même le délai de garde de 15 jours ; l'adresse comporte une erreur ;
- le pli communiqué par l'administration fiscale ne permet pas de s'assurer de sa date de présentation de la mise en demeure du 22 octobre 2019 et du motif de non distribution.
Par une ordonnance n° 23BX00189 du 31 janvier 2023, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis le dossier de la requête de M. B... au Conseil d'Etat en tant qu'elle concerne la contestation relative aux taxes d'habitation et à la contribution à l'audiovisuel public.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 août 2024, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été assujetti à des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2004 à 2006, des cotisations de taxe foncière au titre des années 2007, 2008, 2009, 2011, 2012, 2014, 2015, des cotisations de taxe d'habitation au titre des années 2011, 2012, 2014, 2015 et des cotisations de taxe professionnelle au titre des années 2007 à 2009. En vue du recouvrement de ces impositions, le responsable du pôle de recouvrement spécialisé (PRS) de la Guyane a décerné à M. B... des saisies administratives à tiers détenteur (SATD) le 11 mars 2020 auprès de la banque BNP Paribas. A la suite du rejet implicite de son opposition à poursuites, M. B... a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes d'un montant total de 214 123,88 euros. Par un jugement du 27 octobre 2022, le tribunal a partiellement fait droit à la demande en déchargeant M. B... de l'obligation de payer la somme de 19 320, 86 euros correspondant aux cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2004 et 2006, à hauteur des sommes respectives de 189 euros et de 16 197 euros, des cotisations de taxe foncière au titre des années 2007 et 2008 pour les sommes respectives de 1 845 euros, 717 euros, 696 euros et 1 624 euros et des cotisations de taxe professionnelle au titre des années 2007 et 2008 pour les sommes respectives de 647 euros et de 158 euros. M. B..., dont les conclusions relatives aux cotisations de taxe d'habitation et de contribution à l'audiovisuel public ont été transmises au Conseil d'Etat, relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur l'action en recouvrement :
2. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable " et aux termes de l'article L. 281 du même livre, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics (...) doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites (...) ".
3. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. La prescription de l'action en recouvrement doit, en application du c de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir.
4. M. B... a formé, par lettre en date du 8 juillet 2020, une opposition à poursuite dirigée contre quatre saisies à tiers détenteurs pratiquées le 11 mars 2020 pour le recouvrement de cotisations de taxes foncières des années 2009, 2011, 2012 et 2014, d'impôt sur le revenu des années 2005, 2006 et 2007, de la taxe professionnelle de l'année 2009. Il résulte toutefois de l'instruction que lesdites saisies n'ont pas constitué le premier acte de poursuite tendant au recouvrement desdites cotisations dès lors que le pôle de recouvrement spécialisé de la Guyane avait déjà émis, le 15 juillet 2019, quatre saisies administratives à tiers détenteur en vue de recouvrer les cotisations de taxes foncières des années 2009, 2011, 2012 et 2014, d'impôt sur le revenu des années 2005, 2006 et 2007, de taxe professionnelle de l'année 2009. Il résulte également de l'instruction que ces saisies administratives à tiers détenteur, qui comportaient les voies et délais de recours, ont été adressées à M. B..., qui, avisé par les services postaux de la mise à disposition du pli le 24 juillet 2019, ne l'a pas réclamé. M. B... soutient que les mentions figurant sur l'avis de réception sont illisibles et qu'il est souvent absent de son domicile, pour des motifs professionnels. Toutefois, d'une part, les mentions portées sur l'avis de réception sont suffisamment claires et ne comportent aucune ambiguïté, permettant au destinataire d'être régulièrement avisé par la remise le même jour d'un avis de passage mentionnant que ce pli était mis en instance au bureau de poste dont dépend son domicile. La seule circonstance que le pli ne mentionne pas l'adresse du bureau de poste où il pouvait être retiré ni le délai de retrait ni la date de son retour ne fait pas obstacle à la régularité de cette notification. D'autre part, la circonstance, à la supposer établie, que M. B... n'a pas pu être avisé d'une telle notification en raison de son absence n'a pu avoir d'incidence sur sa régularité. Enfin, si l'appelant ajoute, pour contester la validité de cette notification, que son adresse comporte une mention erronée en indiquant " 11 rue des Cannes " en plus de " 105 lot Gibelin II " à Matoury, il ne résulte pas de l'instruction que les services postaux auraient pu se méprendre sur l'adresse d'expédition de ce courrier, alors qu'au demeurant, le pli retourné au tribunal n'était pas revêtu de la mention " défaut d'accès ou d'adressage " ni " destinataire inconnu à l'adresse ". Aussi, les saisies administratives à tiers détenteur du 15 juillet 2019 ont été régulièrement notifiées le 24 juillet 2019. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est au demeurant pas allégué que M. B... aurait contesté ces quatre actes de poursuite. Il est constant qu'à la date de ces saisies, l'action en recouvrement à l'encontre des impositions restant en litige était prescrite. Par suite, l'appelant est, en application du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales cité au point 2, irrecevable à invoquer le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement à l'encontre des saisies à tiers détenteurs pratiquées le 11 mars 2020 qui ne sont pas les premiers actes de poursuite à l'encontre desquels ce moyen de contestation de l'exigibilité des sommes concernées pouvait être invoqué.
5. La taxe foncière au titre de 2015 a été mise en recouvrement par voie de rôle respectivement le 31 août 2015. Par suite, l'action en recouvrement n'a été prescrite qu'à compter du 31 août 2019. Cette prescription a été interrompue par les saisies administratives à tiers détenteur intervenues le 15 juillet 2019, dont il résulte de l'instruction qu'elles ont été régulièrement notifiées à M. B..., tel que mentionné au point 4. A la date de délivrance des saisies administratives litigieuses, la dette fiscale de M. B... n'était donc pas prescrite pour cette taxe.
6. En limitant la demande d'un contribuable à la contestation du premier acte de poursuite, le c) de l'article R. 281-3-1 précité n'a pas pour effet de remettre en cause le principe d'une prescription extinctive des poursuites au terme d'un délai de quatre années à compter de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement par les comptables publics des administrations fiscales. Par suite, l'administration n'a pas méconnu le principe de sécurité juridique.
7. M. B... ne peut utilement se prévaloir du jugement du 11 décembre 2015 par lequel le tribunal d'instance de Cayenne a ordonné la saisie des rémunérations de l'intéressé pour une somme de 8 672 euros au titre de mises en demeure du 14 mars 2013 notifiées le 25 mai 2013 et rejeté toute autre demande, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les créances pour lesquelles le PRS a admis devant le juge leur prescription à hauteur en droits et pénalités d'un montant total de 26 663, 37 euros et celles pour lesquelles le juge a rejeté la saisie des rémunérations d'un montant de 74 741, 30 euros au motif de l'absence de justificatifs des mises en demeure en date du 1er mars 2013 seraient relatives au recouvrement des créances, objets du présent litige.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant des sommes dues relevant de la compétence de la cour, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté le surplus de sa demande.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour mette à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera communiquée à la direction régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mars 2025.
La rapporteure,
Bénédicte A...La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00189